Je vais essayer de m’exprimer de manière synthétique sur l’ensemble des amendements, en rappelant les raisons pour lesquelles les partenaires sociaux ont mis au point un nouveau dispositif de financement de la formation professionnelle.
J’indique d’emblée que je suis favorable à l’amendement n° 345 de la commission, et défavorable à l’ensemble des autres amendements.
Monsieur Collombat, la mise en place du nouveau modèle de financement entraînera-t-elle une diminution des sommes disponibles, comme vous le craignez ? Comme l’a fait le groupe CRC en expliquant son vote contre l’article 1er, vous relevez que l’obligation de financement de la formation professionnelle passerait de 1, 6 % de la masse salariale de l’entreprise à 1 %. Cette analyse n’est pas exacte.
Le taux de 1, 6 % se décomposait en deux fractions.
La première – 0, 9 % – correspondait à une obligation de dépenser dans l’entreprise. Les sommes en question n’étaient donc pas mutualisées et ne profitaient pas aux publics que nous souhaitons aider en priorité, hormis, le cas échéant, la part non consommée. Ce système était d’une grande complexité, car il imposait aux entreprises de remplir de nombreux documents pour justifier qu’elles avaient bien engagé des dépenses au titre de la formation professionnelle à hauteur de 0, 9 % de leur masse salariale.
En réalité, les entreprises consacrent déjà, aujourd’hui, un peu plus de 2 % de leur masse salariale à la formation, ce qui montre qu’elles ont bien compris tout l’intérêt de celle-ci pour leur compétitivité.
La seconde fraction – 0, 7 % – correspondait à des cotisations versées par l’entreprise pour financer des actions mutualisées au profit de certaines catégories, tels les demandeurs d’emploi.
Les partenaires sociaux ont décidé de supprimer la dépense obligatoire, devenue inutile, et d’augmenter la part des cotisations, mutualisée, en la faisant passer de 0, 7 % à 1 % de la masse salariale.
Excusez-moi d’être un peu long, mais il importe que tous ceux qui suivent nos débats comprennent bien que les entreprises contribueront en réalité davantage, demain, à la formation professionnelle des publics prioritaires, puisque les sommes consacrées à cette fin passeront de 0, 7 % à 1 % de la masse salariale. Ce point a d’ailleurs fait débat entre les partenaires sociaux, car les organisations patronales ont bien vu que leurs cotisations obligatoires allaient en réalité augmenter, en dépit de la suppression de l’obligation légale de financement du plan de formation à hauteur de 0, 9 % de la masse salariale. Si l’on n’a pas ces éléments en tête, on ne comprend pas la révolution que constituent la mise en place du compte personnel de formation et la réforme du mode de financement de la formation professionnelle.
Dès lors, tous les amendements fondés sur le postulat que les sommes consacrées à la formation professionnelle risquent de diminuer n’ont, me semble-t-il, pas de justification. Je viens au contraire de démontrer que les moyens alloués à la mutualisation vont progresser.
Une deuxième préoccupation s’exprime au travers d’un grand nombre de ces amendements : que va-t-il se passer pour les petites et moyennes entreprises ? Certains d’entre eux relaient d’ailleurs des craintes formulées au cours de la négociation entre partenaires sociaux, qui ont amené la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, à refuser de signer l’accord. Je vais essayer de vous démontrer pourquoi ces craintes sont sans fondement.
Tout d’abord, j’observe que le dispositif précédent n’était pas favorable aux PME, puisque, en réalité – nous avons tous pu le constater et tous les rapports le montrent –, ces dernières finançaient la formation des salariés des grosses entreprises. En effet, nombre de PME n’atteignaient pas le seuil de 0, 9 % de la masse salariale consacré à la formation de leurs salariés et versaient donc la différence à l’OPCA, ce qui profitait la plupart du temps aux plus grosses entreprises.
Nous mettons donc fin à un dispositif qui était défavorable aux PME. Quant au dispositif que nous vous présentons aujourd’hui, on peut dire qu’il est « blindé » s’agissant des entreprises de moins de 10 salariés ! D’ailleurs, l’Union professionnelle artisanale a signé l’accord des deux mains, parce qu’il contient un dispositif assurant une mutualisation extrêmement importante au bénéfice de ces entreprises.
Concernant les entreprises de 10 à 299 salariés, il me semble que beaucoup de leurs représentants, ainsi que ceux qui, en toute bonne foi, relaient leurs préoccupations dans cet hémicycle, continuent de raisonner dans le cadre du système actuellement en vigueur, sans tenir compte de la révolution qui est en marche ou plutôt – je ne voudrais pas paraître grandiloquent – des modifications très profondes que nous entendons mettre en œuvre, avec notamment l’instauration du compte personnel de formation, qui vaudra pour toutes les entreprises, y compris les PME. Ces dernières pourront donc bénéficier d’un financement mutualisé par le biais du compte personnel de formation, indépendamment des autres dispositifs de mutualisation spécifiques qui ont été institués. L’instauration du compte personnel de formation, qui va permettre aux PME de mobiliser davantage de crédits pour la formation qu’elles ne pouvaient le faire auparavant, doit être intégrée au raisonnement.
J’ajoute qu’un mécanisme de mutualisation spécifique est prévu pour les entreprises de 10 à 299 salariés et que l’Assemblée nationale a amendé l’alinéa 96 de l’article 5, afin de renforcer encore la mutualisation au profit de ces entreprises.
En résumé, je crois pouvoir affirmer catégoriquement que les efforts des entreprises en faveur de la formation professionnelle, en particulier celle des publics que nous jugeons prioritaires, loin de diminuer, vont au contraire augmenter, et que les petites et moyennes entreprises, qui ont de grands besoins en matière de formation, n’ont pas à craindre cette réforme, qui leur permettra également, à travers les différents mécanismes que je viens de décrire, y compris le compte personnel de formation, de faire bénéficier leurs salariés de la formation professionnelle.
Ces éléments m’obligent à me déclarer défavorable à des amendements qui tendent en fait à remettre en cause le cœur même de l’accord national interprofessionnel. Mon rôle est aussi d’être le garant des grands équilibres qu’il définit, même si vous conservez, bien entendu, votre liberté d’amendement.