Il convient, alors que notre justice pénale est confrontée à un tournant décisif face à la tentation anglo-saxonne, de s'interroger sur le sens que nous voulons lui donner.
Lui donner le rôle de sanction automatique pour répondre à l'inflation législative en matière pénale serait singulièrement léger !
Cette inflation législative masque un grave problème. On essaie, en ayant recours à la multiplication des infractions, de répondre aux insuffisances de la politique économique et sociale par la criminalisation de certains comportements qui n'étaient pas punissables auparavant.
En réalité, la réponse pénale est bien souvent inadaptée aux problèmes qu'elle est censée résoudre. On crée des infractions afin de justifier la répression.
Avec le plaider coupable, c'est un maximum d'infractions que l'on veut désormais voir réprimées le plus rapidement possible, quels que soient les moyens employés pour y parvenir.
On tente de la faire passer pour une procédure de traitement rapide de la petite délinquance. Mais n'oublions pas qu'elle peut aussi concerner des personnes accusées d'avoir commis des délits pour lesquels la peine encourue va jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. A ce niveau, on ne peut plus parler de traitement limité à la petite délinquance, mais bien d'un changement profond dans la réponse apportée à un nombre croissant de délits qui faisaient jusque-là l'objet d'une procédure pénale de droit commun.
En raison des nombreux dangers de la procédure du plaider coupable pour les justiciables et parce que nous sommes attachés à la préservation d'un modèle pénal offrant toutes les garanties définies par le droit à un procès équitable, nous ne pouvons accepter qu'une telle procédure devienne, sinon la règle, du moins un modèle pour notre justice pénale à venir.
Nous ne pouvons que rejeter la proposition de loi qui nous est soumise, non seulement parce que nous sommes contre cette procédure pénale, mais aussi parce que vous prétendez l'imposer par une pirouette législative.
En effet, vous savez bien que, sur le fond, elle fait l'objet de critiques de la part des professionnels et, plus généralement, de la part de citoyens qui se soucient des droits de la défense et tout simplement des droits de la personne.
Sur la forme, c'est une proposition de loi qui émane en fait du Gouvernement. D'ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous êtes venu la défendre en commission des lois comme s'il s'agissait d'un projet du Gouvernement.
Nous demandons donc le rejet de cette proposition et un réexamen au fond de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.