Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 20 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Article 10

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Je ne souscris pas entièrement aux explications de notre collègue. Il faut quand même rappeler que cette durée de travail hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures avait été présentée par le Gouvernement comme une mesure phare particulièrement positive.

Pour autant, force est de constater que le dispositif initial était déjà fortement limité, ce que nous n’avions pas manqué de souligner à l’époque, en rappelant que cette disposition ne s’applique ni aux salariés âgés de moins de vingt-six ans qui poursuivent leurs études ni aux salariés inscrits dans un parcours d’insertion.

Comme l’a rappelé notre collègue Desessard, le principe est de surcroît assorti d’une dérogation : une durée inférieure à vingt-quatre heures peut être prévue par convention individuelle ou par accord de branche étendu s’il comporte des garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permet au salarié de cumuler plusieurs activités. On voit donc la limite du texte initial. Il faut aussi rappeler que cette disposition n’était censée s’appliquer qu’aux contrats futurs et ne créait pas de droits immédiats pour les salariés en place.

Cette question est éminemment politique ; je dirais même qu’il s’agit d’un choix de société. Pourquoi les revenus financiers continueraient-ils à exploser, alors que, dans notre pays pourtant si riche, les travailleurs précaires – des femmes à plus de 80 % – seraient de plus en plus précaires ?

J’ai entendu hier notre collègue Isabelle Debré dire que la durée minimale hebdomadaire de vingt-quatre heures était inapplicable dans certaines branches. Je m’inscris en faux contre ce postulat. J’ai pu constater, dans le cadre de la mission que je mène avec Jean-Marie Vanlerenberghe, que des associations d’aide à domicile ou des centres communaux d’action sociale mettent en place cette durée minimale, y compris dans le domaine du service à la personne. Il faut le souligner.

En revanche, il est vrai que le passage à ce système plus protecteur pour les salariés a un coût. La question est donc politique : assume-t-on ce coût ou non ?

En fait, deux problèmes se posent.

J’évoquerai, tout d’abord, la précarité des salariés travaillant dans le secteur de l’aide à la personne. Souvent recrutés à faible niveau de qualification, ils sont confrontés à différentes difficultés : ils accomplissent leur métier auprès de personnes fragiles, connaissent de grandes amplitudes horaires – jusqu’à treize heures par jour –, travaillent le week-end, perçoivent des rémunérations inférieures à la base du SMIC – la valeur du point n’a pas été revalorisée depuis 2009 –, subissent des temps partiels quasi généralisés, alors que plus de 40 % d’entre eux voudraient travailler davantage, ne sont pas dédommagés pour leurs frais professionnels, par exemple, pour l’utilisation de leur véhicule personnel. Or l’État est le plus souvent responsable de cette situation, car c’est lui qui tire les cordons de la bourse et fixe les taux d’évolution annuelle des rémunérations des frais de déplacement. Et les 30 millions d’euros prévus dans le cadre du projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement destinés à améliorer la situation de ces salariés sont une goutte d’eau par rapport aux besoins !

Nous pensons, pour notre part, qu’il n’est pas possible d’en rester là.

J’en viens maintenant aux effets négatifs de cette précarisation du travail dans un secteur qui a pourtant besoin d’attirer mais dans lequel on constate un turn over qui tire la qualité du service rendu vers le bas.

Ce qu’il faut, c’est une volonté politique pour combattre la précarité. Or ce report de six mois est un très mauvais signal adressé à cette profession comme à d’autres, monsieur le ministre. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.

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