Il existe une certaine corrélation entre la croissance économique et la mobilité, qu'il s'agisse des transports traditionnels ou de celui des données numériques. Il est en outre indéniable que les réseaux et les données prendront une place croissante à l'avenir. Des opportunités importantes de réconcilier croissance et territoires peuvent être offertes, non pas seulement par le télétravail, mais aussi par le coworking sur l'ensemble du territoire. Une étude du Conseil d'analyse stratégique avait évalué que potentiellement 50 % des emplois pourraient être occupés en coworking deux jours par semaine, évitant les transports domicile-travail avec leur lot de pollution et de désagréments.
Autre opportunité de croissance : l'impression 3D, consistant en des systèmes de production individualisés et décentralisés constitués autour de fab labs, comme il en existe me semble-t-il déjà dans les Vosges. Tout cela nécessite du très haut débit mais aussi des évolutions de notre droit du travail. Dans les centres de coworking, il faut en effet que l'on puisse être à la fois salarié et porteur des projets nouveaux qui naîtront de la rencontre avec les autres membres.
Pour favoriser la croissance sur nos territoires, il convient de reconnaître un droit des collectivités territoriales à l'expérimentation. Il est important que l'on puisse essayer de nouvelles formes de production et d'organisation, sans être immédiatement taxés ou mis en concurrence avec d'autres modes d'actions plus traditionnels. Je songe notamment à l'économie du partage ou au crowdfunding ; tel est l'état d'esprit que j'ai voulu insuffler à l'Ademe lorsque j'en étais la présidente, afin d'accompagner les projets sans les réglementer. On ne peut pas empêcher ces nouvelles formes de coopération et nous devrions maintenir des espaces de liberté pour développer des modèles différents, qui sont autant de potentiels de croissance pour demain.
Autre sujet, celui des données personnelles et du big data qui sera crucial dans la prochaine décennie. Dans dix ans, les objets et les ordinateurs seront en effet capables de se connecter entre eux tels ces réfrigérateurs qui s'occupent de vérifier les dates de péremption des produits et qui renouvellent les commandes d'eux-mêmes. Des données liées à notre mode de vie vont donc circuler et être utilisées ; c'est l'un des enjeux du projet de traité de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis. Quant à l'identification de ces données personnelles, songez que c'est probablement Facebook qui s'en chargera pour le Royaume-Uni... Sachons anticiper ces évolutions pour que notre réglementation suive les progrès technologiques.
En 2023, l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables sera atteint... si tout va bien. De nouveaux secteurs industriels seront donc matures. Ce sera vrai pour l'éolien et le solaire thermique, voire le photovoltaïque. Il faudra veiller à favoriser ces filières par une fiscalité écologique adaptée.
Enfin, nous savons qu'en 2030, notre population aura vieilli. La France et la Turquie seront plus peuplées que l'Allemagne tandis que la population de l'Afrique aura doublé. Autant dire que nous aurons tout intérêt à accompagner ce continent en matière d'accès à l'énergie. Ici, nous devrions assister à de véritables épidémies de diabète, de maladies neuro-dégénératives, d'allergies ou encore d'affections respiratoires. Sans politiques de prévention, cela nous coûtera très cher. Notre système économique actuel n'est pas propice au développement d'une vraie politique de santé publique puisqu'il « vit » de la maladie : en forçant le trait, on serait tenté de dire que la baisse du nombre de malades pourrait avoir un effet négatif sur la croissance. On a bien vu la question du vieillissement, mais je crois que l'on a complètement sous-estimé ces évolutions en matière sanitaire.