C'est en effet un souci pour nous. L'actionnariat individuel direct est une force pour les entreprises et, pendant la crise, il a d'ailleurs bien résisté. Je crois qu'il faut alimenter la cote de Paris à la fois avec de nouveaux actionnaires mais aussi avec des titres nouveaux. Aujourd'hui a lieu la première introduction en bourse à Paris en 2014 ; il s'agit d'une de nos filiales, GTT, spécialisé dans le gaz liquéfié. Nous avions préalablement mis en concurrence théorique plusieurs places boursières - même si je me serais opposé à ce qu'elle soit cotée ailleurs qu'à Paris -, mais le choix s'est de toute façon porté vers Euronext, qui présentait les meilleures conditions. Euronext est, dans les conditions actuelles, très compétitive. Ce qui va bien, c'est Euronext et ce qui va moins bien, c'est la Place.
S'agissant de la fiscalité, je crois qu'elle est « à l'envers » depuis longtemps. Il est dans la culture française de privilégier fiscalement le Livret A et l'assurance-vie - qui finance essentiellement l'Etat -, qui sont des produits sacrés, liquides, de court terme et sans risque, et d'avoir des réticences à mettre en place des fonds de pension par exemple. Le résultat en est qu'il y a un manque de source française de fonds propres venant alimenter le marché des actions, ce qui est dommageable aux entreprises car cela induit une différence de valorisation par rapport aux marchés disposant d'importants flux entrants de capitaux, désireux de s'investir dans le marché à risque des actions, ce qui donne plus de flexibilité aux entreprises pour s'engager dans des stratégies d'alliances ou d'achat.
Concernant la stratégie à moyen terme d'Euronext, nous sommes profondément européens et nous serions favorables, dans son principe, à une grande bourse de la zone euro. Mais cela dépend des conditions. Lors de la première tentative de rapprochement, en pratique, Deutsche Börse voulait racheter Euronext pour tout rapatrier à Francfort et, disait son directeur, « éteindre la lumière » à Paris : ce n'est évidemment pas notre modèle de bourse de proximité, qui comprenne nos spécificités. Nous sommes d'accord pour une alliance, mais pas pour une absorption : nous avions alors participé financièrement pour éviter cela.
Pour répondre à Éric Bocquet, je crois que beaucoup de leçons ont été tirées de la crise et du G 20. Nous avons désormais des règles sophistiquées en matière de régulation, parfois presque trop, dont certaines, très dures, sont d'ailleurs appliquées avec plus de zèle en Europe qu'aux Etats-Unis, qui atténuent ou retardent la mise en oeuvre de certains dispositifs contraignants - je pense notamment à Bâle III. En conséquence, on assiste au développement de très grandes banques américaines universelles, alors que la réforme bancaire du commissaire Michel Barnier vise à séparer de façon trop importante, à nos yeux, entre les activités de crédit et les activités de banque d'affaires.