Je vais axer l'essentiel de mon propos sur le projet européen. Je pense que l'esprit européen existe dans le subconscient de nos citoyens. En revanche, c'est la gestion de l'Europe qui ne leur plaît pas, et on peut le concevoir : elle est loin d'eux et elle n'a pas répondu à leur attente. Mais il est déjà fondamental que l'esprit européen existe et perdure. J'ai recensé quatre points fondamentaux sur lesquels nous devons être précis et exigeants.
D'abord la subsidiarité : le traité de Lisbonne l'a institutionnalisée, et nous avons nous-mêmes modifié la Constitution en conséquence en 2008. La commission des affaires européennes, dont j'ai été le président, y a toujours porté une grande attention. Les deux derniers cartons jaunes que nous avons adressés à la Commission européenne ne lui ont pas fait plaisir, mais ils témoignent du poids des parlements nationaux. Il faut montrer à nos concitoyens que les parlements nationaux les défendent quand c'est nécessaire.
Deuxième point, il est très important d'organiser des passerelles entre la Commission et les parlements nationaux. C'est une possibilité à laquelle on a peu recours en France. Quand la Commission a un projet de modification à l'adresse de tel ou tel pays, il est indispensable que le commissaire ou ses services viennent s'exprimer devant la représentation nationale. Sans cela, il n'y a pas de lien entre l'Europe et les parlements nationaux.
Troisième point, je suis un adepte des coopérations renforcées. C'est une coopération renforcée qui a permis de faire émerger le brevet communautaire. Deux États, l'Italie et l'Espagne, ne nous ont pas rejoints - ils viendront demain ou dans dix ans, peu importe. Mais il faut avancer sur des sujets très transversaux, tels que celui-ci.
Dernier point, les contrats de compétitivité auxquels l'Allemagne nous convie. Il s'agit d'incitations à avancer, en dehors du cadre financier pluriannuel. Nous avons tout à y gagner. Dans ce domaine, l'Espagne joue dans la même cour que l'Allemagne.
Je suis favorable à l'achèvement du marché intérieur, mais cela suppose qu'on corrige les dérives de la directive sur le détachement des travailleurs. Il faudra peut-être arrondir un peu, faute de moyens, le modèle social français. Mais sans procéder à une harmonisation par le bas.
Il est indispensable d'investir sur la formation, il faut aussi une Europe de l'énergie - les choix des bouquets énergétiques restent du domaine des nations mais un grand bloc ne peut avoir une industrie qui fonctionne avec une énergie chère. Nous avons besoin d'une énergie bon marché - ce qui ne veut pas dire qu'il faut la produire n'importe comment.
J'ai été rapporteur du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement. Le principe de précaution était un principe équilibré mais que nos concitoyens ont mal lu. Ils n'ont lu que l'article 5 de la Charte de l'environnement, et pas ses articles 7, 8 et 9. Il faut aujourd'hui créer un principe d'innovation, pour corriger la lecture que nos concitoyens ont eu, par facilité, du principe de précaution. Nous sommes dans la mondialisation et nous devons nous battre. L'effort de recherche et de développement, aujourd'hui à 2,2 % du Pib, doit passer à 3 %.
Concernant le service civique, rappelons-nous la phrase de Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Il faut remettre l'équilibre droits-devoirs au centre du jeu.
En ce qui concerne les services publics et les déserts médicaux, j'avais créé en collaboration avec Michel Mercier, alors ministre de l'aménagement du territoire, les maisons de service public. Elles rassemblent dans un même endroit, au chef-lieu du canton, une agence postale, les services de la Caf, des bornes de retrait SNCF, etc. Depuis, il n'y a plus de protestations sur l'absence de services publics. Nous n'avons plus les moyens des services publics à l'ancienne - c'est le moment de reconstruire selon un modèle nouveau.