Nous ne pouvons manquer d'être surpris que, pour les besoins de la démonstration, les auteurs de la motion n'hésitent pas à opérer une évidente confusion quant à la hiérarchie des normes.
Le Conseil d'Etat s'est certes prononcé, mais les référés portaient sur des circulaires. Le législateur est parfaitement en droit d'apporter des précisions sur un texte, quand bien même ces précisions iraient à l'encontre de décisions des juridictions se référant à des circulaires. Et même la position du Conseil d'Etat est circonstanciée, le législateur peut avoir une autre approche de la question.
Quant à la Cour de cassation, elle aura rarement été si souvent évoquée dans une enceinte législative. Que l'on évoque le Conseil constitutionnel, que l'on se réfère en permanence à ses décisions ou à celles de la Cour européenne des droits de l'homme, cela est certainement nécessaire, car elles doivent guider notre action, mais la Cour de cassation, quant à elle, et je le dis avec tout le respect que le législateur lui doit, n'a ici rendu qu'un avis.
Dans cet avis, la Cour de cassation est claire et nette, je le concède. L'avis du rapporteur de la Cour, qui a également été publié, était pourtant beaucoup moins précis. Le rapporteur, M. Lemoine, lui-même magistrat de la Cour de cassation, concluait dans un sens contraire de celui qui a été finalement retenu par la Cour. Vous en conviendrez, les choses ne sont donc pas si tranchées que vous le dites.
Au surplus, la Cour de cassation ne s'est prononcée que par rapport à la législation existante, et elle a mis en évidence les incertitudes dont elle était la source. Sans l'écrire bien sûr, la Cour appelait presque le législateur à clarifier la situation. D'ailleurs, en vertu de la hiérarchie des normes, le législateur peut décider d'une disposition que la Cour de cassation n'aurait pas elle-même imaginé.
M. Béteille, comme moi-même, pensait à ces problèmes depuis plusieurs mois : nous n'avons pas découvert cette situation il y a quinze jours ou trois semaines, comme vous semblez l'imaginer, monsieur Sueur. Je ne puis parler à la place de M. Béteille, mais ce n'est certainement pas l'inspiration d'une nuit qui l'a conduit à produire ce texte !
Nous avions des discussions à ce sujet depuis plusieurs mois, nous en avions également avec vous. Nous avions acquis la conviction d'être dans l'obligation d'apporter cette précision, si nous voulions que la CRPC perdure.
Certes, étant donné que vous refusez la CRPC, nous comprenons votre logique, monsieur Sueur.