Je ne pense pas que l'on puisse dire cela. Nous finançons via nos garanties, nos prêts sans garantie et nos financements de l'innovation les 15 % des crédits les plus risqués du marché bancaire français. Nous sommes donc bien sur notre métier. « L'outil Bpifrance » est construit comme une montre suisse, de manière à financer le risque sans faire exploser le coût du risque, et sans générer un résultat bancaire classique, excessif. Comme vous le savez, Oséo engendrait chaque année un résultat net modeste, compris entre 50 et 80 millions d'euros. Notre retour sur capitaux propres, dans la partie bancaire, est de l'ordre de 4 % à 5 %, qu'il faut comparer aux 10 % visés par les banques privées. Notre politique ne va pas changer à cet égard. Nous provisionnons des risques de crédits qui se révèlent chaque année inférieurs à ce qui était anticipé. Ainsi, en 2013, le coût du risque nous aura coûté 44 millions d'euros dans la partie strictement bancaire, pour 56 millions d'euros budgétés. Les équipes sur le terrain tiennent donc bien la discipline bancaire, ce qui n'a pas empêché une croissance de 25 % des prêts en 2013 : davantage de croissance ne signifie pas forcément davantage de risques.
Peut-on dire que notre activité est en croissance parce que celle des autres est en décroissance ? C'est à la fois vrai et faux. C'est vrai dans la mesure où les crédits aux PME ont baissé de 4 % en 2013 à l'échelle du pays, alors que les nôtres ont cru de 10 % ; mais comme nous ne prêtons jamais seuls, il y a un effet d'entraînement des autres banques lorsque nous accordons un crédit. Les autres banques nous disent d'ailleurs que, sans l'intervention de Bpifrance pour animer le marché, il y a des prêts qu'elles n'accorderaient tout simplement pas.
En matière de capital-innovation, Bpifrance intervient directement ou indirectement dans 95 % des investissements en nombre de tickets, et 60 % en valeur. Le capital-risque et le capital-amorçage, ce n'est pas du private equity, c'est de la politique industrielle. Ce n'est pas une activité qui vise à être rentable : dans le cas de l'amorçage, les fonds ne sont jamais récupérés, tout au plus peut-on atteindre 85 % si la gestion est bonne ; pour le capital-risque, on peut récupérer 100 %, voire 102 % ou 103 % au bout de dix ans si la gestion est vraiment excellente. Il s'agit donc bien de politique industrielle, laquelle ne peut fonctionner qu'avec une injection significative d'argent public. Il n'y a qu'un seul endroit au monde où l'on peut se passer d'argent public, c'est la Californie, essentiellement pour des raisons culturelles. Mais en Israël, comme dans tous les autres pays, il y a beaucoup d'argent public dans le capital-risque, et il y en aura toujours.
En matière de capital-développement des PME, notre part de marché atteint 40 %. Cela s'explique par l'action de l'ex-FSI qui prenait treize ou quatorze tickets par an, alors qu'un fonds privé n'aurait pas dépassé un ticket par an ou tous les dix-huit mois. Notre part de marché est donc relativement élevée, et l'on ne peut que souhaiter qu'elle baisse. Mais il faudrait pour cela que les fonds privés positionnés sur la même classe d'investissements - les gros tickets supérieurs à un million d'euros - lèvent davantage de fonds à l'étranger, ce qu'ils ne font pas, et nous savons pourquoi. Il y a donc un effet d'optique : notre part de marché en matière de capital-développement des PME monte mécaniquement du fait de la relative absence de nos concurrents, ce qui n'est pas forcément souhaitable.
Nous sommes le premier actionnaire de Constellium, mais un petit actionnaire, avec seulement 8 % du capital, le reste étant essentiellement flottant. Nous sommes bien sûr présents au conseil d'administration, mais pas au point de pouvoir imposer le retour de cotation de Constellium à Paris. En revanche, nous pouvons avoir une influence sur la manière dont l'entreprise pourrait céder l'une de ses participations, sur le site de Riom en Auvergne, ou sur tel ou tel choix de restructuration. Nous nous entendons plutôt bien, voire très bien, avec le management de Constellium.