Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 30 octobre 2013 : 1ère réunion
Groupe de travail « quelle france dans dix ans ? » — Première réunion de l'atelier consacré au projet républicain et à l'avenir de l'europe

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann, co-animatrice :

Je pense d'abord comme vous que la question de l'élévation du niveau culturel, de la lutte contre l'échec scolaire, de la professionnalisation de tous nos concitoyens - une professionnalisation ouverte et non close - est un des grands enjeux de notre modèle républicain. Celui-ci est un modèle émancipateur, pas simplement un modèle d'ordre.

Le deuxième sujet qui me paraît important, c'est la crise de l'État, avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), la mise en oeuvre d'une décentralisation pas toujours homogène, la reconfiguration de certains services publics. Ainsi, 90 % des Français considèrent que la politique du logement est un échec car elle est illisible et déresponsabilisante. L'État doit être organisé autour de missions lisibles pour le citoyen. Nous devons réorganiser nos administrations centrales et déconcentrées. Les services publics doivent eux aussi évoluer. Il faut lister les services publics en crise pour lesquels des changements organisationnels sont à mettre en oeuvre : les déserts médicaux, les urgences encombrées, etc.

On constate une crise de la planification, une crise des projets collectifs. La France a toujours fonctionné autour de grands défis collectifs, mis en oeuvre par l'État ou par les grandes entreprises, et qui fédéraient des énergies. Ces projets collectifs ont aujourd'hui disparu, et sont à recréer. Nous qui sommes en lien avec les collectivités locales, nous souffrons d'un État soit défaillant sur le terrain, soit à l'origine d'une réglementation étouffante.

Je voudrais aussi qu'on traite du civisme. Je suis une nostalgique du service national et je rêve d'un service civique à la suisse, effectué par périodes, par exemple tous les dix ans. Le service national était un moment de brassage, un moment où on écrivait un pacte implicite avec le jeune. Il défendait son pays, il participait de manière obligatoire à la chose collective et il avait en retour des droits et des devoirs. On pourrait réinventer des services civiques : accompagner les malades dans les hôpitaux, soutenir la Croix-Rouge pour faire de la prévention dans les stades, apprendre les gestes de premier secours, oeuvrer dans le domaine de l'environnement. Il faut redonner du sens au pacte qui unit l'individu à la République. Le civisme c'est bien sûr l'instruction civique, la transmission de valeurs, mais c'est aussi ce pacte implicite - avec la jeunesse, comme avec les adultes.

Paradoxalement, je suis plus démunie pour évoquer les sujets européens, bien que j'aie été députée européenne. Mon sentiment personnel est que si la France ne crée pas un choc politique avec ses partenaires européens, comme le général de Gaulle ou, à sa façon, Margaret Thatcher l'ont fait, nous n'arriverons pas à rééquilibrer l'Union européenne, aujourd'hui dominée par l'Allemagne et par la vision anglo-saxonne du libre-échange. Et cela sera difficile car nos alliés sont peu nombreux. L'Europe du Sud pourrait être de ceux-ci, mais elle n'a pas confiance en notre parole.

Sans ce nouveau pacte politique européen, le sentiment perdurera dans l'inconscient collectif des Français que l'intégration européenne, c'est l'abandon de leur modèle, alors qu'elle devrait être un compromis nouveau entre différents modèles européens. C'est ce pacte européen qui importe, et non la création d'une carte d'identité européenne quand nous sommes au sein de l'Union en situation de concurrence débridée.

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