Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 20 février 2014 à 21h45
Formation professionnelle — Article 20

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

En 2008, dans le projet de loi qu’il avait déposé pour transposer un accord national interprofessionnel sur la représentativité des organisations syndicales, le ministre Xavier Bertrand n’avait pas hésité à introduire des dispositions relatives au temps de travail. Ce faisant, il avait profité d’une forme d’accord majoritaire sur un projet de loi à portée limitée pour chercher à imposer une mesure dont il savait pertinemment qu’elle était contestée par les organisations syndicales.

Le groupe CRC, ainsi que d’autres, à gauche, avait dénoncé un procédé qui contredisait la portée de ce projet de loi, dont l’ambition était de transposer dans le droit le fruit du dialogue social.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous procédez à peu près de la même manière. Cela, vous vous en doutez, ne peut provoquer chez nous que les mêmes réactions qu’en 2008.

Vous en conviendrez, tout comme la suppression des élections prud’homales, que vous aviez voulu inclure dans le présent projet de loi et sur laquelle vous êtes fort justement revenu, l’organisation et la transformation de l’inspection du travail n’a pas de lien réel avec la question de la formation professionnelle. En effet, le volet relatif à la formation professionnelle s’adresse exclusivement aux salariés de droit privé, quand la réforme de l’inspection du travail concerne d’abord des agents publics.

Par ailleurs, à l’inverse des dispositions sur la formation professionnelle, qui ont fait l’objet d’un accord, les dispositions concernant l’inspection du travail, quant à elles, ne sont pas nées d’un réel dialogue social. Il est particulièrement paradoxal de faire l’éloge du dialogue dans le titre Ier de ce projet de loi, et d’en faire fi dans son titre III !

Ce projet de réorganisation – faut-il le rappeler ? – a été rejeté par l’ensemble des organisations syndicales participant au comité technique ministériel, en raison des risques importants qu’il recèle.

Tout cela me conduit naturellement à évoquer le fond. Par honnêteté, je tiens à dire que certaines mesures vont dans le bon sens. Je pense plus précisément à celles qui renforcent les prérogatives des inspecteurs, à l’élargissement des pouvoirs d’intervention de l’inspection du travail en matière de santé et de sécurité au travail, avec notamment l’amélioration des moyens d’expertise technique et l’exigence mise à la charge des employeurs de faire procéder aux analyses, ou encore à l’élargissement du champ d’application du dispositif d’arrêt temporaire de travaux en cas de dangers graves et imminents.

Pour autant, on est droit de s’interroger quant à la portée réelle de ces pouvoirs nouveaux au regard du risque d’accroissement de la subordination des contrôleurs et inspecteurs à l’égard de leur hiérarchie. Cela s’opère notamment par la suppression des sections d’inspection, pourtant reconnues par l’Organisation internationale du travail comme une composante de l’indépendance des agents de contrôle et d’inspection, au profit d’une unité de contrôle. Cette dernière serait placée sous l’autorité d’un responsable d’unité de contrôle, ou RUC, qui serait amené à organiser le travail des agents de contrôle là où ces derniers agissaient de manière spontanée, notamment sur la base des informations transmises par les salariés. Cette capacité à répondre rapidement aux demandes des salariés constituait pourtant l’une des forces de l’inspection du travail.

Cet encadrement, pour ne pas dire cette reprise en main, est d’autant plus inquiétant qu’un pan entier de la configuration de la future inspection du travail sera défini par ordonnance, sans que les parlementaires se prononcent.

Un tel déficit démocratique est à rapprocher du déficit démocratique constaté par les agents de l’inspection du travail – sans parler d’un certain déficit d’écoute dans cet hémicycle…

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