Nous avons le plaisir de recevoir Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement ou « Bpifrance ». Alors que nous vous avions entendu pour la dernière fois le 15 mai 2013 pour la présentation de la doctrine d'investissement de Bpifrance, nous avons en effet souhaité faire le point sur cette première année de mise en place ainsi que sur les perspectives pour l'avenir.
A titre d'introduction, je voudrais rappeler que, lors de la création de la BPI, le débat parlementaire avait notamment porté sur la gouvernance de cette nouvelle structure, née du rapprochement entre Oséo, CDC Entreprises et le Fonds stratégique d'investissement (FSI). Pouvez-vous nous convaincre que l'addition des composantes est plus que la somme de l'action antérieure de ces sous-ensembles ? Par ailleurs, au bout d'un an, comment coexistent les différentes instances que sont le conseil d'administration, la direction générale, le comité national d'orientation, dans lequel siègent Michèle André et Albéric de Montgolfier, les comités régionaux ? Quel est le bilan de cette polysynodie ?
La loi prévoit que la BPI est à la fois une banque et qu'elle agit « en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et conduites par les régions ». Ainsi, comme l'était Oséo, la BPI est un opérateur du programme d'investissement d'avenir. Au quotidien, comment être à la fois une banque de la concurrence, se comportant en investisseur avisé, tout en demeurant fidèle à cette mission d'intérêt général ?
Par ailleurs, en 2013, il a également été demandé à la BPI d'assurer la mise en oeuvre du préfinancement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour les PME. Comment cette mission a été mise en oeuvre ? Quel relai pourrait être pris par un dispositif plus vaste dans le cadre du pacte dit de responsabilité ? Sur ce sujet, compte tenu du contexte économique, nous aimerions comprendre le traitement des entreprises déficitaires, qui ne peuvent pas imputer leur crédit d'impôt et qui doivent normalement attendre trois ans avant de récupérer leur créance : est-il possible à ces entreprises d'obtenir le préfinancement du CICE, et dans quelles conditions ?
Il s'agit là d'un échantillon des questions qui vous seront posées. Je me permets de vous indiquer que nous avons ce matin organisé une audition très intéressante sur le devenir de la place de Paris, notamment l'avenir de la plateforme Euronext. Questionné en mai dernier par Albéric de Montgolfier sur la possibilité pour la BPI d'investir dans cette entreprise, vous lui aviez fait une réponse très ouverte et positive ; ce matin, nous avons compris que l'introduction en bourse d'Euronext était en cours de conception, avec un actionnariat de place, comportant également quelques grands émetteurs. Quel rôle la BPI peut, le cas échéant, jouer pour conforter l'avenir de la plateforme Euronext ?
Je vous présenterai les résultats 2013, notre stratégie à horizon 2017 et quelques chiffres du budget 2014. Nous avons six métiers : la garantie, avec environ 60 000 crédits privés garantis par an ; le prêt ; l'innovation, par des subventions, des avances remboursables, des prêts à taux zéro, mais aussi des injections de capitaux propres dans les fonds de capital-risque que nous gérons ; les investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME), soit un peu plus de 100 PME par an ; l'investissement dans quelques grandes entreprises via le FSI ; l'activité de fonds de fonds, où nous injectons des capitaux dans des fonds privés gérés par des équipes de gestion privées. A ces six métiers s'ajoute progressivement un métier de financement de l'export. Ainsi, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a annoncé qu'il souhaitait nous confier la commercialisation d'une nouvelle ligne de produit, le crédit-acheteur pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) - une des activités autrefois réalisées par la Banque française du commerce extérieur avant sa dissolution dans le groupe BPCE.
En 2013, il a fallu être à la fois très actif commercialement auprès des entrepreneurs, et construire la banque puisque les derniers actes constitutifs ont lieu en ce moment. La fusion du FSI, FSI régions et CDC entreprises en une seule société de gestion, la plus grande d'Europe, sera cependant achevée seulement le 31 mars 2014.
Mais nous avons fait dès 2013 comme si nous étions une banque de plein exercice. Sur le métier des fonds propres directs dans les PME, nous avons fait un peu moins qu'en 2012 ; de même sur les grandes entreprises, car nous n'avons pas reproduit les gros tickets qui avaient eu lieu en 2012. Cela s'explique par le recul général du marché lui-même, avec une diminution de 30 % supérieure à la baisse de l'activité de Bpifrance. En particulier, le premier semestre a été quasiment bloqué pour toute restructuration du capital des entreprises pour des raisons psychologiques, quelle que soit la taille de l'entreprise. C'est reparti au second semestre et nous ferons sans doute une belle année 2014.
Les autres métiers sont en croissance. Le métier de la garantie a progressé de 8 %. Le métier du prêt, qui est toujours du cofinancement avec d'autres banques car nous voulons éviter la sélection adverse qui avait conduit à la faillite du CEPME, a été en croissance de 6 % en 2013, du fait notamment des prêts sans garantie qui sont au coeur de notre stratégie pour l'avenir et qui ont crû de 25 %. Le métier de l'innovation est stable, en légère décroissance sur les aides à l'innovation car les dotations budgétaires ont elles-mêmes reculé. Enfin, les activités de fonds de fonds, très importantes pour nous, ont connu une croissance de 14 % en 2013.
Notre stratégie en matière de crédit est de se concentrer sur deux principales failles du marché. La première est le prêt sans garantie, car les banques prennent de plus en plus de garantie. Nous offrons des prêts sans garantie, ni sur l'entrepreneur ni sur l'entreprise. Ce sont des prêts entre 1 et 10 millions d'euros avec le nouveau « Prêt d'avenir » sur dix ans. Après une croissance de 25 % en 2013, nous souhaitons afficher une croissance de 33 % en 2014 et, d'ici à 2017, faire chaque année l'équivalent de la totalité de l'encours actuel, soit 3 milliards d'euros. Pour cela, il faut évidemment que les dotations budgétaires soient à la hauteur, entre 250 et 300 millions d'euros par an, car elles sont nécessaires pour couvrir le risque lié à l'absence de garantie, même si la sinistralité n'est pas très élevée. L'effet multiplicateur est important puisqu'avec 300 millions d'euros de dotations budgétaires, nous pouvons faire 3 milliards de prêts sans garantie, qui représentent eux-mêmes un total de 10 milliards d'euros de financement compte tenu de notre principe de cofinancement.
La deuxième orientation concerne le crédit de trésorerie. Nous resterons un acteur majeur du préfinancement du CICE, avec un objectif en 2014 d'environ 1,2 milliard d'euros et 1,6 milliard d'euros pour 2017, si le CICE existe encore. Pour répondre à la question du président Philippe Marini, nous préfinançons en effet le CICE sur trois ans pour les ETI déficitaires : nous allons donc avoir un encours de préfinancement du CICE rattaché à plusieurs exercices différents. Sur le premier trimestre 2014, nous continuons de préfinancer un peu de CICE 2013, puisque le crédit de l'Etat n'interviendra qu'en mai 2014. Nous préfinançons pour ces entreprises à la fois le CICE 2013, à hauteur de 4 %, et le CICE 2014, à hauteur de 6 %, soit un total de 10 %. Nous avons un encours de préfinancement du CICE qui va se développer dans les années qui viennent.
Le CICE sera notre produit majeur de trésorerie, mais pas le seul. Nous ouvrons une nouvelle ligne de produits qui est la mobilisation des créances nées à l'étranger ; nous sommes historiquement très actifs sur la mobilisation de créances, du fait notamment de la Caisse des marchés de l'Etat. Nous faisons maintenant de la mobilisation de créances privées, c'est-à-dire de l'affacturage, avec une croissance de 9 % en 2013, plus importante que jamais. Nous allons continuer de pousser ces activités.
Nous allons également tenter de convaincre le Budget de continuer de nous donner des ressources budgétaires pour faire des crédits de trésorerie via un fonds de garantie dénommé Fonds de redressement de la trésorerie des PME françaises. Nous avons reçu en 2013 de quoi faire 650 millions d'euros de crédit de trésorerie, mais seulement 400 millions d'euros en 2014. Faisant l'hypothèse que la trésorerie va rester une grande faille de marché, nous espérons obtenir davantage pour faire environ 500 à 600 millions d'euros de crédit de trésorerie par le biais de ce fonds créé lors du plan de relance.
Différents thèmes sont mis en avant : l'export, la robotique, la numérisation, la transition écologique où nous espérons doubler nos interventions annuelles en passant de 400 à 800 millions d'euros.
S'agissant des fonds propres, notre stratégie est volumétrique. Nous visons un taux de rendement de 3 à 4 % ; nous sommes un actionnaire patient. Pour parvenir à ce taux de rendement contre 0,5 ou 1 % aujourd'hui seulement, il faudra déployer une gestion active des participations et accompagner les entrepreneurs dont la moitié, pour l'instant, ne respectent pas le plan d'affaires qu'il nous avait initialement présenté du fait de la conjoncture. Il nous faut donc faire plus, un tiers de plus qu'aujourd'hui, mais en tenant une certaine discipline de résultats et ce, dans tous les domaines : amorçage, capital-risque, capital-investissement dans les PME et ETI. De plus, nous continuerons à prendre parfois des très grosses participations dans des entreprises considérées comme stratégiques. Nous ne l'avons pas fait en 2013, mais nous pourrions être amenés à prendre une participation de 1 ou 2 milliards d'euros dans une grande entreprise ; nous aurions pu être investisseurs dans Peugeot, par exemple, car cela correspond à notre doctrine d'investissement, mais l'État chinois souhaitait une prise de participation directe de l'Etat français. Nous faisons l'hypothèse que ce type de situation se présentera à nouveau, notamment afin d'ancrer en France des entreprises qui sont très mondialisées, comme une montgolfière qu'il s'agirait d'attacher avec une petite ancre sur notre territoire.
S'agissant de l'innovation, nous sommes l'opérateur majeur du programme d'investissement d'avenir (PIA), dont la relance nous conduit à gérer environ 3 milliards d'euros supplémentaires dans les années prochaines. Nous avons distribué 750 millions d'euros en 2013, nous distribuerons 1 milliard d'euros en 2014 et 1,5 milliard d'euros en 2015. Nous ne sommes pas libres de l'utiliser comme nous le souhaitons : il y a, pour le coup, toute une polysynodie, une comitologie ; notre rôle est de faire en sorte que ces procédés, processus, et procédures soient aussi peu bureaucratiques que possible, afin d'accélérer l'injection des fonds au service de l'économie. L'objectif est d'avoir un délai maximum de six mois, contre dix-huit mois parfois actuellement, entre le dépôt de candidature et la mise à disposition des fonds.
Nous voulons doubler notre activité en matière de transition écologique. Nous lancerons un outil de financement à très long terme, sur vingt-cinq ou trente ans, sur des grands programmes de photovoltaïque et d'éoliens, en partenariat avec notre actionnaire la Caisse des dépôts. Dans le domaine du numérique et des biotechnologies, nous allons déployer des fonds supplémentaires qui nous ont été accordés.
De façon générale, indépendamment des fonds de garantie, l'enjeu, dans les prochaines années, ne sera pas dans la disponibilité des moyens, mais dans la politique de l'offre, c'est-à-dire notre capacité à convaincre les entrepreneurs d'investir, de prendre de l'equity quand nous nous proposons d'investir dans leur capital, et de s'endetter dans un contexte favorable où les taux d'intérêt sont à un plus bas historique.
Pour répondre au président Philippe Marini, il est vrai que la gouvernance est lourde : un conseil d'administration de la société de tête, qui est contrôlée par la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et le conseil d'administration de l'EPIC, et qui contrôle deux filiales avec chacune leur conseil d'administration, Bpifrance investissement et Bpifrance financement. La partie « investissement » est elle-même composée de deux sociétés, l'une qui porte les capitaux - Bpifrance participations - qui possède 100 % de la deuxième société, qui porte quant à elle tous les personnels et qui est une société de gestion contrôlée par l'AMF, Bpifrance investissement. Cela fait quatre conseils d'administration, plus les deux instances de contrôle des deux actionnaires, à quoi s'ajoutent le conseil national d'orientation et les vingt-deux comités régionaux d'orientation. Mon sentiment est que cela se passe bien et qu'il n'y a pas de temps perdu. La gouvernance est professionnelle, moderne et technique ; c'est une gouvernance de banque, pas d'opinion.
Tout cela vaut-il mieux que la somme des parties ? C'est la question fondamentale. Il n'y a, je crois, pas un seul salarié de Bpifrance qui n'ait pas eu, en 2013, le sentiment d'un changement radical dans son métier. En régions, les 1 000 salariés ont vu leur activité se transformer : alors qu'ils ne faisaient que du crédit, ils font désormais du fonds propres et font maintenant partie d'une grande banque publique d'investissement dont les ambitions stratégiques dépassent largement le cadre antérieur ; leurs relations avec les écosystèmes locaux se sont considérablement développées depuis un an ; de nouveaux produits et de nouveaux outils ont été lancés à l'occasion de la création de Bpifrance, dont certains n'auraient pas vu le jour dans le contexte précédent. Il y a un effet Bpifrance dans le prêt pour l'innovation souhaité par le Président de la République, le prêt numérique, les prêts à l'industrialisation des pôles de compétitivité. Cela a également fait partie du contexte général du rapport Gallois, du rechargement du PIA, du plan de Benoît Hamon pour l'économie sociale et solidaire, etc. Parmi les nouveaux outils, il y a les nouveaux fonds, en particulier le Fonds Large Venture (500 millions d'euros) et le Fonds ETI 2020 (3 milliards d'euros) qui sont les deux premiers fonds français.
Nous avons également relancé le partenariat avec la Banque européenne d'investissement (BEI), qui était tombé en désuétude. Cela nous a permis de lancer un prêt pour l'innovation. Par ailleurs, la BEI finance 750 millions d'euros de liquidité pour Bpifrance.
Au total, le chargé d'affaires Bpifrance, quand il rencontre un entrepreneur, lui parle de tout : non seulement de crédit, mais aussi de fonds propres et, partant, de l'intimité de l'entreprise, sa stratégie à long terme, l'ouverture et la transmission de son capital. Les entrepreneurs s'en sont aperçus et les 200 000 que nous finançons l'accueillent de façon positive.
Le préfinancement du CICE s'est réalisé rapidement et dans de bonnes conditions ; nous l'avons lancé dès le jour de la publication de l'instruction fiscale. Il s'agit tout de même d'une révolution fiscale que d'organiser cette cession de créance en germe...
Nous avons mis en oeuvre un site Internet qui permet d'obtenir en quelques jours la mobilisation de son crédit. Nous espérons que les banques nous rejoindront sur ce marché en 2014, sauf sur le marché des TPE où nous resterons seuls.
S'agissant enfin d'Euronext, la question se pose de savoir si l'investissement doit venir de Bpifrance ou de la Caisse des dépôts, à supposer qu'un investisseur public y participe. Il y a des arguments dans les deux sens, mais il est vrai que, dès lors que Bpifrance est une banque de place, par ailleurs active en faveur des PME et des ETI françaises, par exemple en matière de titrisation, il n'est pas inutile qu'elle soit autour de la table quand il s'agit de structurer un marché boursier pour ces entreprises.
Je remercie également Nicolas Dufourcq de toutes ces informations qui nous confortent dans le sentiment que la création de la BPI était une bonne décision. Un an après, nous voyons que c'est incontestablement un outil dont nous avions besoin. Vous faites souffler un vent d'optimisme, qui se traduit dans les chiffres, avec la progression des montants et l'effet de levier associé à chaque intervention. A côté de l'optimisme, vous affichez également comme valeurs la simplicité et la proximité, ce dont nous nous réjouissons ; les écosystèmes locaux s'en sont d'ailleurs saisis. Enfin, je tiens à souligner l'importance de la réactivité : Bpifrance est une banque, qui doit être à l'écoute du terrain pour lui proposer des nouveaux outils.
La BPI a annoncé une forte augmentation, en 2014, de ses offres de financement. Par exemple, il est prévu de déployer une enveloppe en augmentation de 30 % pour le financement des entreprises innovantes. Quel est le taux de sélectivité des projets par rapport aux autres établissements ? Que traduit-il sur la demande, mais aussi sur la situation financière et la viabilité des projets des entreprises ?
Par ailleurs, de façon générale, vous êtes devenus l'acteur majeur en matière de capital-innovation (60 %) et de capital-développement (40 %). Cela a-t-il vocation à être durable, ou est-ce le résultat d'une situation conjoncturelle de désengagement des investisseurs privés ?
C'est évident, dès lors que l'on supprime la déductibilité des intérêts d'emprunt...
En troisième lieu, je voudrais évoquer un cas particulier. Bpifrance devrait devenir premier actionnaire de Constellium, principale entreprise française de fabrication d'aluminium, à la suite du retrait du fonds américain Apollo Management. Avez-vous vocation à être l'actionnaire de référence d'un groupe industriel important ? Avez-vous une stratégie industrielle ou allez-vous privilégier une position d'attente ? Par exemple et pour faire le lien avec notre discussion de ce matin, prônez-vous un retour de la cotation de l'entreprise à Paris plutôt qu'à New York ?
Nous avons récemment auditionné le Commissaire européen à la concurrence Joaquín Almunia : certaines prises de participation de votre part nécessitent-t-elles une notification à la Commission ? Plus largement, considérez-vous que votre action et sa réactivité dont je parlais précédemment peuvent être parfois « bridées » par la doctrine des aides d'Etat ?
Enfin, au regard de vos performances remarquables, je voudrais parler de votre politique de dividendes. Cette politique, dont vous nous aviez indiqué qu'elle serait définie en septembre 2014, sera-t-elle tributaire de considérations budgétaires de la part de vos deux actionnaires, ou dépendra-t-elle de vos besoins en fonds propres pour le développement de vos activités ? En d'autres termes, quelle sera votre marge de manoeuvre pour assurer votre capacité d'autofinancement, sachant que l'un de vos deux actionnaires a, comme chacun sait, des besoins budgétaires importants auxquels nous sommes ici très sensibles ?
S'agissant du taux de sélectivité, j'ai fait deux fois le tour des régions de France cette année, soit une cinquantaine de déplacements ; j'ai tout de suite dit aux salariés de Bpifrance de ne pas changer leur politique de risque et leur sélectivité des projets. Nous avons une culture inaltérable de banque publique, qui a jusqu'à maintenant permis de financer l'économie française tout en maintenant un coût du risque très maîtrisé et une vraie discipline du résultat. Le directeur général de la KfW m'a un jour dit sa banque était jugée sur sa réputation de « banque de granit », inaltérable tiers de confiance pour les Allemands. Il en va de même pour Bpifrance. Cela se traduit par un cout du risque très raisonnable, de 0,2 % en 2013, alors qu'il avait atteint un pic de 0,4 % en 2009. Cela veut-il dire pour autant que l'on ne prend pas assez de risque ?
Je ne pense pas que l'on puisse dire cela. Nous finançons via nos garanties, nos prêts sans garantie et nos financements de l'innovation les 15 % des crédits les plus risqués du marché bancaire français. Nous sommes donc bien sur notre métier. « L'outil Bpifrance » est construit comme une montre suisse, de manière à financer le risque sans faire exploser le coût du risque, et sans générer un résultat bancaire classique, excessif. Comme vous le savez, Oséo engendrait chaque année un résultat net modeste, compris entre 50 et 80 millions d'euros. Notre retour sur capitaux propres, dans la partie bancaire, est de l'ordre de 4 % à 5 %, qu'il faut comparer aux 10 % visés par les banques privées. Notre politique ne va pas changer à cet égard. Nous provisionnons des risques de crédits qui se révèlent chaque année inférieurs à ce qui était anticipé. Ainsi, en 2013, le coût du risque nous aura coûté 44 millions d'euros dans la partie strictement bancaire, pour 56 millions d'euros budgétés. Les équipes sur le terrain tiennent donc bien la discipline bancaire, ce qui n'a pas empêché une croissance de 25 % des prêts en 2013 : davantage de croissance ne signifie pas forcément davantage de risques.
Peut-on dire que notre activité est en croissance parce que celle des autres est en décroissance ? C'est à la fois vrai et faux. C'est vrai dans la mesure où les crédits aux PME ont baissé de 4 % en 2013 à l'échelle du pays, alors que les nôtres ont cru de 10 % ; mais comme nous ne prêtons jamais seuls, il y a un effet d'entraînement des autres banques lorsque nous accordons un crédit. Les autres banques nous disent d'ailleurs que, sans l'intervention de Bpifrance pour animer le marché, il y a des prêts qu'elles n'accorderaient tout simplement pas.
En matière de capital-innovation, Bpifrance intervient directement ou indirectement dans 95 % des investissements en nombre de tickets, et 60 % en valeur. Le capital-risque et le capital-amorçage, ce n'est pas du private equity, c'est de la politique industrielle. Ce n'est pas une activité qui vise à être rentable : dans le cas de l'amorçage, les fonds ne sont jamais récupérés, tout au plus peut-on atteindre 85 % si la gestion est bonne ; pour le capital-risque, on peut récupérer 100 %, voire 102 % ou 103 % au bout de dix ans si la gestion est vraiment excellente. Il s'agit donc bien de politique industrielle, laquelle ne peut fonctionner qu'avec une injection significative d'argent public. Il n'y a qu'un seul endroit au monde où l'on peut se passer d'argent public, c'est la Californie, essentiellement pour des raisons culturelles. Mais en Israël, comme dans tous les autres pays, il y a beaucoup d'argent public dans le capital-risque, et il y en aura toujours.
En matière de capital-développement des PME, notre part de marché atteint 40 %. Cela s'explique par l'action de l'ex-FSI qui prenait treize ou quatorze tickets par an, alors qu'un fonds privé n'aurait pas dépassé un ticket par an ou tous les dix-huit mois. Notre part de marché est donc relativement élevée, et l'on ne peut que souhaiter qu'elle baisse. Mais il faudrait pour cela que les fonds privés positionnés sur la même classe d'investissements - les gros tickets supérieurs à un million d'euros - lèvent davantage de fonds à l'étranger, ce qu'ils ne font pas, et nous savons pourquoi. Il y a donc un effet d'optique : notre part de marché en matière de capital-développement des PME monte mécaniquement du fait de la relative absence de nos concurrents, ce qui n'est pas forcément souhaitable.
Nous sommes le premier actionnaire de Constellium, mais un petit actionnaire, avec seulement 8 % du capital, le reste étant essentiellement flottant. Nous sommes bien sûr présents au conseil d'administration, mais pas au point de pouvoir imposer le retour de cotation de Constellium à Paris. En revanche, nous pouvons avoir une influence sur la manière dont l'entreprise pourrait céder l'une de ses participations, sur le site de Riom en Auvergne, ou sur tel ou tel choix de restructuration. Nous nous entendons plutôt bien, voire très bien, avec le management de Constellium.
N'est-il pas envisageable d'augmenter la participation de Bpifrance dans Constellium au-dessus de 8 % ?
Cela coûterait extrêmement cher. Constellium est une entreprise très bien valorisée en bourse : du point de vue de la bonne allocation des capitaux publics, ce n'est pas forcément le bon moment pour monter au capital.
Concernant le contrôle des aides d'Etat, la Commission européenne est en effet très vigilante sur nos prises de participation. Elle l'est peut-être un peu moins aujourd'hui, mais à l'époque où nous avons créé le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, il a fallu notifier certaines prises de participation, par exemple dans Trèves. Il en va de même pour les fonds d'investissement créés dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA), à l'instar du fonds national d'amorçage (FNA). Le débat français sur le retournement continue d'être observé attentivement par la Commission, à laquelle nous répondons en ce moment même avec beaucoup d'attention ; la Commission lit beaucoup la presse française. C'est pour cela que notre doctrine, validée par le Parlement, prévoit qu'en matière de retournement Bpifrance ne fasse pas de retournement majoritaire, qui serait incompatible avec le droit de l'Union européenne, mais se borne à financer des fonds de retournement privé ou à accompagner de façon minoritaire des repreneurs.
Sur la question des dividendes de Bpifrance, je sais que les actionnaires y travaillent, mais ils n'ont pas encore sollicité le management. Je ne sais pas ce qu'il en sera, mais je recommanderais qu'on laisse un peu d'argent dans l'entreprise.
Je pense que les membres de la commission des finances vous suivront sur ce point.
Pouvez-vous nous préciser ce qu'est un fonds de retournement ? Par ailleurs, vous avez souligné qu'il y avait une augmentation des crédits à court terme : cela n'est-il pas un signe que les entreprises ont des problèmes de trésorerie ?
J'ai la chance de siéger avec Albéric de Montgolfier au Conseil national d'orientation (CNO), qui donne à Bpifrance une coloration différente et dont il faut saluer la bonne mise en place. Vous nous avez dit avoir fait deux fois le tour des régions, des présidents de régions et des comités régionaux d'orientation : constatez-vous des différences importantes ou des difficultés spécifiques d'une région à l'autre ? J'ajoute que les rencontres avec le CNO pourraient être plus fréquentes : il est utile d'échanger avec des personnes d'origines différentes - salariés, syndicats, responsables politiques etc.
Ma première question porte sur l'avance des créances fiscales dans le cadre du CICE : quel est le taux pratiqué par Bpifrance, et pour quelle durée ? Et si le CICE devait perdurer, le mécanisme consistant à mobiliser une grande banque publique pour permettre l'avance des créances fiscales n'est-il pas trop compliqué, alors que l'on pourrait imaginer un dispositif plus simple de remboursement des charges ? Mais il s'agit d'une question politique qui ne relève pas de vous.
Ma deuxième question porte sur l'intervention de Bpifrance dans le domaine des énergies renouvelables, notamment les éoliennes et le photovoltaïque : est-ce bien le rôle d'une banque publique d'intervenir sur une activité très largement défiscalisée, financée par un impôt - la contribution au service public de l'électricité (CSPE) -, non délocalisable et déjà très concurrentielle, avec un tarif d'achat garanti par l'Etat ?
Enfin, ma troisième question porte sur le très haut débit : pourquoi la Banque européenne d'investissement (BEI) intervient-elle sur ces réseaux d'initiative publique, et pourquoi ne distribue-t-elle pas ses prêts via Bpifrance ? Est-ce pour éviter la concurrence de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou des réseaux bancaires ?
Je ne suis toujours pas convaincu aujourd'hui que la création de Bpifrance fut une riche idée. Il y a certes des éléments positifs, mais les résultats seront-ils, au final, beaucoup plus importants que ceux qu'aurait obtenus chacune des structures antérieures ? Bpifrance ne souffre-t-elle pas de son mode de gouvernance - une cathédrale ou une usine à gaz qui regroupe tous les syndicats, toutes les régions etc. ? A moins que l'on nous dise que toutes ces commissions et tous ces conseils n'ont naturellement aucun pouvoir, et qu'une petite cellule décide de tout tranquillement...
J'ai eu le bonheur - ou le malheur, cela dépend des jours - de présider la commission des finances de la région Île-de-France. Ce matin, après les annonces du Président de la République aux Etats-Unis, on nous a informés que l'Agence régionale de développement de la région Île-de-France et Bpifrance avaient mis en place et financé une opération de nouvelles technologies en Californie. J'en suis ravi, mais à côté de cela, il y a très peu de grosses opérations entre la région Île-de-France et Bpifrance. Nous avons adopté il y a quelques semaines un schéma de développement économique et d'innovation : le partenariat avec Bpifrance est extrêmement faible, pour ne pas dire inexistant. J'ai le sentiment que la région travaille beaucoup moins avec Bpifrance qu'avec Oséo auparavant : l'apparition de Bpifrance est-elle donc vraiment un élément positif à cet égard ?
Je partage l'opinion de mes collègues sur le CICE. Bpifrance est normalement une banque d'investissement, or le moins que l'on puisse dire, c'est que le CICE n'est pas de l'investissement. En fait, on a fait de Bpifrance le relais commode d'un financement qui n'était pas prévu dans le budget. Ma question est donc la suivante : puisque vous avez préfinancé 870 millions d'euros au titre du CICE, dont il serait d'ailleurs intéressant de connaître les conditions et le coût, doit-on en conclure que toutes les autres entreprises n'ont pas eu besoin de trésorerie ? Cela m'étonnerait étant donné ce que nous entendons dans nos départements. Car le montant total du CICE est de 10 milliards d'euros...
Il est de 10 milliards d'euros cette année. En réalité, vous savez très bien que les fameux 4 % de baisse des charges s'appliquent seulement jusqu'à 2,5 SMIC. Vous avez l'air de douter de l'approfondissement de nos connaissances sur le sujet...
Ce n'est pas l'excellent discours technique de Nicolas Dufourcq qui pose question mais l'orientation stratégique de Bpifrance.
Les fonds propres des PME constituent un vrai besoin, qui pourrait justifier l'existence de Bpifrance. Or, je constate que sa participation s'élève à 162 millions d'euros en 2012, et 170 millions d'euros en 2014, ce qui est assez modeste, avec des participations souvent proches de 10 % : Bpifrance ne joue pas son rôle, et d'ailleurs les banques privées non plus. Compléter les financements existants, c'est le rôle d'une banque publique d'investissement au sens où nous l'entendons. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas. Je suis davantage rassuré par le rôle de Bpifrance en matière de modernisation de l'économie.
Sur les investissements d'avenir, voyez-vous revenir - au-delà de vos chiffres - des projets concrets de reprise industrielle sur certains secteurs ? Certains ont en effet disparu, comme en matière de radio ou de télévision. Pourtant, aux Etats-Unis, des Etats se réindustrialisent, comme en témoignent le retour de certaines chaînes de montage d'Apple.
Ma question suivante porte sur les ressources de Bpifrance : sont-elles durables ou la Caisse des dépôts interviendra-t-elle en cas de difficulté ? Mais il est vrai qu'être adossé à la Caisse des dépôts est en soi quelque chose qui rassure...
Le rapporteur général feint de s'étonner que Bpifrance soit très sollicitée parce que les banques françaises ne financent pas assez les investissements des entreprises... mais il appartient à la majorité qui a limité la déductibilité des intérêts des prêts bancaires au titre de l'impôt sur les sociétés ! Aujourd'hui, le monde des PME et des PMI découvre ce système complètement délirant ; la France est la seule économie occidentale qui ait osé imaginer un tel dispositif ! Rien d'étonnant à ce qu'il y ait des problèmes de financement.
Enfin, j'aurais souhaité que l'on nous donne deux chiffres consolidés : quel est le poids global de Bpifrance dans l'investissement des entreprises, et quelle est la part financée par le système bancaire ?
Je voudrais apporter un témoignage en tant que président de l'agglomération tourangelle. Je suis très satisfait de l'action de Bpifrance dans la région Centre. J'ai reçu des gens disponibles, qui sont venus sur le terrain - ce qui est en soi un bon point pour les élus que nous sommes -, et nous avons pu lancer trois opérations extrêmement importantes, qui permettront de créer plusieurs centaines d'emplois chacune : d'abord, TLD, une entreprise aéronautique qui exploite un brevet israélien ; ensuite, Mecachrome, qui innove dans le domaine des matériaux ; enfin, les biotechnologies. Je n'ai certes pas une vision nationale ni planétaire, mais sur le terrain, des choses qui n'avançaient plus depuis un certain temps se sont débloquées.
Ma première question porte sur l'innovation - non pas l'innovation technique et technologique des ingénieurs, mais l'innovation dans les usages, celle que portent notamment les jeunes dans le domaine de l'Internet, du numérique, du graphisme : Bpifrance va-t-elle faire quelque chose à ce sujet ?
Ma seconde question porte sur la place financière de Paris : lors de l'audition conjointe organisée ce matin par la commission des finances, Dominique Cerutti, directeur général d'Euronext, a évoqué l'avenir de l'actionnariat d'Euronext. L'hypothèse d'une prise de participation de Bpifrance pourrait-elle être fondée ?
Nicolas Dufourcq a déjà répondu à cette question, mais il en dira certainement encore un peu plus...
Ils n'étaient pas si anodins, quand on connaît la prudence des banquiers...
On ne m'en voudra pas, j'espère, de poser une question assez localisée : la Bretagne a connu une crise importante à la fin de l'année 2013, puis un « plan d'avenir » a été proposé. La question de son financement est largement renvoyée à des discussions avec Bpifrance : pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Je m'interroge pour ma part sur trois aspects ponctuels. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le « fonds nucléaire » de Bpifrance ? Qu'en est-il de votre action dans le cadre des pôles de compétitivité ? Enfin, Bpifrance a-t-elle pour projet d'accompagner l'introduction en bourse de PME et d'ETI, et s'organise-t-elle à cet effet ?
Un fonds de retournement est géré par une équipe de gestion privée, abondé par un petit nombre d'investisseurs, qui investit exclusivement dans des entreprises en « livre VI » du code de commerce et dont le rebond va être accompagné par le fonds.
Bpifrance a financé certains de ces fonds, sachant qu'il n'y en a pas beaucoup en France. Ce sont les fonds les plus risqués de la place, il faut donc des professionnels très aguerris. Nous ne finançons bien évidemment pas les fonds vautours - car il y a des intervenants brutaux dans cette activité - mais bien ceux qui accompagnent correctement les entreprises tout en procédant aux réductions de coûts qui sont parfois cruelles. Parmi ces fonds, on peut citer Perceval, Verdoso ; au total, nous en finançons une demi-douzaine.
Il y en a un très gros, créé par René Ricol, qui s'appelle le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), dans lequel nous avons investi 150 millions d'euros en 2010 et allons re-souscrire à hauteur de 80 ou 90 millions d'euros. C'est une décision que nous avons prise en comité d'investissement en décembre dernier.
Les problèmes de trésorerie sont bien évidemment le coeur du sujet du financement des entreprises aujourd'hui. En 2013, les statistiques mensuelles de la Banque de France montrent que la production de crédits de trésorerie est en déclin de 4 % à 6 % mois sur mois. À l'échelle macro-économique, c'est très important. En outre, plus vous êtes petits et plus vous êtes maltraités. La trésorerie des TPE est donc le problème majeur du moment. C'est la raison pour laquelle nous avons fait beaucoup de pré-financement de CICE pour les TPE. Nous vous avons adressé une série de publications dans lesquelles vous allez trouver une étude sur les ETI françaises et une étude sur les PME, avec un chapitre sur les difficultés de trésorerie. Ce sujet va perdurer pendant quelques années encore, d'où notre stratégie.
Y a-t-il des différences entre régions ? Oui. Vous trouverez également dans nos publications, un atlas des régions qui décrit précisément notre activité dans les vingt-deux régions métropolitaines et l'outre-mer. La comparaison entre régions peut donc être menée en détail avec ce document - que nous publierons chaque année.
Certaines régions font plus que d'autres. À cet égard, pour répondre à Roger Karoutchi, la région qui travaille le plus avec nous, c'est la région Île-de-France et de très loin. Elle est la plus généreuse avec Bpifrance. Nous sommes co-fondateurs de l'agence de développement dont nous assurons la vice-présidence. En 2013, nous avons financé 14 000 entreprises franciliennes pour 5 milliards d'euros. Cette région représente 44 % de notre produit net bancaire.
Par exemple, en matière de pré-financement du CICE, sur un total de 800 millions d'euros, 300 millions l'ont été pour l'Île-de-France.
Cette année, la région va nous donner 17 millions d'euros de plus pour alimenter nos fonds de garantie. Ce montant se compare à ce que les régions nous ont donné en cumulé sur les quinze dernières années, soit environ 10 millions d'euros par région.
Le taux d'intérêt du pré-financement du CICE est compris entre 3 % et 5,5 % ou 6 %.
Ce n'est pas cher par rapport au marché de l'affacturage, pour lequel les taux d'intérêt sont compris entre 6 % et 14 %. Là, il s'agit d'affacturage public, facturé entre 3 % et 5 % ou 6 %.
Le pré-financement dure jusqu'à ce que l'Etat paye. Il va d'ailleurs se passer quelque chose d'important pour le moral des entrepreneurs en mai, lorsqu'ils vont recevoir un chèque correspondant au montant du CICE. Une grande partie de nos clients n'ont pas encore pris conscience qu'ils vont recevoir l'impôt négatif en mai.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous sommes obligés d'être très vigilants car la fiscalité peut changer. En fonds propres, certains fonds d'investissement ont pris des bouillons terribles, notamment dans le photovoltaïque, lorsque la fiscalité a changé. Nous finançons donc peu en equity, mais plutôt en dette. Le photovoltaïque français, par exemple toutes les ombrières dans les parkings du sud de la France, c'est du financement ex-Oséo. Nous disposons maintenant d'un métier de financement de ces infrastructures, en crédit-bail immobilier et matériel, qui est reconnu par les acteurs bancaires. Nous avons d'autres spécialisations, comme le tourisme où nous sommes très bons grâce au crédit hôtelier. Nous sommes très bons aussi dans les créances publiques grâce à la caisse des marchés de l'Etat. Et nous avons, comme je l'indiquais, une spécialisation « transition écologique ».
S'agissant de la BEI, nous essayons de lui faire comprendre que, dans d'autres pays européens, il n'y a pas d'équivalent à la BPI et il est donc normal qu'elle y intervienne en direct. En revanche, en France, elle doit passer par nous. Nous ne voulons pas deux canaux commerciaux. Elle commence à le comprendre. Pour l'instant, elle est intervenue, avec une initiative appelée JEREMIE, en direct dans deux régions, en Languedoc-Roussillon et en PACA. Tout ceci va rentrer dans l'ordre progressivement et elle a commencé à financer nos propres fonds de garantie plutôt que les siens. C'est très important du point de vue des entrepreneurs.
Notre système de gouvernance est-il complexe, notamment avec les syndicats ? En fait, Bpifrance est une petite entreprise de 2 000 salariés. Chez Capgemini, je dirigeais 135 000 personnes. Nous sommes à taille tout à fait humaine. Les syndicats sont complétement réformistes. Ils nous ont accompagnés en 2013 et se sont projetés dans le projet BPI de manière vraiment rafraichissante. Au fond, ce projet, ils en rêvaient tous depuis très longtemps : les salariés voulaient que les segments fonds propres et crédits soient rassemblés au profit des mêmes clients. Nous n'avons eu aucun obstacle syndical.
Encore une fois, sur la gouvernance, les conseils d'administration sont très techniques. La gouvernance est « aidante ».
En ce qui concerne notre part de marché, sur la partie strictement bancaire, elle est de 5 % pour notre production de crédits, sans tenir compte de l'effet multiplicateur. En revanche, pour certains produits particuliers, elle est plus élevée. Nous sommes par exemple les seuls à offrir des prêts sans garantie. Pour le crédit-bail, notre part de marché est de 12 %.
Pour les fonds propres, lorsqu'il s'agit de gros tickets, nous atteignons un pourcentage de 40 %.
Dans l'equity, nous sommes absolument centraux, au point d'inquiéter les acteurs privés, si bien que nous avons signé une charte avec l'AFIC, dans laquelle nous nous engageons à co-investir avec eux : nous ne sommes pas là pour leur manger des parts de marché.
Sur le segment bancaire, le taux de 5 % parait faible. Néanmoins, avec un rapide calcul, on s'aperçoit que nous avons fait, en 2013, 5 milliards d'euros de crédits à l'investissement et nous avons garanti 10 milliards d'euros de crédits privés. Au total, nous intervenons sur 25 milliards d'euros de crédits, c'est-à-dire 10 % du crédit aux PME et aux entreprises. Nous sommes comparables à d'autres banques de la place.
Nos ressources sont-elles durables ? Dans les fonds de garantie, pas du tout. Je vous rappelle que, en octobre 2012, au moment de ma nomination, je suis allé voir le Président de la République pour lui demander de ré-alimenter les fonds de garantie car il n'y avait plus un euro ! Nous allions créer Bpifrance sans aucun argent dans les fonds de garantie. Nous avons donc pris 150 millions d'euros dans le programme des investissements d'avenir pour ré-alimenter les fonds de garantie. Et cela va recommencer. C'est une fragilité de l'objet Bpifrance.
Pour le reste, sur les capitaux propres, nous avons les ressources et elles sont durables, pourvu qu'on ne nous les reprenne pas.
Les innovations non technologiques, c'est un problème majeur. Nous sommes confrontés, assez légitimement, à la prudence de nos actionnaires qui nous donnent des capitaux à gérer. Le ministère de l'industrie sait très bien que, si l'on ouvre les vannes des innovations non technologiques, les budgets seront consommés en quelques mois. Quels doivent alors être les critères ? En ce moment, on travaille sur l'idée que le critère de base, ce doit être un véritable bouleversement de l'expérience utilisateur. Si elle change radicalement, alors il y a une innovation.
J'ai déjà abordé la question d'Euronext : nous allons travailler sur le sujet avec notre actionnaire Caisse des dépôts et consignations.
S'agissant du plan d'avenir pour la Bretagne, en 2013, 5 000 entreprises ont été soutenues à hauteur de 725 millions d'euros. Sur ces montants, les chiffres de croissance dont je parlais précédemment s'appliqueront, à savoir + 30 % pour les prêts de développement et + 50 % pour les prêts de trésorerie.
Le fonds nucléaire a été créé avec Areva et, de mémoire, avec Alstom. Il est doté d'une trentaine de millions d'euros et a vocation à investir dans les équipementiers de la filière.
Nous sommes les banquiers des pôles de compétitivité. Nous essayons d'obtenir que ces pôles produisent des documents, malheureusement peu lus. Nous voulons qu'ils nous amènent de futurs champions que nous pourrions financer. De notre point de vue, les pôles sont les lieux où nous devons incuber les futures grandes PME françaises.
L'accompagnement des introductions en Bourse, c'est très important d'en parler en ce moment, car la Bourse étant bonne, tout le monde veut y aller. Dans les secteurs de la biotechnologie, de l'Internet ou encore de la transition écologique, nous sommes de plus en plus, comme on dit dans le jargon, les « lead investors », les investisseurs de référence au moment de l'introduction en Bourse. Nous l'avons fait à quatre reprises depuis le mois de novembre.
La quasi-totalité de notre « pipe-line » dans le monde de l'innovation, ce sont des introductions en Bourse. Nous avons même dû changer de pied pour notre fonds Large Venture. En effet, comme il sera essentiellement composé de sociétés cotées, il ne pourra pas être un FPCI, qui ne peut pas comprendre plus de 50 % de coté. Or, nous sommes déjà à 65 % de coté. L'innovation française est en Bourse !
Je dirais plutôt une dizaine chez nous.
Je vous remercie de vos réponses précises et synthétiques.
La réunion est levée à 16 h 09.