Intervention de Nicolas Dufourcq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 février 2014 : 3ème réunion
Bilan de la première année d'activité de bpifrance — Audition de M. Nicolas duFourcq directeur général de la banque publique d'investissement bpi

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance :

Je vous présenterai les résultats 2013, notre stratégie à horizon 2017 et quelques chiffres du budget 2014. Nous avons six métiers : la garantie, avec environ 60 000 crédits privés garantis par an ; le prêt ; l'innovation, par des subventions, des avances remboursables, des prêts à taux zéro, mais aussi des injections de capitaux propres dans les fonds de capital-risque que nous gérons ; les investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME), soit un peu plus de 100 PME par an ; l'investissement dans quelques grandes entreprises via le FSI ; l'activité de fonds de fonds, où nous injectons des capitaux dans des fonds privés gérés par des équipes de gestion privées. A ces six métiers s'ajoute progressivement un métier de financement de l'export. Ainsi, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a annoncé qu'il souhaitait nous confier la commercialisation d'une nouvelle ligne de produit, le crédit-acheteur pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) - une des activités autrefois réalisées par la Banque française du commerce extérieur avant sa dissolution dans le groupe BPCE.

En 2013, il a fallu être à la fois très actif commercialement auprès des entrepreneurs, et construire la banque puisque les derniers actes constitutifs ont lieu en ce moment. La fusion du FSI, FSI régions et CDC entreprises en une seule société de gestion, la plus grande d'Europe, sera cependant achevée seulement le 31 mars 2014.

Mais nous avons fait dès 2013 comme si nous étions une banque de plein exercice. Sur le métier des fonds propres directs dans les PME, nous avons fait un peu moins qu'en 2012 ; de même sur les grandes entreprises, car nous n'avons pas reproduit les gros tickets qui avaient eu lieu en 2012. Cela s'explique par le recul général du marché lui-même, avec une diminution de 30 % supérieure à la baisse de l'activité de Bpifrance. En particulier, le premier semestre a été quasiment bloqué pour toute restructuration du capital des entreprises pour des raisons psychologiques, quelle que soit la taille de l'entreprise. C'est reparti au second semestre et nous ferons sans doute une belle année 2014.

Les autres métiers sont en croissance. Le métier de la garantie a progressé de 8 %. Le métier du prêt, qui est toujours du cofinancement avec d'autres banques car nous voulons éviter la sélection adverse qui avait conduit à la faillite du CEPME, a été en croissance de 6 % en 2013, du fait notamment des prêts sans garantie qui sont au coeur de notre stratégie pour l'avenir et qui ont crû de 25 %. Le métier de l'innovation est stable, en légère décroissance sur les aides à l'innovation car les dotations budgétaires ont elles-mêmes reculé. Enfin, les activités de fonds de fonds, très importantes pour nous, ont connu une croissance de 14 % en 2013.

Notre stratégie en matière de crédit est de se concentrer sur deux principales failles du marché. La première est le prêt sans garantie, car les banques prennent de plus en plus de garantie. Nous offrons des prêts sans garantie, ni sur l'entrepreneur ni sur l'entreprise. Ce sont des prêts entre 1 et 10 millions d'euros avec le nouveau « Prêt d'avenir » sur dix ans. Après une croissance de 25 % en 2013, nous souhaitons afficher une croissance de 33 % en 2014 et, d'ici à 2017, faire chaque année l'équivalent de la totalité de l'encours actuel, soit 3 milliards d'euros. Pour cela, il faut évidemment que les dotations budgétaires soient à la hauteur, entre 250 et 300 millions d'euros par an, car elles sont nécessaires pour couvrir le risque lié à l'absence de garantie, même si la sinistralité n'est pas très élevée. L'effet multiplicateur est important puisqu'avec 300 millions d'euros de dotations budgétaires, nous pouvons faire 3 milliards de prêts sans garantie, qui représentent eux-mêmes un total de 10 milliards d'euros de financement compte tenu de notre principe de cofinancement.

La deuxième orientation concerne le crédit de trésorerie. Nous resterons un acteur majeur du préfinancement du CICE, avec un objectif en 2014 d'environ 1,2 milliard d'euros et 1,6 milliard d'euros pour 2017, si le CICE existe encore. Pour répondre à la question du président Philippe Marini, nous préfinançons en effet le CICE sur trois ans pour les ETI déficitaires : nous allons donc avoir un encours de préfinancement du CICE rattaché à plusieurs exercices différents. Sur le premier trimestre 2014, nous continuons de préfinancer un peu de CICE 2013, puisque le crédit de l'Etat n'interviendra qu'en mai 2014. Nous préfinançons pour ces entreprises à la fois le CICE 2013, à hauteur de 4 %, et le CICE 2014, à hauteur de 6 %, soit un total de 10 %. Nous avons un encours de préfinancement du CICE qui va se développer dans les années qui viennent.

Le CICE sera notre produit majeur de trésorerie, mais pas le seul. Nous ouvrons une nouvelle ligne de produits qui est la mobilisation des créances nées à l'étranger ; nous sommes historiquement très actifs sur la mobilisation de créances, du fait notamment de la Caisse des marchés de l'Etat. Nous faisons maintenant de la mobilisation de créances privées, c'est-à-dire de l'affacturage, avec une croissance de 9 % en 2013, plus importante que jamais. Nous allons continuer de pousser ces activités.

Nous allons également tenter de convaincre le Budget de continuer de nous donner des ressources budgétaires pour faire des crédits de trésorerie via un fonds de garantie dénommé Fonds de redressement de la trésorerie des PME françaises. Nous avons reçu en 2013 de quoi faire 650 millions d'euros de crédit de trésorerie, mais seulement 400 millions d'euros en 2014. Faisant l'hypothèse que la trésorerie va rester une grande faille de marché, nous espérons obtenir davantage pour faire environ 500 à 600 millions d'euros de crédit de trésorerie par le biais de ce fonds créé lors du plan de relance.

Différents thèmes sont mis en avant : l'export, la robotique, la numérisation, la transition écologique où nous espérons doubler nos interventions annuelles en passant de 400 à 800 millions d'euros.

S'agissant des fonds propres, notre stratégie est volumétrique. Nous visons un taux de rendement de 3 à 4 % ; nous sommes un actionnaire patient. Pour parvenir à ce taux de rendement contre 0,5 ou 1 % aujourd'hui seulement, il faudra déployer une gestion active des participations et accompagner les entrepreneurs dont la moitié, pour l'instant, ne respectent pas le plan d'affaires qu'il nous avait initialement présenté du fait de la conjoncture. Il nous faut donc faire plus, un tiers de plus qu'aujourd'hui, mais en tenant une certaine discipline de résultats et ce, dans tous les domaines : amorçage, capital-risque, capital-investissement dans les PME et ETI. De plus, nous continuerons à prendre parfois des très grosses participations dans des entreprises considérées comme stratégiques. Nous ne l'avons pas fait en 2013, mais nous pourrions être amenés à prendre une participation de 1 ou 2 milliards d'euros dans une grande entreprise ; nous aurions pu être investisseurs dans Peugeot, par exemple, car cela correspond à notre doctrine d'investissement, mais l'État chinois souhaitait une prise de participation directe de l'Etat français. Nous faisons l'hypothèse que ce type de situation se présentera à nouveau, notamment afin d'ancrer en France des entreprises qui sont très mondialisées, comme une montgolfière qu'il s'agirait d'attacher avec une petite ancre sur notre territoire.

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