Notre débat d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre du chantier de la justice du XXIe siècle que vous avez lancé il y a plusieurs mois, madame la garde des sceaux. La question n’est pourtant pas nouvelle, comme en témoignent le rapport Guinchard, le rapport Casorla et d’autres. Je pourrais d’ailleurs résumer la situation en disant que nous avons besoin de magistrats et de greffiers. Si nous les avions, je ne dis pas que tous les problèmes seraient réglés, mais ce serait un progrès considérable compte tenu de l’état de la justice dans notre pays.
Des nombreux rapports rédigés, il ressort que la justice de première instance est complexe et peu lisible pour le justiciable. Outre le tribunal de grande instance, on peut dénombrer plus d’une vingtaine de juridictions : des tribunaux d’instance aux tribunaux de commerce, en passant par les conseils de prud’hommes ou les juridictions échevinales comme le tribunal paritaire des baux ruraux, le tribunal des affaires de sécurité sociale et bien d’autres.
Comme l’ont fait remarquer nos excellents rapporteurs, à la question du ressort de ces juridictions, qui diffère selon la juridiction concernée, s’ajoute l’absence de correspondance entre un type de juridiction et le contentieux pour lequel elle est compétente ainsi que la nature de la procédure suivie en cette matière. Les impératifs constitutionnels de sécurité juridique et d’accès effectif au juge sont au cœur de cette question.
La création des tribunaux de première instance – cela rappelle l’excellent temps de la IIIe République ; je ne peux que vous inciter à revenir aux sources et aux fondements de la République – résulterait de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance au siège actuel de chaque tribunal de grande instance, comme le préconisent le rapport Marshall et le rapport Détraigne-Klès. Ce tribunal de première instance permettrait de constituer une porte d’entrée unique pour la justice et de simplifier les démarches du justiciable, qui n’aurait à s’adresser qu’à un seul greffe. Ce greffe se chargerait ensuite de transmettre administrativement la demande à la juridiction compétente. Cela représenterait une avancée pour les justiciables. À ce titre, il devrait également être possible d’examiner l’idée de la création d’une juridiction de sécurité sociale unique.
Cette réforme, qui est attendue et qui correspond à un souci assez partagé sur les différentes travées de notre assemblée, dans la droite ligne du choc de compétences, formule que je préfère à « choc de simplification », ne doit pas conduire à une diminution des moyens de la justice, après la réforme de la carte judiciaire dont les dégâts se font encore sentir. Vous avez certes fait un pas considérable en rétablissant le tribunal de grande instance de Tulle, mais ce n’est pas suffisant.