Chers collègues, à la demande du Président du Sénat, il me revient l'honneur d'ouvrir avec vous la première réunion de cet atelier de prospective consacré à l'avenir du modèle de croissance, du modèle productif et du modèle social que nous souhaitons pour notre pays d'ici à dix ans.
Vous le savez, nous inaugurons aujourd'hui un processus de réflexion doublement original.
Original, d'abord, parce que nous devons nous livrer à un exercice de vision à moyen terme qui n'est pas notre ordinaire de parlementaire. En effet, notre échéance naturelle est plutôt celle de l'année lorsque nous votons les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Et je tempérerai immédiatement ce propos en vous signalant que le recours fréquent aux lois financières rectificatives nous fait souvent réduire encore l'horizon temporel de notre intervention.
Original, ensuite, parce que notre réflexion a l'ambition d'embrasser le territoire national dans son ensemble et de se situer dans le contexte international de son inclusion dans l'Union européenne. Or, en tant qu'élus locaux, nous sommes plus familiers et rompus à cette pratique à l'échelle de nos territoires.
J'évoquerai rapidement les conditions dans lesquelles va se dérouler cette procédure innovante.
Nous avons entendu, le 15 octobre dernier, Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, qui est venu présenter, devant notre groupe de travail, le rapport établi par ses services en août dernier sur le thème « Quelle France dans dix ans ? ».
Le Gouvernement a demandé au Commissariat général un nouveau rapport, plus approfondi et accompagné de préconisations stratégiques, à remettre d'ici à la fin de l'année après consultations élargies. Notre assemblée, à l'instar de ce que feront l'Assemblée nationale ou le CESE pour leur part, a souhaité verser à la réflexion collective le regard du Sénat.
Cette restitution est déjà programmée pour le 4 décembre prochain, en présence à nouveau de Jean Pisani-Ferry. Dans l'intervalle, le président Bel a prévu la constitution de deux ateliers pour conduire une analyse thématique et construire une pensée commune sur ce que nous souhaitons pour notre pays et les générations futures.
Le premier de ces ateliers, le nôtre, sera consacré aux questions économiques et sociales ; le second, qui se réunira ensuite et dont les débats seront ouverts par notre vice-présidente Bariza Khiari, se préoccupera du modèle républicain et du projet européen.
Je vous accorde que cette articulation est un peu artificielle et qu'il ne sera pas toujours facile de séparer ainsi ce qui relève de l'économie et de nos principes républicains mais elle se fonde sur les cinq thématiques identifiées par le rapport Pisani-Ferry.
D'un côté, il s'agit de réfléchir au choix d'un modèle de croissance soutenable, d'un modèle de production efficace et d'un modèle social conforme à l'identité française.
De l'autre, il convient de proposer la définition d'un modèle républicain adapté aux évolutions sociétales, et d'un projet européen renouvelé susceptible de mieux recueillir l'adhésion de nos concitoyens.
Nos modalités de travail seront les suivantes.
Chaque atelier se réunira une seconde fois, la date de notre prochaine rencontre étant fixée au mercredi 13 novembre à 15 heures, dans cette même salle.
Nous tiendrons une réunion commune avec le second atelier le mardi 26 novembre, à 15 heures, afin de construire ensemble la ligne de réflexion qui sera la nôtre ; s'il est disponible, le président Bel pourrait présider cette réunion.
Enfin, nous exposerons au commissaire général, Jean Pisani-Ferry, nos conclusions lors de notre rendez-vous de restitution du 4 décembre. Conformément au souhait du président du Sénat, deux animateurs, désignés au sein de chacun de nos ateliers, auront la mission de porter notre réflexion. Ce sont nos collègues Chantal Jouanno et Gaëtan Gorce qui ont accepté cette mission pour notre atelier. Cela ne s'oppose pas, bien sûr, à ce que chacun d'entre nous puisse aussi s'exprimer à cette occasion.
Je vous rappelle d'ailleurs, à ce sujet, qu'une page est ouverte sur le site du Sénat pour recueillir toute contribution individuelle que vous souhaiteriez livrer au débat.
Je terminerai ces considérations d'ordre pratique en indiquant que chacune de nos réunions fera l'objet d'un compte rendu dont vous serez destinataires quel que soit l'atelier auquel vous vous êtes inscrit.
Le Président du Sénat m'a par ailleurs chargé de vous transmettre un message. Il souhaite que la contribution de notre assemblée permette de se pencher sur ce que sera la situation des territoires dans dix ans. Il s'agit de traiter de la fracture territoriale qui se dessine entre grandes zones urbaines, d'une part, et zones rurales et péri-urbaines, d'autre part : concentration des richesses et des services d'un côté, sentiment d'abandon de l'autre. La contribution du Sénat doit donc prendre en compte la préoccupation d'égalité républicaine, la préservation des solidarités de proximité et l'objectif de développement équilibré des territoires. Il convient non pas de nous en tenir à une vision macroéconomique, mais de regarder comment la France dans dix ans sera celle des citoyens, où qu'ils vivent sur le territoire national. Voilà quel doit être l'esprit de notre travail aujourd'hui.
Ce que nous pouvons souhaiter pour dans dix ans, c'est que nos territoires vivent, qu'ils répondent aux attentes de la population.
Cela passe par une économie plus dynamique en particulier grâce à nos PME-PMI. Je partage l'objectif du Président de la République d'une inversion de la courbe du chômage mais il faut aussi veiller à ce que l'emploi industriel reparte ; et la clé de la ré-industrialisation, c'est la compétitivité. Sous le coup de la concurrence asiatique, j'ai vu disparaître de mon département l'industrie de la lunette et celle du jouet. Cessons d'imposer, loi après loi, de nouvelles contraintes aux entreprises. Laissons-les plus libres, à l'instar de ce qui se fait en Allemagne.
Quant à l'aménagement du territoire, les choses avancent trop lentement. Le haut débit n'est toujours pas accessible sur l'ensemble du territoire. Sans péréquation entre les grandes métropoles et les zones rurales, nous n'y arriverons pas. Les regards sont actuellement tournés vers la Bretagne, mais nombreux sont les territoires qui souffrent. Si l'on peut reconnaître que les projets d'infrastructures de transport du gouvernement précédent étaient peut-être trop ambitieux, il faut cependant continuer à désenclaver les territoires. Trop de freins s'opposent encore aux déplacements et à la mobilité ; et le problème de financement des projets demeure crucial.
Je le redis : cessons d'imposer des charges supplémentaires ! Jean Bizet vient de m'apprendre que la loi devrait prochainement interdire aux vétérinaires de fournir les antibiotiques aux éleveurs, obligeant ces derniers à se rendre à la pharmacie. Mais où va-t-on ?
Je vous rappelle que notre objectif est de tenter de sortir du court terme et d'élaborer une vision prospective pour notre pays.
Il existe une certaine corrélation entre la croissance économique et la mobilité, qu'il s'agisse des transports traditionnels ou de celui des données numériques. Il est en outre indéniable que les réseaux et les données prendront une place croissante à l'avenir. Des opportunités importantes de réconcilier croissance et territoires peuvent être offertes, non pas seulement par le télétravail, mais aussi par le coworking sur l'ensemble du territoire. Une étude du Conseil d'analyse stratégique avait évalué que potentiellement 50 % des emplois pourraient être occupés en coworking deux jours par semaine, évitant les transports domicile-travail avec leur lot de pollution et de désagréments.
Autre opportunité de croissance : l'impression 3D, consistant en des systèmes de production individualisés et décentralisés constitués autour de fab labs, comme il en existe me semble-t-il déjà dans les Vosges. Tout cela nécessite du très haut débit mais aussi des évolutions de notre droit du travail. Dans les centres de coworking, il faut en effet que l'on puisse être à la fois salarié et porteur des projets nouveaux qui naîtront de la rencontre avec les autres membres.
Pour favoriser la croissance sur nos territoires, il convient de reconnaître un droit des collectivités territoriales à l'expérimentation. Il est important que l'on puisse essayer de nouvelles formes de production et d'organisation, sans être immédiatement taxés ou mis en concurrence avec d'autres modes d'actions plus traditionnels. Je songe notamment à l'économie du partage ou au crowdfunding ; tel est l'état d'esprit que j'ai voulu insuffler à l'Ademe lorsque j'en étais la présidente, afin d'accompagner les projets sans les réglementer. On ne peut pas empêcher ces nouvelles formes de coopération et nous devrions maintenir des espaces de liberté pour développer des modèles différents, qui sont autant de potentiels de croissance pour demain.
Autre sujet, celui des données personnelles et du big data qui sera crucial dans la prochaine décennie. Dans dix ans, les objets et les ordinateurs seront en effet capables de se connecter entre eux tels ces réfrigérateurs qui s'occupent de vérifier les dates de péremption des produits et qui renouvellent les commandes d'eux-mêmes. Des données liées à notre mode de vie vont donc circuler et être utilisées ; c'est l'un des enjeux du projet de traité de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis. Quant à l'identification de ces données personnelles, songez que c'est probablement Facebook qui s'en chargera pour le Royaume-Uni... Sachons anticiper ces évolutions pour que notre réglementation suive les progrès technologiques.
En 2023, l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables sera atteint... si tout va bien. De nouveaux secteurs industriels seront donc matures. Ce sera vrai pour l'éolien et le solaire thermique, voire le photovoltaïque. Il faudra veiller à favoriser ces filières par une fiscalité écologique adaptée.
Enfin, nous savons qu'en 2030, notre population aura vieilli. La France et la Turquie seront plus peuplées que l'Allemagne tandis que la population de l'Afrique aura doublé. Autant dire que nous aurons tout intérêt à accompagner ce continent en matière d'accès à l'énergie. Ici, nous devrions assister à de véritables épidémies de diabète, de maladies neuro-dégénératives, d'allergies ou encore d'affections respiratoires. Sans politiques de prévention, cela nous coûtera très cher. Notre système économique actuel n'est pas propice au développement d'une vraie politique de santé publique puisqu'il « vit » de la maladie : en forçant le trait, on serait tenté de dire que la baisse du nombre de malades pourrait avoir un effet négatif sur la croissance. On a bien vu la question du vieillissement, mais je crois que l'on a complètement sous-estimé ces évolutions en matière sanitaire.
Je vous livre un élément de méthode. Rien qu'en déclinant pour chacune des nouvelles technologies la façon dont elles pourraient se diffuser dans les dix ans qui viennent, nous aurons peut-être déjà des propositions à faire.
Je partirai du constat des grands écarts qui existent entre les territoires, en particulier entre territoires urbains et ruraux, d'autant que la crise est en train de les creuser. Au moment où nous exposons sur les grilles du jardin du Luxembourg des photos des villes d'art et d'histoire, on est en droit de se demander où en sera, dans dix ans, ce réseau très original de petites villes qui jouent un rôle essentiel dans nos territoires mais sont aujourd'hui très fragilisées.
Nos travaux pourraient tenter de répondre à trois questions. Tout d'abord, quel est l'impact du changement - qu'il soit économique ou social - sur les différents territoires ? Ensuite, comment responsabiliser ces territoires ? C'est tout le problème de la répartition des compétences et des moyens dans les domaines d'avenir tels que le développement durable, l'énergie, la santé et l'emploi. J'estime par exemple que nous gagnerions à une territorialisation des politiques de l'emploi. D'où une réflexion nécessaire sur l'opportunité de passer ou non de la logique actuelle de réglementation et d'organisation à une logique de projet et d'expérimentation.
La troisième question à laquelle nous aurons à répondre concerne la façon dont les territoires seront associés à ces évolutions. Comment associer les élus mais aussi les habitants, ceux des quartiers urbains ou des zones rurales ? Comment faire en sorte qu'ils maîtrisent ces changements plutôt qu'ils ne les subissent ?
À la différence du modèle productif et du modèle social, l'expression « modèle de croissance » retenue par le rapport Pisani-Ferry me semble mal choisie car la croissance est la résultante de tout le reste.
En revanche, je pense qu'il est essentiel de travailler sur le facteur humain : l'emploi, les ressources humaines, la formation et tout ce qui, concrètement, fera la vie des gens dans dix ans. Nous devrons aussi nous pencher sur notre rapport au temps, qui a fortement évolué, ainsi que sur la question des transports.
Entendons-nous sur le modèle de croissance : il s'agit très classiquement d'examiner comment évolueront à la fois le travail, le capital et l'innovation technologique, dans le cadre des contraintes financières qui sont les nôtres.
Je me retrouve dans tous les propos que je viens d'entendre, à une nuance près sur le premier. Lorsque j'ai été élue parlementaire, je pensais que l'on procédait toujours ainsi : que l'on commençait par réfléchir, au sein de chaque famille politique, puis entre les différents groupes, à ce que l'on voulait pour la France dans dix, vingt ou trente ans, avant de discuter des meilleurs décisions et de les traduire dans les lois. En deux ans de mandat, j'ai compris que tel n'est pas le cas. C'est pourtant bien là que réside la vraie politique, dans la définition du monde que nous construisons pour nos enfants, dans la détermination du possible, entre l'idéal et l'effroyable.
Je partage les réserves de notre collègue sur le « modèle de croissance ». Je pense plutôt que la vraie question est de savoir ce que nous allons faire dans un monde qui ne connaîtra pas de retour d'une croissance forte.
Il faudra repartir des besoins primaires des individus puis des besoins de la vie en collectivité. Le premier de ces besoins est de nous nourrir convenablement. Comment le ferons-nous demain alors que, comme nous le voyons en Bretagne, c'est tout un modèle agro-économique qui s'essouffle ?
Autre question, celle de la mobilité. Certains habitants de Saumur ne sont jamais allés à Angers qui n'est pourtant qu'à un quart d'heure de TGV et une demi-heure de TER !
La destruction des anciens modes de sociabilité risque de faire naître des tensions. Ne nous racontons pas d'histoires : la pratique religieuse ne concerne plus que peu de monde, tout comme l'action dans les partis politiques ou les syndicats. Seule la vie associative me semble être véritablement porteuse de lien pour l'avenir.
Il nous faut donc changer de lunettes : au cours des cinquante dernières années, c'est l'économie qui a été la locomotive de la société. Ce ne sera plus le cas.
Le défi est de savoir comment vivre ensemble, vivre en paix, que ce soit au sein d'un village ou entre les territoires urbains et périurbains.
Nos forces comme nos faiblesses sont la conséquence d'un modèle qui est profondément à revoir. En France, nous avons le CAC 40, quatre banques systémiques dont les équipes dirigeantes se connaissent et sont aussi en contact avec celles des grands groupes. Ensemble, tous ces acteurs mènent leurs réflexions, voyant bien sûr les choses de Paris. L'Allemagne, elle, n'a pas de CAC 40 et ne dispose que d'une seule banque systémique, mais elle a, dans les Länder, des banques régionales, avec une direction et une vision régionales.
Je pense que chez nous, les décisions seraient mieux perçues si elles pouvaient être prises localement. Les Bretons accepteraient mieux ce qui vient du Parlement à Rennes que de Paris. Nous construisons un EPR au bout de la Normandie car la Bretagne n'en veut pas alors qu'elle a besoin d'énergie. C'est la preuve qu'il conviendrait de responsabiliser les politiques au niveau régional. Cela sera toutefois difficile avec des collectivités aussi fragmentées. Je milite donc pour huit ou neuf régions et seulement une quarantaine de départements.
Lors d'un récent voyage d'étude en Allemagne, nous avons pu observer que dans les Länder, l'organisation tant administrative qu'économique était décentralisée et favorisait un réseau de PME et PMI performantes. Cela manque à la France.
Comme nombre de pays européens l'ont déjà compris, l'avenir est au mix énergétique alors qu'en France, le débat tourne encore trop souvent autour du nucléaire, que l'on soit pour ou contre. Influencée par l'Allemagne, l'Europe centrale se propose de combiner l'énergie : le nucléaire, les énergies renouvelables et les différentes énergies fossiles. Il faudrait que les familles politiques françaises s'accordent sur une ligne directrice définissant notre mix énergétique. Ceci renvoie bien entendu à des prises de décisions sur le gaz de schiste ou sur la localisation des éoliennes.
Quant aux nouvelles technologies, elles posent aux États un problème de base fiscale. Si nous voulons maintenir des services publics, il faut que Google, Apple, Amazon pour ne citer qu'eux, paient des impôts. Notre modèle fiscal est manifestement mal adapté aux nouvelles technologies. La question se pose aussi de savoir si dans dix ans, nous serons capables de réassembler en France des produits de haute technologie. Ces activités ne se concentreront peut-être pas toujours en Asie. J'en veux pour preuve que même Apple a décidé de réinvestir dans certains États américains.
L'on entend souvent que la démographie est un atout pour la France et une difficulté pour l'Allemagne. C'est vrai mais attention, cette dernière est un train de reprendre une position économique dominante dans les pays d'Europe centrale et orientale. Certains dirigeants d'entreprises outre-Rhin considèrent même que la France fait aussi partie de ce grand marché intérieur allemand. Comment allons-nous tirer notre épingle du jeu ? À Bratislava, Volkswagen a racheté une ancienne usine qui produisait quinze voitures par jour ; la production s'établit désormais à mille huit cents véhicules, y compris le 4x4 Porsche. Les moteurs sont fabriqués en Hongrie, les boîtes de vitesses en République tchèque et le tout est assemblé en Slovaquie. On est à la limite de la concurrence déloyale.
Je ne partage pas l'idée d'une réduction du nombre de départements ; cela participe de l'incessant va-et-vient entre décentralisation et recentralisation. On peut discuter de la répartition des compétences, mais les regroupements de collectivités n'ont jamais fait baisser le nombre d'employés, bien au contraire. En outre, seul le département offre la proximité nécessaire.
Pour l'avenir des territoires ruraux, il est important que l'on cesse de les sous-représenter sur le plan politique comme l'ont fait plusieurs textes votés ces dernières années. Aujourd'hui, c'est dans les villes que l'on décide de l'urbanisme commercial, créant des milliers de mètres carrés de grandes surfaces qui achèvent de détruire le commerce rural. Les habitants des territoires ruraux revendiquent l'accès à certains services. À ce titre, de gros efforts sont faits pour offrir des services : développer les écoles, les équipements culturels et sportifs ou encore la vie associative. Tout cela a néanmoins un coût, en particulier pour les services de transports. Beaucoup plus devrait être fait en matière de rénovation énergétique des logements.
En matière économique, il est clair que l'on ne construira plus de grandes usines à la campagne. En revanche, nombre de ruraux souhaitant travailler près de chez eux, il faut développer les centres de coworking et favoriser l'implantation de petites entreprises.
La politique actuelle d'accueil des demandeurs d'emploi est une véritable tragédie. Beaucoup de monde s'en occupe mais au final, on ne propose souvent que des stages sans contenu qui ne débouchent sur rien. Il nous faut mettre l'accent sur la formation.
Bien que l'on subisse le poids du parisianisme technocratique, il est essentiel que nous agissions de façon concertée pour réduire le déséquilibre entre les villes et la ruralité, afin notamment de rendre cette dernière de nouveau attractive.
En matière de modèles de croissance, nous connaissons le modèle libéral, le modèle collectiviste - qui semble avoir échoué -, et aussi un certain modèle intermédiaire...
Il faudra bien que nous nous situions dans tout cela. À Corinne Bouchoux je dirais que nous ne pouvons pas penser consommation sans réfléchir à notre mode de production car « on est ce que l'on mange ». Il nous faut donc travailler sur l'évolution du travail, du capital et de la technologie. Sur ce dernier point, je mentionnerai la comparaison entre la France et l'Allemagne faite par Hermann Simon dans son ouvrage Les champions cachés du XXIe siècle selon laquelle l'une des grandes différences entre nos deux pays tient au nombre de PME-PMI utilisant des robots. Ce chiffre varie de 1 à 30 en faveur de l'Allemagne ! Il s'agit là d'un débat sur la répartition entre le travail et le capital, et la question se posera de savoir si nous devons investir massivement dans ce domaine. J'ai noté que la mission Économie du projet de loi de finances comportait une écriture en ce sens.
À propos des villes, je peux hélas vous prédire que des drames s'annoncent pour certains centres-villes. À l'instar des villes américaines, il arrive désormais qu'on n'y trouve plus qu'une banque, un assureur et un opérateur de téléphonie mobile ; tout le reste est parti à l'extérieur : dans les grandes surfaces ou dans un mall.
Le modèle de croissance est un sujet à lui seul. Notre modèle économique s'est construit avec pour référence le Pib, indicateur de flux lié à la société industrielle qui ne prend en considération ni le capital humain ni le capital environnemental. Or, le rapport des Nations unies sur les objectifs du Millénaire insistait précisément sur la prise en considération de ces enjeux à l'horizon 2030. On ne réglera pas cette question dans le cadre de nos travaux mais nous savons que dans les dix ans, des interrogations apparaîtront sur nos relais de croissance externe. L'Inde sera-t-elle en mesure de prendre le relais d'une Chine vieillissante ? Quid de l'Afrique dont la population aura doublé ?
Selon une note du Commissariat général à la stratégie et à la prospective de juillet 2013, la pénurie de métaux mineurs - stratégiques pour les activités à forte valeur ajoutée - menace. Elle devrait notamment concerner le cuivre, le zinc, l'aluminium, l'acier. Il nous revient donc d'engager une politique d'identification de stocks stratégiques et de recyclage de ces matières car elles n'en font actuellement pas l'objet.
Par ailleurs, la place importante prise dans notre société par les familles monoparentales devrait se confirmer alors que les dispositifs de gardes d'enfants et le système éducatif actuels ne leur sont pas du tout adaptés. Pour les familles monoparentales, je trouve que les choses se détériorent très vite. Attention aux creusements de ces inégalités dans les dix ans qui viennent.
En matière éducative, une perspective à dix ans c'est déjà hier ! C'est un domaine où l'on réfléchit sur trente ans.
Joël Bourdin évoquait les villes qui se vident. Pourquoi en arrive-t-on là ? Parce les emplois sont partis par manque de compétitivité des entreprises. À Morez, le nombre d'emplois dans la lunetterie est passé de 3 600 à 1 500 et la population a été divisée par deux. C'est la même chose à Sochaux avec Peugeot ; c'est encore le cas lorsque nos chênes partent en Chine pour nous revenir sous forme de meubles ou lors des crises du lait et du porc que nous avons connues. Je le redis : la clé, c'est la compétitivité de notre économie. Je ne suis pas contre la mondialisation mais il faut nous y adapter, car sans compétitivité économique, il n'y aura pas de vitalité de nos territoires.
France 3 a diffusé lundi soir un documentaire très intéressant intitulé La France en face confirmant que la compétition des territoires à laquelle nous assistons ne fonctionne pas. L'objectif devrait être plutôt d'obtenir un bon dosage entre l'émulation et la coopération.
Lorsque les promoteurs des premières associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap) ont sollicité des crédits, les banquiers leur ont répondu que le projet était irréaliste. Finissons-en avec l'idée selon laquelle l'innovation est nécessairement liée à l'hypercompétition. Les nouveaux concepts qui fonctionnent reposent de plus en plus sur le principe d'une collaboration intelligente. Oui, la coopération peut être une valeur positive.
La région parisienne ne peut plus être la locomotive que l'on attend car elle doit déjà gérer ses propres problèmes et déséquilibres ; il faut donc des relais de croissance en région et passer de relations verticales à une mise en réseau plus horizontale entre les territoires. Les régions doivent avoir un rôle de leader, avec des équipes performantes, à l'image des Länder allemands. Une révision constitutionnelle qui prévoyait la possibilité pour les régions d'adapter les dispositions législatives n'a pas été adoptée, c'est dommage. Je n'ai rien contre les régions ou les départements actuels ; je constate simplement que notre système économique traduit un système institutionnel dépassé.
En matière de capital, le modèle anglo-saxon ne correspond vraiment pas à notre tradition centralisatrice. Si j'évoquais en revanche le modèle chinois, c'est parce qu'il repose sur six ou sept fonds de pension, assurant - avec 10 % ou 15 % du capital - la stabilité aux grandes entreprises chinoises. Nous pourrions nous en inspirer et éviter que nos start-up les plus performantes soient systématiquement rachetées par des groupes américains.
Je reviens sur l'importance de l'accompagnement des chômeurs. C'est un sujet crucial car aujourd'hui on accompagne des millions de personnes vers le néant ! Une politique intéressante avait été engagée en son temps par le gouvernement d'Édith Cresson, celle des délocalisations administratives, et je regrette qu'elle se soit heurtée à de nombreuses résistances.
Le système actuel qui sépare les grandes écoles formant des élites et l'université a fait son temps. Le modèle productif actuel doit être pensé différemment du modèle traditionnel reposant sur un formatage. L'inventivité nécessite le brassage des élites ; celles-ci doivent être le reflet de la société. Dans la France actuelle, il y a une déconnexion complète des élites et de la mosaïque sociale. Il faut plus de mélanges. Je vous assure qu'en Seine-Saint-Denis, on trouve aussi une certaine inventivité, une solidarité, une diversité qui sont autant d'atouts pour l'avenir. De toute façon, il nous faudra mieux accepter notre diversité.
L'avenir de l'université passera aussi par sa capacité à s'adapter aux nouvelles technologies ; ce secteur est actuellement en pleine mutation, il y aura bientôt des universités sans amphis ! Les nouvelles formes d'enseignement valent aussi pour la formation professionnelle comme j'ai pu le constater, y compris à Ouagadougou. C'est un sujet majeur sur lequel nous aurons à revenir.
Je travaille en ce moment, pour la délégation sénatoriale à la prospective, sur un rapport d'information consacré aux emplois de demain et je peux vous assurer que lors des auditions que nous avons organisées, nous avons entendu des propositions d'enseignants et de chercheurs qui étaient tout à fait novatrices.
Il est impératif que les universités et les grandes écoles s'associent davantage entre elles car même si les préventions tombent, leur coopération demeure embryonnaire.
J'ajoute que les universités de banlieues ont pour elles de nombreux atouts, au premier rang desquels la pugnacité. L'université de Cergy-Pontoise est parvenue à proposer des formations innovantes et de nouveaux masters qui remportent un grand succès. Elles constituent aussi des lieux d'excellence : le pôle mathématiques de l'université de Seine-Saint-Denis est classé septième au niveau mondial, et celui de Cergy onzième. Une fois associés, peut-être constitueraient-ils le deuxième centre mondial dans la discipline ?
Attention toutefois à ne pas regrouper les établissements de façon systématique. Je pense ainsi que le futur déménagement de l'École centrale à Saclay n'est pas une bonne idée.
Mes chers collègues, je vous remercie pour vos contributions. Nous nous retrouverons pour une seconde réunion de notre atelier le mercredi 13 novembre, à 15 heures.
Présidence de Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat
Mes chers collègues, à la demande du Président du Sénat, il me revient l'honneur d'ouvrir avec vous la première réunion de cet atelier de prospective consacré au projet républicain et à l'avenir de l'Europe.
Vous le savez, nous inaugurons aujourd'hui un processus de réflexion doublement original. D'abord en nous livrant à un exercice de vision à moyen terme qui n'est pas notre ordinaire de parlementaire. En effet, notre échéance naturelle est plutôt celle de l'année lorsque nous votons les lois financières de l'État et de la sécurité sociale. Ensuite, parce que notre réflexion a l'ambition d'embrasser le territoire national dans son ensemble et de se situer dans le contexte de notre participation à l'Union européenne. Or, en tant qu'élus locaux, nous sommes plus familiers et rompus à cette pratique à l'échelle de nos territoires.
J'évoquerai rapidement les conditions dans lesquelles va se dérouler notre travail. Nous avons entendu, le 15 octobre dernier, Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, qui est venu présenter, devant notre groupe de travail, le rapport établi par ses services en août dernier sur le thème « Quelle France dans dix ans ? ».
Le Gouvernement a demandé au Commissariat général un nouveau rapport, plus approfondi et accompagné de préconisations stratégiques à remettre d'ici à la fin de l'année après consultations élargies. Notre assemblée - et d'autres le feront également pour leur part comme l'Assemblée nationale ou le CESE - a souhaité verser à la réflexion collective le regard du Sénat.
Cette restitution est déjà programmée pour le 4 décembre prochain, en présence à nouveau de Jean Pisani-Ferry. Dans l'intervalle, le président Bel a prévu la constitution de deux ateliers pour conduire une analyse thématique et construire une pensée commune sur ce que nous souhaitons pour notre pays et les générations futures.
Le second de ces ateliers, le nôtre, se préoccupera du modèle républicain et du projet européen ; le premier, qui s'est réuni juste avant nous et dont les débats ont été ouverts par le président de la délégation à la prospective, Joël Bourdin, s'est consacré aux questions économiques et sociales.
Je vous accorde que cette articulation est un peu artificielle et qu'il ne sera pas toujours facile de séparer ainsi ce qui relève de l'économie et ce qui relève de nos principes républicains, mais elle se fonde sur les cinq thématiques identifiées par le rapport Pisani-Ferry. D'un côté, le choix d'un modèle de croissance soutenable, d'un modèle de production efficace et d'un modèle social conforme à l'identité française. De l'autre, la définition d'un modèle républicain, adapté aux évolutions sociétales, et d'un projet européen renouvelé, susceptible de mieux recueillir l'adhésion de nos concitoyens.
Nos modalités de travail seront les suivantes : chaque atelier se réunira une seconde fois, la date de notre prochaine rencontre étant fixée au mercredi 13 novembre à 17 heures, dans cette même salle. Nous tiendrons une réunion commune avec le premier atelier le mardi 26 novembre à 15 heures, afin de construire ensemble la ligne de réflexion qui sera la nôtre. Enfin, nous exposerons au commissaire général nos conclusions lors de notre rendez-vous de restitution du 4 décembre. Conformément au souhait du président du Sénat, deux animateurs, désignés au sein de chacun de nos ateliers, auront la mission de porter notre réflexion. Les deux animateurs de notre atelier seront nos collègues Philippe Adnot et Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne s'oppose pas, bien sûr, à ce que chacun d'entre nous puisse aussi s'exprimer à cette occasion.
Je vous rappelle d'ailleurs, à ce sujet, qu'une page est ouverte sur le site du Sénat pour recueillir toute contribution individuelle que vous souhaiteriez livrer au débat.
Enfin, et j'en aurai fini avec ces considérations d'ordre pratique, chacune de nos réunions fera l'objet d'un compte rendu dont vous serez destinataires quel que soit l'atelier auquel vous vous êtes inscrit.
Je vous laisse maintenant la parole pour engager notre réflexion sur « Quel projet européen et quel modèle républicain ? ». À partir de vos idées et propositions, nous pourrons ensuite réfléchir à l'organisation des quelques idées fortes qui structureront notre contribution. Mes chers collègues, la séance est ouverte.
Pour construire, il faut rêver. Construire, cela suppose d'abord que la France ait, dans dix ans, réglé ses problèmes financiers. Rêver, c'est examiner les moyens de dépasser nos problèmes ; et d'abord, comment reconquérir des parts de marché pour favoriser l'emploi. Cela passe par l'enseignement supérieur, la formation, le développement de l'innovation et son transfert à l'ensemble de la société.
Je prendrai l'exemple du conseil général dont je suis le président, qui a commencé par redresser les finances du département. Puis, face à la perte de 25 000 emplois dans le secteur textile, nous avons fait le pari de l'enseignement supérieur et de la recherche pour nous aider à poser les conditions d'un renouveau. Nous avons créé une université pour former des ingénieurs, un technopôle autour pour accueillir et accompagner les porteurs de projets. De nouvelles activités économiques se sont ainsi développées.
Il faut rêver à la réussite de ce modèle, à la capacité de mobiliser l'intelligence pour inventer les conditions d'un renouveau économique. Il faut forger les conditions de la création de richesses - notre modèle social en dépend. Si, par exemple, les universités souffrent, c'est faute de moyens, et faute de professionnalisation. Et on supprime le peu de professionnalisation qui existe : on a réduit le nombre de masters, on veut réduire la formation en alternance. Il faut faire le contraire, parier sur la capacité de l'enseignement supérieur à créer de la professionnalisation, des richesses, des entreprises nouvelles et de l'innovation. Au risque de choquer, je souhaite affirmer d'entrée qu'il faudra un jour, et le plus tôt possible, abandonner le modèle qui consiste à envoyer tout le monde à l'université. En encombrant ainsi l'enseignement supérieur, on l'empêche d'atteindre l'excellence. Cessons d'embarquer les gens dans des situations où ils n'auront jamais de professionnalisation ni de capacité à créer de la richesse, alors que tous ont la capacité d'en créer là où ils sont compétents.
Je pense d'abord comme vous que la question de l'élévation du niveau culturel, de la lutte contre l'échec scolaire, de la professionnalisation de tous nos concitoyens - une professionnalisation ouverte et non close - est un des grands enjeux de notre modèle républicain. Celui-ci est un modèle émancipateur, pas simplement un modèle d'ordre.
Le deuxième sujet qui me paraît important, c'est la crise de l'État, avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), la mise en oeuvre d'une décentralisation pas toujours homogène, la reconfiguration de certains services publics. Ainsi, 90 % des Français considèrent que la politique du logement est un échec car elle est illisible et déresponsabilisante. L'État doit être organisé autour de missions lisibles pour le citoyen. Nous devons réorganiser nos administrations centrales et déconcentrées. Les services publics doivent eux aussi évoluer. Il faut lister les services publics en crise pour lesquels des changements organisationnels sont à mettre en oeuvre : les déserts médicaux, les urgences encombrées, etc.
On constate une crise de la planification, une crise des projets collectifs. La France a toujours fonctionné autour de grands défis collectifs, mis en oeuvre par l'État ou par les grandes entreprises, et qui fédéraient des énergies. Ces projets collectifs ont aujourd'hui disparu, et sont à recréer. Nous qui sommes en lien avec les collectivités locales, nous souffrons d'un État soit défaillant sur le terrain, soit à l'origine d'une réglementation étouffante.
Je voudrais aussi qu'on traite du civisme. Je suis une nostalgique du service national et je rêve d'un service civique à la suisse, effectué par périodes, par exemple tous les dix ans. Le service national était un moment de brassage, un moment où on écrivait un pacte implicite avec le jeune. Il défendait son pays, il participait de manière obligatoire à la chose collective et il avait en retour des droits et des devoirs. On pourrait réinventer des services civiques : accompagner les malades dans les hôpitaux, soutenir la Croix-Rouge pour faire de la prévention dans les stades, apprendre les gestes de premier secours, oeuvrer dans le domaine de l'environnement. Il faut redonner du sens au pacte qui unit l'individu à la République. Le civisme c'est bien sûr l'instruction civique, la transmission de valeurs, mais c'est aussi ce pacte implicite - avec la jeunesse, comme avec les adultes.
Paradoxalement, je suis plus démunie pour évoquer les sujets européens, bien que j'aie été députée européenne. Mon sentiment personnel est que si la France ne crée pas un choc politique avec ses partenaires européens, comme le général de Gaulle ou, à sa façon, Margaret Thatcher l'ont fait, nous n'arriverons pas à rééquilibrer l'Union européenne, aujourd'hui dominée par l'Allemagne et par la vision anglo-saxonne du libre-échange. Et cela sera difficile car nos alliés sont peu nombreux. L'Europe du Sud pourrait être de ceux-ci, mais elle n'a pas confiance en notre parole.
Sans ce nouveau pacte politique européen, le sentiment perdurera dans l'inconscient collectif des Français que l'intégration européenne, c'est l'abandon de leur modèle, alors qu'elle devrait être un compromis nouveau entre différents modèles européens. C'est ce pacte européen qui importe, et non la création d'une carte d'identité européenne quand nous sommes au sein de l'Union en situation de concurrence débridée.
Non, je pense qu'il faut mettre en place des garde-fous dans les institutions, notamment face au dumping social et fiscal qui mine l'idée européenne. Il faut aussi créer des grands projets collectifs européens, et résoudre les questions budgétaires pour les financer.
Je tiens à rappeler dans la réflexion que les outre-mers font partie de la France et de l'Europe. La question de notre présence en Europe est pour nous essentielle. Nous sommes dans une situation ambiguë, avec des avantages certes, mais beaucoup d'inconvénients. Ce sont les outre-mers qui permettent à l'Europe d'être présente partout dans le monde, d'être la seconde voire la première puissance maritime mondiale. À ce titre, dans toutes les réflexions sur l'Europe, on doit bien peser le pour et le contre pour ces territoires ultramarins. Le calendrier ne me permettra malheureusement pas d'être toujours présent aux réunions de notre atelier.
Vous pouvez, bien sûr, nous faire parvenir une contribution écrite que nous joindrons à notre réflexion.
Je vais axer l'essentiel de mon propos sur le projet européen. Je pense que l'esprit européen existe dans le subconscient de nos citoyens. En revanche, c'est la gestion de l'Europe qui ne leur plaît pas, et on peut le concevoir : elle est loin d'eux et elle n'a pas répondu à leur attente. Mais il est déjà fondamental que l'esprit européen existe et perdure. J'ai recensé quatre points fondamentaux sur lesquels nous devons être précis et exigeants.
D'abord la subsidiarité : le traité de Lisbonne l'a institutionnalisée, et nous avons nous-mêmes modifié la Constitution en conséquence en 2008. La commission des affaires européennes, dont j'ai été le président, y a toujours porté une grande attention. Les deux derniers cartons jaunes que nous avons adressés à la Commission européenne ne lui ont pas fait plaisir, mais ils témoignent du poids des parlements nationaux. Il faut montrer à nos concitoyens que les parlements nationaux les défendent quand c'est nécessaire.
Deuxième point, il est très important d'organiser des passerelles entre la Commission et les parlements nationaux. C'est une possibilité à laquelle on a peu recours en France. Quand la Commission a un projet de modification à l'adresse de tel ou tel pays, il est indispensable que le commissaire ou ses services viennent s'exprimer devant la représentation nationale. Sans cela, il n'y a pas de lien entre l'Europe et les parlements nationaux.
Troisième point, je suis un adepte des coopérations renforcées. C'est une coopération renforcée qui a permis de faire émerger le brevet communautaire. Deux États, l'Italie et l'Espagne, ne nous ont pas rejoints - ils viendront demain ou dans dix ans, peu importe. Mais il faut avancer sur des sujets très transversaux, tels que celui-ci.
Dernier point, les contrats de compétitivité auxquels l'Allemagne nous convie. Il s'agit d'incitations à avancer, en dehors du cadre financier pluriannuel. Nous avons tout à y gagner. Dans ce domaine, l'Espagne joue dans la même cour que l'Allemagne.
Je suis favorable à l'achèvement du marché intérieur, mais cela suppose qu'on corrige les dérives de la directive sur le détachement des travailleurs. Il faudra peut-être arrondir un peu, faute de moyens, le modèle social français. Mais sans procéder à une harmonisation par le bas.
Il est indispensable d'investir sur la formation, il faut aussi une Europe de l'énergie - les choix des bouquets énergétiques restent du domaine des nations mais un grand bloc ne peut avoir une industrie qui fonctionne avec une énergie chère. Nous avons besoin d'une énergie bon marché - ce qui ne veut pas dire qu'il faut la produire n'importe comment.
J'ai été rapporteur du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement. Le principe de précaution était un principe équilibré mais que nos concitoyens ont mal lu. Ils n'ont lu que l'article 5 de la Charte de l'environnement, et pas ses articles 7, 8 et 9. Il faut aujourd'hui créer un principe d'innovation, pour corriger la lecture que nos concitoyens ont eu, par facilité, du principe de précaution. Nous sommes dans la mondialisation et nous devons nous battre. L'effort de recherche et de développement, aujourd'hui à 2,2 % du Pib, doit passer à 3 %.
Concernant le service civique, rappelons-nous la phrase de Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Il faut remettre l'équilibre droits-devoirs au centre du jeu.
En ce qui concerne les services publics et les déserts médicaux, j'avais créé en collaboration avec Michel Mercier, alors ministre de l'aménagement du territoire, les maisons de service public. Elles rassemblent dans un même endroit, au chef-lieu du canton, une agence postale, les services de la Caf, des bornes de retrait SNCF, etc. Depuis, il n'y a plus de protestations sur l'absence de services publics. Nous n'avons plus les moyens des services publics à l'ancienne - c'est le moment de reconstruire selon un modèle nouveau.
Quel modèle social voulons-nous pour la France et pour l'Europe ? Se posent les questions de l'ascension sociale, des ruptures territoriales, dont les déserts médicaux ne sont qu'un aspect, entre ville et campagne et entre centre-ville et périphérie. Et par là même, les questions des spécialisations sociales ou ethniques par quartier, du communautarisme, qui constitue un vrai problème, et pas seulement en France.
Se pose aussi la question de savoir si on peut faire abstraction de la très violente compétition économique qui existe au sein des nations européennes via le dumping social, via l'utilisation de travailleurs sous-payés. Il faut se garder d'aboutir à une spécialisation par pays, avec l'industrie pour les uns et les services pour les autres.
Se posent également les questions démographiques : celle du vieillissement, celle de la nécessaire importation de main-d'oeuvre. Et la question de notre attitude à l'égard des pays du sud : quelle part de compétition, d'aide, de coopération ?
Les solutions ne seront pas toutes là demain. Le sujet est passionnant mais très vaste, et le délai de restitution qui nous est imparti est très court.
Je suis entièrement d'accord avec ce qui a été dit mais je situe la problématique qui nous est donnée à un autre niveau. La France a aujourd'hui un modèle républicain, mais je ne suis plus du tout certain que les Français le connaissent. Ce modèle a été bâti sur l'égalité entre tous ; or, on constate un sentiment grandissant d'inégalité, de discrimination, d'injustice sociale, ainsi qu'une perte de confiance des Français dans leurs institutions et leurs élus.
Comment faire entrer le rêve français dans l'inconscient des Français ? Comment communiquer avec nos propres concitoyens pour qu'ils apprennent à aimer leur pays ? La place de la France dans le monde va en reculant parce que de moins en moins de pays étrangers croient en la France. Le modèle social français a fait rêver à l'étranger, mais nous constatons de l'intérieur les difficultés à le maintenir.
Je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Marie-Noëlle Lienemann sur le service militaire suisse. Le Canada, lors des manifestations publiques, est porté par un élan qui fait aimer le pays à tous ses citoyens. Tous les Français, eux, estiment que leur pays va dans le mur. Nous devons changer cet esprit.
Je viens d'une île qui a su faire rêver sa population sur l'évolution de son statut. Et lors de la consultation, 95 % de la population était d'accord avec le choix proposé, parce que nous avions su faire rêver. C'est aussi valable pour l'Europe : de plus en plus de Français se demandent si les règles européennes ne sont pas trop contraignantes, si la France ne devrait pas prendre un peu de recul.
Concernant l'outre-mer, la France en a absolument besoin, pour son rayonnement dans le monde. Et c'est à l'outre-mer de définir sa place dans la République française et dans l'Europe. À Saint-Barthélemy, nous avons fait le choix de devenir pays et territoire d'outre-mer, tout en définissant les règles de notre association avec l'Europe.
Certaines régions du monde, telle la zone Caraïbe, s'organisent pour être prises en considération. Nous, territoires français d'outre-mer, avons un rôle fondamental à jouer dans l'Association des États de la Caraïbe pour y promouvoir le modèle français.
Le service national était extrêmement formateur. Concernant l'enseignement, il y a des choses nouvelles à faire, indépendamment de l'écriture des programmes. Sur le principe de précaution, je suis pour ma part un partisan de la politique du risque, et même de la deuxième chance. Ainsi aux États-Unis, quand quelqu'un prend le risque de monter une entreprise et échoue, il n'est pas rayé de la carte comme en Europe ; on lui donne une deuxième chance de réussir.
Il nous faut réécrire un récit français, probablement en partant de très loin dans nos racines, en nous appuyant sur des fondamentaux qui ont été un peu abîmés et en essayant de les projeter dans l'avenir.
Pour cela, il nous faut avoir le courage de voir les problèmes en face.
Je fais mien le plaidoyer de Marie-Noëlle Lienemann en faveur des services publics. L'essentiel n'est pas de savoir s'il faut s'appuyer sur un modèle ancien ou sur celui, nouveau, de Jean Bizet, mais de s'assurer que le service est rendu. Je rappelle souvent que les services publics sont le patrimoine de ceux qui n'en ont pas. Si la France a mieux absorbé la crise que certains autres pays, c'est en partie grâce à ce filet de sécurité qu'ils représentent.
L'important est que les gens ne se retrouvent pas seuls. Dans le passé, la solidarité entre les personnes s'appuyait sur la charité, la structure familiale. Ce système a été remplacé par une prise en charge collective afin que plus personne ne se retrouve dans la situation de devoir tendre la main. De nos jours, la paupérisation de l'Etat met ce modèle collectif en difficulté. Alors même que la durée de vie se prolonge, avec les conséquences que nous connaissons en matière de dépendance, de perte d'autonomie, il nous faut retrouver un équilibre entre le service que collectivement nous devons rendre et la responsabilité individuelle de chacun.
La question de la formation de la jeunesse est assurément importante, mais il faut aller au-delà. Nous ne sommes plus dans un système où une personne conserve le même métier tout au long de sa vie professionnelle. Il y a des ruptures, des changements, des virages et il faut aussi mettre l'accent sur la formation tout au long de la vie.
Dans les années 1960, à l'époque du préfet Paul Delouvrier, notre élite a su fédérer les énergies autour d'un grand projet collectif, de la création de grandes infrastructures. Aujourd'hui, cette élite donne l'impression de ne plus avoir de vision d'avenir. Notre système, fondé sur une école unique, un modèle unique, doit être remis en question. Nous devons donc nous interroger sur la définition de l'excellence. On n'est pas seulement excellent quand on sort de l'ENA à vingt-deux ans. On peut aussi être excellent quand on a fait un parcours par palier, quand on est un très bon plombier, un très bon charcutier. Je dis souvent : « Fais ce que tu veux, mais sois le meilleur ».
Je veux enfin parler de quelque chose qui fâche, du modèle républicain à l'épreuve du religieux et, en particulier, de l'islam. Si notre pays a su hier, parfois dans la douleur, absorber les populations issues des immigrations italienne, polonaise, la difficulté actuelle, à la suite de l'arrivée massive de nouveaux migrants, est plus profonde. Est-ce que, dans le passé, le corpus religieux commun a facilité l'intégration ? Est-ce en raison des miasmes coloniaux, toujours à l'oeuvre ? De la méconnaissance de ce qu'est l'islam ? Si nous n'abordons pas cette question, nous pouvons « aller dans le mur ».
L'exemple récent de la primaire organisée à Marseille me permet d'illustrer mon propos. J'ai toujours milité pour le primat de la citoyenneté sur l'identité. Les gens des quartiers sont allés voter. Ils étaient français, avaient une carte d'électeur. On les a renvoyés à leur identité, en considérant qu'ils avaient émis un vote communautariste. On a mis une suspicion sur leur citoyenneté. Si on peut s'affirmer comme laïc juif, laïc chrétien, sans problème, quand on se présente comme laïc musulman les réactions sont réservées. Cette suspicion est mortifère pour le modèle républicain. Il faut mener une réflexion sur la deuxième religion de France. Je voudrais revenir sur la proposition de Régis Debray de faire enseigner à l'école non la religion, les dogmes, mais le fait religieux, l'histoire des religions. Cette proposition n'a malheureusement pas été reprise.
Je suis farouchement laïque et sereinement musulmane. Je sais ce que l'islam a en commun avec le judaïsme et le christianisme. Mais je le sais parce que j'ai bénéficié d'une scolarité approfondie. Quand les enfants quittent l'école à seize ans, ils ne savent pas que l'islam n'est en rupture ni avec le judaïsme ni avec le christianisme, mais qu'il en est le continuum. Quand ils vont dans un musée et voient un tableau de la Renaissance, ils ne savent pas apprécier la portée du sacré. Je plaide pour l'enseignement du fait religieux, en sortant du dogme. Un poète arabe disait : « L'homme est l'ennemi de ce qu'il ignore. » Quand on ignore l'autre, on en a peur. La montée du populisme en France doit beaucoup à cette ignorance. Ce qui s'est passé à Marseille laissera des traces. Quand la citoyenneté d'une personne s'efface au profit de son identité, il ne faut pas s'étonner que les identités s'exacerbent. L'acceptation des musulmans en France sera le test de crédibilité de notre république laïque. On n'en prend pas le chemin.
La montée des populismes en France s'observe aussi dans toute l'Europe. Le fait que l'Europe fonctionne de cette manière fait que nous nous en éloignons de plus en plus. Les indicateurs monétaires, les équilibres budgétaires qui s'imposent à nous devraient être pondérés par des indicateurs sociaux. Ceux-ci ne sont pas obligatoires, même si le président Barroso vient de faire un pas dans cette direction.
Dans l'esprit du civisme, peut-être faudrait-il envisager la création d'un corps de la paix européen qui pourrait s'appuyer sur le volontariat des jeunes. Les jeunes sont intéressés par l'Europe. La devise du projet européen qui a été rejeté était « Unie dans la diversité ». Il faut que la France accepte sa diversité, qu'elle soit ultramarine, qu'elle vienne d'Afrique, parce qu'elle est constitutive d'une histoire commune. Si elle accepte cette histoire commune, il sera plus facile de se sentir européen et d'accepter cette unité dans la diversité européenne.
Je vous rejoins dans vos conclusions. Dans les années 1930, on disait déjà que la difficulté d'accepter les immigrés italiens tenait à la crise. Sait-on comment l'intégration se passe dans les autres pays ? Comment cela se passe-t-il avec les Turcs en Allemagne, les Pakistanais en Grande-Bretagne ? La situation française est-elle spécifique ? La commission des affaires européennes pourrait-elle nous éclairer sur ce sujet ?
Comment les choses se passeraient-elle en France si notre situation économique était meilleure ? On ne peut pas dissocier la manière dont les gens réagissent et ce que la société leur propose. Pourquoi la situation en Allemagne est-elle globalement moins tendue ? Parce que le modèle économique de ce pays propose de l'emploi et de l'intégration. On peut faire tous les discours possibles en matière d'intégration, mais si, à la fin, ils ne reposent pas sur la capacité de proposer un parcours professionnel, une vie qui peut se construire, ils sont voués à l'échec. L'explosion récente des pays du Maghreb s'explique par le même phénomène. La jeunesse se dit : « Je n'ai pas d'avenir, qu'est-ce que je fais ? »
Si le problème se résumait à la crise économique, alors les populations immigrées des années 1970-1980 se seraient intégrées.
Je me souviens avoir cotisé, il y a une trentaine d'années, pour la construction d'un lieu de prière musulman. Il n'y avait aucun problème à l'époque, car il y avait de l'activité. Le fait religieux islamique est assez récent.
Nous fêtons cette année le trentième anniversaire de ce que l'on a appelé « La marche des Beurs ». Elle portait une revendication républicaine d'égalité. Maintenant, nous sommes confrontés à des revendications cultuelles.
Les revendications des parents des jeunes marcheurs n'étaient pas identitaires ; ils n'étaient pas citoyens. Ils étaient considérés comme des sous-citoyens, analphabètes. Pourtant, ils sont arrivés avec une langue, une religion, des traditions. Et ils ont transmis leur culture. Aujourd'hui, les jeunes veulent une identité pleine et entière, c'est-à-dire un exercice plein de la citoyenneté, fait de droits et de devoirs. Ce désir de reconnaissance s'exerce alors que nous connaissons une période de crise. En réponse, on les renvoie à leur identité. Alors, pourquoi ne l'exerceraient-ils pas de manière radicale ?
À la fin de cette première réunion de notre atelier, devrons-nous déjà avoir dégagé des lignes de force ?
Cette réunion a pour objectif de déblayer le terrain. La prochaine fois, nous approfondirons et choisirons les thèmes qui nous paraissent les plus importants.
Je fais partie des gens qui pensent que quand on apprend la langue d'autrui, on apprend à connaître et à aimer le peuple qui la pratique. Quand on l'aime, on l'apprécie pour ce qu'il est et on l'accepte. Dans mon île de vingt kilomètres carrés, la pratique de l'anglais est indissociable de celle du français. Vingt nationalités cohabitent et je ne pense pas avoir entendu parler de racisme.
La nécessité de s'interroger sur le fait religieux est indiscutable. La France, en prônant l'égalité pour tous et l'intégration, a voulu un dispositif de mixité totale. Les étrangers qui viennent sur un territoire qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne pratiquent pas la langue se retrouvent éparpillés. Ils sont moins bien compris que si on leur laisse l'occasion de se retrouver entre eux et de continuer ainsi à promouvoir leur culture. Je vois comment sont construites les grandes villes américaines. Je vais dîner dans le quartier chinois, le quartier italien...
C'est une grande différence entre nos deux sociétés. Est-ce le bon modèle ?
Je ne le sais pas, mais je m'interroge. N'est-ce pas une des raisons du malaise français ? Dès lors que chacun peut se trouver dans sa communauté, les diverses communautés progressent ensemble. Le malaise pourrait être lié à une mixité imposée qui n'offre pas à chacun les moyens d'une expression propre.
Je vais de temps à autre en Amérique latine, notamment à São Paulo. On retrouve les quartiers que vous évoquez. La métropole est constituée de quartiers qui ressemblent à des villes d'Italie, du Japon, du Liban... mais il n'y a pas de quartier français. Notre modèle n'est pas le même.
Je voudrais enfin évoquer une phrase qui revient souvent dans nos débats en France : « N'oublions pas ces étrangers qui ont fait la France ». Je m'interroge sur l'absence de réciprocité. Pourquoi n'évoque-t-on pas aussi ce qui a fait de ces étrangers des Français ? On peut affirmer que ce sont les étrangers qui ont fait les États-Unis, mais la France a apporté aux gens de l'extérieur autant que les gens de l'extérieur lui ont apporté. La France a permis à des étrangers de devenir ce qu'ils sont aujourd'hui.
Le sentiment vis-à-vis de l'Europe est une autre question.
Modeste secrétaire de notre réunion, je dois dire que je n'aime pas les réunions qui se terminent sans avoir acté quatre ou cinq idées émergentes qui pourraient nous aider à progresser. La première idée est qu'il faut rêver un peu pour être imaginatif et donner du sens à la direction que nous voulons prendre.
Ensuite, nous nous sommes accordés sur la problématique de la formation, avec l'idée qu'il faut retrouver une certaine forme de responsabilité individuelle en même temps que collective. À force de remplacer la volonté individuelle par le collectif, on crée des gens qui ne se sentent plus responsables d'eux-mêmes. Il faut arriver à l'objectif de l'excellence pour tous dans tous les domaines de la vie. Et celle-ci ne se mesure pas à la seule réussite dans les grandes écoles.
En outre, tout cela ne peut s'organiser que dans la mesure où l'État demeure une structure essentielle, permettant à chacun de garder des repères, notamment au travers d'un service public de qualité.
Enfin, le civisme est une piste de réflexion que nous ne devrons pas écarter.
Je ne sais pas si nous devrons nous inspirer de la conception de la cité évoquée par notre collègue Michel Magras.
Je me suis borné à présenter une situation sans la reprendre à mon compte.
Il faut intégrer la réflexion de nos collègues d'outre-mer qui se veulent les avant-postes d'une France moderne et exemplaire.
Nous pourrons aussi reprendre des propositions de Jean Bizet sur le fait que l'esprit européen existe mais qu'il faut le faire vivre en composant un certain nombre de choses : l'innovation, les coopérations renforcées.
Je ne voudrais pas terminer sans rappeler la nécessité de créer un récit français qui soit commun à tous les gens qui se disent français.
Je vous rappelle que notre prochaine réunion aura lieu dans deux semaines.