Intervention de Philippe Adnot

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion

Photo de Philippe AdnotPhilippe Adnot, co-animateur :

Je vais illustrer mon propos par un exemple. Tout le monde est d'accord avec l'affirmation suivante : l'enseignement supérieur et la formation permettront de reconquérir des parts de marché et de garantir une plus grande professionnalisation et une meilleure innovation. Mais une fois que l'on a dit cela, on n'a rien dit. En effet, la question que l'on doit se poser est de savoir si cela a une chance de succès, comment on y arrive, quels moyens doivent être mis en oeuvre. Imaginons que toute la première partie de la scolarité se soit bien passée. À la sortie du lycée, soit l'élève est orienté vers un BTS ou un IUT, et il est alors confronté à la sélection, soit il n'est pas admis et il intègre l'université. À mon sens, l'université compte au moins 20 % d'étudiants, si ce n'est plus car le chiffre varie d'une université à l'autre, inscrits uniquement pour obtenir le statut social qui y est attaché, et non pour étudier. Cela n'est pas sans conséquence sur les finances des universités, lesquelles n'ont alors pas les moyens d'avoir un recrutement de qualité et de tirer vers le haut l'ensemble des étudiants, enseignants et chercheurs pour tenir notre rang et atteindre l'objectif énoncé précédemment. Selon moi, dans les dix ans à venir, il faut que soit mise en place une approche professionnelle de l'orientation, c'est-à-dire l'instauration d'un temps long d'orientation entre le lycée et l'université. Aujourd'hui, l'orientation se résume à quelques rencontres anodines. Il importe d'inventer une approche professionnelle de l'orientation, et ensuite de faire en sorte qu'il y ait une sélection, afin que chacun aille vers le lieu où son talent peut s'exprimer. Aujourd'hui, on ne peut plus accepter de continuer à avoir une quantité non négligeable d'étudiants inscrits uniquement pour le statut social et les avantages qui en découlent comme les bourses. Alors que nous allons examiner prochainement le budget de l'enseignement supérieur, nous savons que les bourses sont insuffisamment liées à des critères qualitatifs. De nombreuses personnes en perçoivent indûment : elles ne devraient pas être inscrites à l'université car elles n'auront jamais l'ambition d'obtenir un diplôme universitaire. Tels sont pour moi les deux grands enjeux en matière d'enseignement supérieur. D'une part, créer l'occasion d'une orientation professionnalisée sur une durée d'au moins six mois ; d'autre part, mettre en place une sélection généralisée à l'entrée de l'enseignement supérieur, ce qui nous permettrait d'avoir de l'excellence partout, quels que soient les métiers. En effet, l'excellence doit être l'objectif non pas seulement à l'université, mais à tous les autres niveaux de formation. Cela nous permettra de mieux utiliser l'argent public, d'être efficaces et de payer des enseignants de niveau international. Aujourd'hui, nous avons organisé la massification de l'enseignement supérieur en croyant que cela nous rendra compétitifs sur le plan international. Mais les autres pays n'ont pas recours à cette massification pour atteindre l'excellence. Les établissements les plus reconnus comptent 10 000 ou 15 0000 étudiants, tout au plus, et pas 80 000. Voilà, selon moi, les conditions à remplir pour atteindre notre objectif d'une meilleure professionnalisation.

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