Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 23 juin 2005 à 15h00
Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Demande de renvoi à la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce matin, Robert Badinter a soulevé toutes les interrogations juridiques et, à l'instant, Jean-Pierre Sueur relevait les nombreuses incertitudes constitutionnelles qui, à elles seules, suffiraient à justifier notre demande de renvoi en commission de la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille, laquelle mérite en effet, à nos yeux, un examen moins expéditif compte tenu de ses implications.

Les raisons d'un renvoi en commission ne sont pas seulement d'ordre juridique, au sens technique du terme. Il est d'autres raisons, d'un ordre différent, mais tout aussi fondamental, qu'il s'agisse de la méthode employée pour obtenir son « enregistrement » - c'est le terme qui me paraît convenir - par le Sénat ou des présupposés de son contenu, car, bien que très court, ce texte pose plus de questions qu'il n'est censé en résoudre.

J'évoquerai d'abord la méthode.

Une mission d'information sénatoriale sur les procédures accélérées de jugement a été constituée il y a quelques mois. Présidée par Laurent Béteille, elle a pour rapporteur François Zocchetto, respectivement auteur et rapporteur de la présente proposition.

Membre de ladite mission, j'avais cru comprendre - visiblement, je me suis trompé ! - que l'objet de celle-ci était d'examiner l'application sur le terrain d'un ensemble de procédures pour la plupart relativement nouvelles, voire atypiques, sui generis a-t-on dit à plusieurs reprises tout à l'heure, s'agissant de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, afin d'en tirer des enseignements et éventuellement des propositions législatives d'amélioration.

La mission n'a pas encore rendu ses conclusions et voilà que tombe du ciel, pour un examen séance tenante, de toute urgence, une proposition de loi de Laurent Béteille, rapportée par François Zocchetto, visant à contourner rien de moins qu'un avis de la Cour de cassation et une ordonnance du Conseil d'Etat relatifs à la plus controversée des procédures « turbo » : la CRPC.

Pourquoi donc traiter en priorité et de manière aussi cavalière une question controversée - les saisines du Syndicat des avocats de France et du tribunal de grande instance de Nanterre le montrent bien - et qui ne concerne actuellement qu'un volume restreint de procédures - quelque 8 000 depuis l'entrée en vigueur de la loi, avec, semble-t-il, une stabilisation, selon le rapport Warsmann, 10 000 selon notre rapporteur - à travers un texte sur lequel il faudra très probablement revenir à l'usage ?

En effet, la façade de satisfaction - 84 % d'homologations et plus de 90 % si l'on tient compte des refus pour absence des intéressés à l'audience, nombre restreint des appels, satisfaction manifeste des procureurs -, masque les interrogations des avocats et des juges, placés à leur corps défendant devant le dilemme du tout ou rien : valider un accord qui a pris du temps à l'institution et aux avocats, même s'ils ne sont pas complètement d'accord, ou refuser de le faire, avec retour à la case départ pour tout le monde.

Pourquoi, sur un tel sujet, ne pas se donner le temps de la réflexion ? J'avoue ma perplexité !

D'autant que, à en croire le rapport Warsmann, le principal problème auquel est confronté l'appareil judiciaire est plus l'exécution des peines que l'augmentation de leur nombre. Par exemple, le taux moyen de recouvrement des amendes correctionnelles est de 18 %, et de 7 % en Seine-Saint-Denis : cela devrait faire naître quelques interrogations ! Mais il est vrai qu'il est plus facile et moins coûteux de faire une loi que de régler ce genre de détails.

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