Intervention de Francis Delattre

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 30 octobre 2013 : 1ère réunion
Groupe de travail « quelle france dans dix ans ? » — Première réunion de l'atelier consacré au modèle de croissance au modèle productif et au modèle social

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Nos forces comme nos faiblesses sont la conséquence d'un modèle qui est profondément à revoir. En France, nous avons le CAC 40, quatre banques systémiques dont les équipes dirigeantes se connaissent et sont aussi en contact avec celles des grands groupes. Ensemble, tous ces acteurs mènent leurs réflexions, voyant bien sûr les choses de Paris. L'Allemagne, elle, n'a pas de CAC 40 et ne dispose que d'une seule banque systémique, mais elle a, dans les Länder, des banques régionales, avec une direction et une vision régionales.

Je pense que chez nous, les décisions seraient mieux perçues si elles pouvaient être prises localement. Les Bretons accepteraient mieux ce qui vient du Parlement à Rennes que de Paris. Nous construisons un EPR au bout de la Normandie car la Bretagne n'en veut pas alors qu'elle a besoin d'énergie. C'est la preuve qu'il conviendrait de responsabiliser les politiques au niveau régional. Cela sera toutefois difficile avec des collectivités aussi fragmentées. Je milite donc pour huit ou neuf régions et seulement une quarantaine de départements.

Lors d'un récent voyage d'étude en Allemagne, nous avons pu observer que dans les Länder, l'organisation tant administrative qu'économique était décentralisée et favorisait un réseau de PME et PMI performantes. Cela manque à la France.

Comme nombre de pays européens l'ont déjà compris, l'avenir est au mix énergétique alors qu'en France, le débat tourne encore trop souvent autour du nucléaire, que l'on soit pour ou contre. Influencée par l'Allemagne, l'Europe centrale se propose de combiner l'énergie : le nucléaire, les énergies renouvelables et les différentes énergies fossiles. Il faudrait que les familles politiques françaises s'accordent sur une ligne directrice définissant notre mix énergétique. Ceci renvoie bien entendu à des prises de décisions sur le gaz de schiste ou sur la localisation des éoliennes.

Quant aux nouvelles technologies, elles posent aux États un problème de base fiscale. Si nous voulons maintenir des services publics, il faut que Google, Apple, Amazon pour ne citer qu'eux, paient des impôts. Notre modèle fiscal est manifestement mal adapté aux nouvelles technologies. La question se pose aussi de savoir si dans dix ans, nous serons capables de réassembler en France des produits de haute technologie. Ces activités ne se concentreront peut-être pas toujours en Asie. J'en veux pour preuve que même Apple a décidé de réinvestir dans certains États américains.

L'on entend souvent que la démographie est un atout pour la France et une difficulté pour l'Allemagne. C'est vrai mais attention, cette dernière est un train de reprendre une position économique dominante dans les pays d'Europe centrale et orientale. Certains dirigeants d'entreprises outre-Rhin considèrent même que la France fait aussi partie de ce grand marché intérieur allemand. Comment allons-nous tirer notre épingle du jeu ? À Bratislava, Volkswagen a racheté une ancienne usine qui produisait quinze voitures par jour ; la production s'établit désormais à mille huit cents véhicules, y compris le 4x4 Porsche. Les moteurs sont fabriqués en Hongrie, les boîtes de vitesses en République tchèque et le tout est assemblé en Slovaquie. On est à la limite de la concurrence déloyale.

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