Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 27 janvier 2005 à 15h00
Développement des territoires ruraux — Article 75 sexies, amendements 108 109 110

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Comme l'a rappelé M. le secrétaire d'Etat à l'instant même, le Sénat a travaillé sur la loi Littoral dans le cadre de l'élaboration d'un rapport dont les conclusions ont été déposées au mois de juin et qui ont fait l'objet d'une question orale avec débat au mois d'octobre ici même.

Il était donc normal qu'une partie des conclusions de ce rapport soient intégrées sous forme d'amendements dans ce qui concerne tout de même le littoral, puisque ce sont les espaces territoriaux ruraux proches du littoral qui posaient problème.

Je tiens à insister sur deux points.

La loi Littoral a maintenant dix-neuf ans. Le Gouvernement devait chaque année déposer un rapport sur son application : il y en a eu un seul, les autres n'ont jamais vu le jour !

Ensuite, il a fallu attendre dix-huit ans certains décrets d'application ; il en manque encore deux, on nous annonce qu'ils seront pris rapidement. Ce retard explique que la loi Littoral, que nous n'avons jamais critiquée dans notre rapport - au contraire, nous avons souligné ses qualités et la nécessité de ne pas la remettre en cause - pose un certain nombre de difficultés d'application qui sont parfois proches de l'aberration.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit non pas de renouveler profondément la loi Littoral, mais, à la marge, de mettre fin à des imprécisions qui permettent à la jurisprudence de certains tribunaux administratifs de « déraper ». Heureusement, les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat lui-même permettent de « corriger le tir », mais on peut pendant des années traîner des erreurs dues au fait que les textes ne sont pas d'une clarté totale.

Dès lors, nous nous félicitons de l'avancée réalisée au cours de la première lecture grâce à M. Goulard, le secrétaire d'Etat à la mer, qui a permis l'intégration des schémas de mise en valeur de la mer dans les schémas de cohérence territoriale. Cette disposition permet aux collectivités locales, là encore, de combler une carence de l'Etat. En effet, combien existe-t-il de schémas de mise en valeur de la mer ? On ne les compte même pas sur les doigts d'une main. On nous annonce que les autres sont en cours d'élaboration, je ne suis pas convaincu qu'ils verront le jour, alors que les collectivités locales sont directement concernées par la mise en place de ces schémas de mise en valeur de la mer.

Evidemment, quand on évoque la loi Littoral, certains réagissent immédiatement en disant que l'on va « bétonner ». Non ! Quand on relit le rapport du Sénat, on s'aperçoit que c'est exactement l'inverse : nous voulons mieux protéger le littoral et nous voulons corriger un certain nombre d'aberrations.

J'en citerai quelques-unes, elles font l'objet des amendements que j'ai déposés.

La loi Littoral a prévu à quels estuaires elle s'appliquait, mais elle a oublié les petites rivières et les étiers. Cela permet à un tribunal administratif de dire qu'ils sont couverts par la loi Littoral. Par conséquent, un étier de quatre-vingts centimètres de large doit bénéficier de chaque côté d'une bande de protection de cent mètres ! C'est d'autant plus aberrant que, en réalité, un étier, contrairement à un estuaire, est construit par l'homme.

Ce n'est pas ainsi qu'il faut appliquer la loi Littoral.

Il existe, de même, un certain nombre de dispositions qui empêchent les agriculteurs d'intervenir sur les bâtiments agricoles dont ils ont besoin à proximité du littoral, pour les maintenir en état de fonctionnement. Par conséquent, ces agriculteurs sont condamnés à abandonner leurs exploitations, faute de pouvoir les moderniser ou les adapter. Le même problème est d'ailleurs apparu à une certaine époque avec les ostréiculteurs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, sur ce point, je suis prêt à retirer les deux amendements ayant pour objet d'interdire au Gouvernement, qui en avait préalablement exprimé le souhait, de continuer à tenter de mettre en place des schémas de mise en valeur de la mer.

Une avancée a été réalisée et je suis optimiste : l'Etat ne mettra sans doute plus en place de tels schémas, et ce seront les collectivités locales dans le cadre des SCOT qui le remplaceront.

En revanche, j'attends du Gouvernement qu'il prenne l'engagement précis de faire en sorte que le futur Conseil national du littoral prenne véritablement à bras-le-corps toutes les questions qui ont été soulevées dans notre rapport et dans celui de l'Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons un retard considérable par rapport aux montagnards. Jusqu'à présent, les représentants du littoral ont agi en ordre dispersé. Contrairement à leurs collègues de la montagne, ils n'ont pas su se défendre et imposer ce qu'ils voulaient. Mais nous allons nous rattraper !

Au sein du futur Conseil national du littoral, nous nous engageons à faire en sorte de corriger tous les dysfonctionnements qui apparaissent et tout ce qui est susceptible d'empêcher une mise en valeur harmonieuse du littoral, dans le respect de la nature et de l'environnement.

En fonction de votre position sur les amendements n° 108 rectifié, 109 rectifié et 110 rectifié, je verrai ce qu'il conviendra de faire.

Toutefois, je serai amené à maintenir deux amendements.

Le premier a pour objet de compléter le dispositif prévoyant le transfert dans le cadre des SCOT de la mise en place des schémas de mise en valeur de la mer, sous le contrôle du préfet. Il convient en effet de préciser les dispositions qu'il revient au préfet de corriger ou d'accepter, afin d'éviter que ce dernier ne profite de la situation et ne voie ses pouvoirs augmenter lors de l'élaboration des SCOT.

Quant au second amendement, je suis véritablement obligé de le maintenir, car il est impossible de le renvoyer aux calendes grecques ! Il s'agit du fameux problème des étiers et des rus. En effet, un certain nombre de communes, notamment dans le Morbihan et en Loire-Atlantique, sont complètement paralysées en raison de dispositions stupides, qui imposent des règles de non-constructibilité le long d'étiers de quatre-vingt centimètres de large : la moindre construction y est interdite sur une bande de cent mètres de part et d'autre.

Il y va de l'avenir de toute une partie de la Bretagne. Par conséquent, il faut absolument maintenir un amendement dont l'adoption ne remettrait absolument pas en cause la loi Littoral. D'ailleurs, cette dernière a exclu de son champ d'application toute une série d'estuaires, notamment celui de la Vilaine, qui est beaucoup plus large et beaucoup plus grand que n'importe quel étier.

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