Ce que je voulais illustrer, c'est la très faible culture participative de la France. J'en reviens à ce que je disais précédemment, notre pays se caractérise par une logique d'organisation électorale, un fonctionnement et une sur-administration qui font que l'on pense que les choses sont gérées sans nous. Sur la citoyenneté européenne, il s'agit plutôt d'une non-citoyenneté. En effet, on est citoyen européen parce que l'on a la citoyenneté nationale d'un pays membre. Nous n'avons d'ailleurs pas les mêmes bases communes sur ce qu'est la citoyenneté. Par exemple, en Autriche, le droit de vote est fixé à seize ans, dans les autres pays, à dix-huit ans. Ce qui est dramatique, c'est que pour avoir une conscience européenne, l'un des éléments est la biculture, la binationalité : quand on est franco-italien ou anglo-allemand, le fait d'avoir cette double culture permet de penser le dépassement de l'État-nation. Mais avec la citoyenneté européenne, on a exclu la double citoyenneté à l'intérieur de l'Union. Certes, vous avez le droit de voter aux élections municipales et européennes, avec d'ailleurs des difficultés d'accès et d'inscription sur les listes, mais l'on reviendra sur ce sujet avec la proposition de loi qui sera examinée en décembre : si vous êtes franco-canadien, vous pouvez voter aux élections législatives ou présidentielles des deux pays ; mais si vous êtes citoyen européen, avec une double nationalité d'origine de deux pays membres de l'Union européenne, vous n'avez plus cette possibilité ! Or, ces citoyens devraient être des ambassadeurs, des représentants d'une culture de mobilité, qui est beaucoup plus faible au sein de l'Europe pour des raisons linguistiques et historiques. Une partie de la population migre de manière intra-européenne : elle pourrait être un élément moteur de l'intégration, y compris des autres intégrations. La citoyenneté européenne est une citoyenneté largement dévaluée, qui n'est pas prise en compte. Par exemple, le Parlement européen attribue tous les ans le prix Sakharov du citoyen, de la citoyenne ou du groupe qui défend les droits de l'homme, une valeur chère à l'Europe. Or le Parlement européen n'a pas la possibilité d'offrir techniquement une citoyenneté d'honneur.