Je rependrai de nombreux éléments de l’argumentaire de M. le ministre. La formule « de façon inversement proportionnelle au niveau de formation initiale » est problématique. Comment compter un CAP ou un BEP ? Cela serait un énorme travail. Je sais que le Gouvernement pourrait s’en charger par décret, mais ce serait difficile.
Cependant, je suis moi aussi sensible à l’intention des auteurs de l’amendement. Le compte personnel de formation doit aider davantage ceux qui ont peu de formation de base pour qu’ils puissent combler leur retard. C’est ce qu’on appelle l’égalité des chances. Elle consiste à permettre le rattrapage des personnes qui n’ont pas bénéficié des mêmes chances au départ. Cela suppose de leur consacrer des moyens spécifiques.
Le compte personnel de formation a une double nature. Il a d'abord une nature assurantielle, héritée des Trente Glorieuses, à l’époque du plein-emploi. On travaille, on obtient des points pour la retraite ; on travaille, on obtient des points pour la formation. C’est le système des Trente Glorieuses. Les partenaires sociaux en sont l’expression.
Comme on l’a vu au moment du débat sur les retraites, les choses ne sont plus si simples aujourd'hui. La précarité s’installe en France, avec son lot de vies et de carrières brisées. Comment en tenir compte ? Notre système de retraites était fondé sur la situation de plein-emploi des Trente Glorieuses : on arrivait sans problème au nombre d’annuités requis. Aujourd'hui, la situation a changé, à cause de la crise et de la précarité qui en découle. Il faut en tenir compte. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place, à côté du système d’annuités, un système permettant de prendre en compte la précarité, les interruptions de carrière pour élever un enfant, etc.
Nous sommes au même carrefour en matière de formation professionnelle. Quand on travaille, il est normal qu’on obtienne des droits à formation afin d’améliorer son savoir-faire, voire de changer d’orientation. C’est le système des Trente Glorieuses. Cependant, il faut désormais tenir compte de la crise et de la précarité. Certaines personnes sortent de l’éducation nationale sans diplôme après s’être ennuyées pendant une quinzaine d’années. Ces personnes subissent une triple peine : elles se sont embêtées, elles ont eu de mauvaises notes, elles sortent sans diplôme. Il ne s’agit pas de débattre maintenant de notre système d’éducation sélectif qui fait qu’un tiers des élèves s’embêtent et sortent sans diplôme et donc sans perspectives professionnelles.