Intervention de Michel Sapin

Réunion du 20 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Article 10, amendement 124

Michel Sapin, ministre :

Eh bien, je donne du temps au temps, en sachant que donner trop de temps au temps n’est pas prendre son temps !

Soucieux de respecter cet équilibre, je suis défavorable à l’amendement n °124 rectifié, qui vise à reporter la suspension au-delà de cette date.

Je suis aussi défavorable à l’amendement n °123 rectifié bis, qui est un peu contradictoire, et qui tend à supprimer le report, car se poserait alors une très grande difficulté.

J’en viens aux explications légitimes que vous me demandez. Elles portent sur le choix de la date du 22 janvier et sur les incidences juridiques entre le 1er janvier et le 22 janvier et au-delà.

Supposons que nous ayons choisi comme date d’application de la nouvelle disposition la date de publication du texte que nous examinons aujourd'hui. Nous prenions le risque d’un arrêt brutal des embauches pendant toute une période : les employeurs auraient été tentés d’attendre la date en question pour pouvoir offrir un contrat de travail d’une durée inférieure à vingt-quatre heures. Il existait un risque grave de rétention d’emploi extrêmement préjudiciable aux salariés.

C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de vous proposer, en accord avec les plus hautes autorités juridiques de notre pays, la date constitutionnellement valable la plus proche du 1er janvier. La date retenue, monsieur Desessard, est donc celle de l’adoption du présent texte en conseil des ministres.

C’est une méthode que l’on applique couramment, comme vous le savez, dans le domaine fiscal : lorsqu’on annonce une nouvelle disposition fiscale, pour éviter des anticipations qui pourraient aboutir à des rétentions de décision, on décide que cette disposition prendra effet à la date de publicité, c’est-à-dire de prise de connaissance de l’information.

Dès lors que nous avons choisi la date du 22 janvier, que se passe-t-il ? Il n’y a aucun vide juridique. C’est d’ailleurs un problème que l’on rencontre rarement en France ; il arrive plus souvent, en revanche, que l’on ait du mal à définir les contenus...

Pour les contrats signés avant le 1er janvier 2014, il n’y a pas de difficulté : c’est le régime antérieur qui s’applique.

Pour ceux qui ont été signés entre le 1er et le 21 janvier 2014, il n’y a pas non plus de problème juridique : c’est le dispositif prévu par la loi – la durée minimale de vingt-quatre heures – qui s’applique et qui a d’ailleurs été respecté. Si tel n’avait pas été le cas, ces contrats ils auraient été illégaux.

Pour les contrats signés entre le 22 janvier et le 1er juillet 2014, on en revient au dispositif antérieur.

Pour la dernière période, celle qui courra à partir du 1er juillet, c’est la durée minimale de vingt-quatre heures qui s’appliquera ; le dispositif sera toutefois adapté selon les conventions collectives et les accords de branche qui auront éventuellement été conclus.

Je le répète, il n’y a donc pas de vide juridique : chaque case est remplie.

J’ai souhaité que la période commençant le 1er janvier soit la plus courte possible, et que la mesure de suspension soit vite connue, afin d’éviter toute rétention de décision de la part des employeurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon propos était un peu long, mais je crois qu’il était nécessaire, pour une bonne compréhension, d’indiquer le cadre juridique du dispositif.

Je tiens à réaffirmer à tous ceux d’entre vous qui sont très attachés à cette avancée sociale visant à limiter le recours au temps partiel que le Gouvernement partage leur objectif.

Si je demande un peu de temps, c’est pour que cet objectif soit atteint, pour que cette grande conquête nouvelle, qui bénéficiera en particulier aux femmes, devienne une réalité, et pour que l’on ne se contente pas d’un à-peu-près.

Le pis aurait été un recours abusif des entreprises à la dérogation accordée à la règle de la durée minimale de vingt-quatre heures « à la demande du salarié ». Je souhaite, pour ma part, qu’une telle demande ne soit pas contrainte.

Je veux que l’on en revienne au cœur du dispositif : fixer dans la loi la durée minimale de vingt-quatre heures, permettre des adaptations via des accords de branche, et se donner quelques mois supplémentaires pour que la négociation entre partenaires sociaux aboutisse.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion