Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le temps s’accélère en Ukraine. La violence s’étend à tout le territoire et la répression policière, déjà féroce, pourrait être reprise en main par les forces armées. Le président Obama lui-même s’en est inquiété ce matin.
Il y a une semaine, j’étais sur la place Maïdan, impressionnée par la dignité des manifestants, par leur rejet de la corruption qui gangrène leur pays, par leur détermination à refuser des lois liberticides, par leur courage face aux intimidations. La « révolution orange » de 2004 n’avait, elle, fait aucune victime ; les effusions de sang des dernières heures en sont d’autant plus intolérables.
J’ai rencontré la plupart des leaders de l’opposition : tous manifestaient leur déception devant la passivité de l’Union européenne, leur crainte de voir la situation dégénérer, leur demande de sanctions personnelles et ciblées contre les oligarques corrompus, par exemple le gel de leurs avoirs bancaires à l’étranger et le refus de leur délivrer des visas, ainsi qu’à leurs familles.
La menace d’engrenage était évidente, mais une sortie de crise pacifique semblait encore possible, à condition de retourner aux garanties constitutionnelles de 2004 et d’organiser de nouvelles élections.
Je me réjouis que la France ait aujourd’hui accepté de soutenir l’idée de ces sanctions personnelles et ciblées. Mais pourquoi donc avoir attendu que les morts jonchent la place Maïdan pour réagir ?
Ces sanctions indispensables ne doivent pas être une simple mesure de rétorsion face à l’horreur de la répression : méfions-nous des politiques étrangères punitives fondées sur des réactions émotionnelles à portée plus symbolique qu’effective.
La vengeance ne ressuscite pas les morts. Les sanctions à l’encontre de quelques dizaines de dirigeants ne sauraient être un moyen de nous donner bonne conscience ni nous dispenser d’un travail moins visible et plus long de médiation politique. Je m’interroge, par exemple, sur la pertinence du refus par la diplomatie européenne du « trilogue » Kiev-Bruxelles-Moscou proposé par Vladimir Poutine. §En Ukraine, comme en Syrie, la sortie de crise passe aussi par Moscou.
À l’heure où se tient un Conseil européen sur l’Ukraine, j’insiste sur la nécessité de faire preuve de détermination pour défendre l’état de droit en Ukraine, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en 2008 pour la Géorgie.
Rester les spectateurs passifs de l’émergence d’une guerre civile aux frontières de l’Europe serait humainement insupportable. Ce serait nous rendre complices d’une possible balkanisation de l’Ukraine, extrêmement dangereuse pour la sécurité de l’ensemble de la région.
Pourriez-vous donc nous préciser, monsieur le Premier ministre, la position de la France sur les moyens d’améliorer le dialogue franco-russe et russo-européen sur cette question et de progresser au plus vite vers un retour de la démocratie en Ukraine, ce pays ami de la France, qui nous est cher, mais que nous avons peut-être trop longtemps ignoré ? §