Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la justice constitue l’un des piliers de la démocratie, une attention toute particulière doit donc être portée à son fonctionnement. En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que lui soient attribués les moyens nécessaires pour assurer sa qualité et son indépendance.
Par ailleurs, l’accès à la justice doit être facilité et doit constituer, dans un pays démocratique, le moyen ordinaire de résolution des conflits. Pour le citoyen de base, la justice est un monde souvent étranger qui ne fait pas partie de ses préoccupations quotidiennes, sauf si un événement exceptionnel survient, qui l’amène soit à subir une sanction pénale, soit à régler un conflit privé.
Lorsque l’on aborde la question de la justice, il me semble nécessaire de distinguer ce qui relève de la justice pénale et ce qui relève des conflits privés. Ce débat nous invite à nous interroger sur le volet privé.
Je souhaite saluer le travail accompli par mes collègues Yves Détraigne et Virginie Klès depuis notre débat en séance publique sur la réforme de la carte judiciaire, en octobre 2012. En effet, leur rapport d’information, intitulé Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance et publié il y a quelques mois, permet aux idées de réformes de progresser dans le bon sens, celui d’une justice de première instance plus simple et plus accessible.
Ce débat nous invite à nous interroger sur les grands principes régissant la justice de première instance et, ainsi, sur la justice dont ont besoin nos territoires. Je développerai donc trois points : l’organisation de la justice de première instance, les conditions qui permettraient de faciliter l’accès à cette justice et, enfin, la nécessité de faire entrer cette justice dans l’ère du numérique.
En premier lieu, je souscris entièrement aux conclusions du rapport relatives à la nécessité de créer un tribunal de première instance dans l’objectif d’une meilleure gestion des juridictions. Le code de l’organisation judiciaire recense presque une vingtaine de juridictions d’attribution. L’idée de la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance en un tribunal de première instance est, à mon sens, une nécessité. En effet, ce tribunal de première instance apporterait davantage de lisibilité et de simplicité pour le justiciable, en lui évitant de se pencher sur la problématique des exceptions d’incompétence liées à la répartition des contentieux. Il permettrait également une meilleure répartition des moyens et une meilleure organisation des audiences. Surtout, il permettrait de retrouver, par le biais des chambres délocalisées, un contentieux de proximité et des moyens d’adaptabilité pour répondre aux besoins des populations.
Dans mon département de Lot-et-Garonne, madame la garde des sceaux, vous avez mis en place une chambre délocalisée du tribunal de grande instance d’Agen pour pallier la suppression du tribunal de grande instance de Marmande. Cette chambre sera opérationnelle en septembre prochain. Cette innovation peut constituer un exemple à suivre dans la perspective d’une réforme.
Je suis également d’accord pour conserver la spécificité du conseil de prud’hommes et des tribunaux de commerce, qui, de longue date, ont fait leurs preuves et concernent des contentieux facilement identifiables associant des partenaires sociaux et des professionnels. Je précise que les tribunaux de commerce fonctionnent dans des conditions financières exceptionnellement peu coûteuses, puisque les fonctions de juge sont bénévoles.
On peut aussi espérer de ce tribunal de première instance une proximité adaptée au volume des contentieux, à leur spécificité et à leur répartition sur le territoire. L’organisation de chambres spécialisées permettra la qualification des magistrats et des greffiers et l’adaptation à l’évolution des contentieux. En effet, je pense qu’il faut éviter de créer des tribunaux spécialisés qui complexifient la procédure et désorientent le justiciable. À ce titre, je me félicite d’une mesure que j’ai défendue avec conviction, adoptée lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, qui permettra à l’ensemble des tribunaux de grande instance de traiter de l’action de groupe, au lieu de réserver ce type de contentieux à huit TGI spécialisés seulement, comme le prévoyait le texte initial du projet de loi.
Il convient enfin de souligner qu’une juridiction de première instance fonctionne avec des partenaires de justice. Le président du tribunal pourra veiller à l’organisation de ces partenariats, qui se feront à l’échelle de son territoire et qui assureront ainsi un accès et une liaison plus humains pour les justiciables.
La création d’un tribunal de première instance pose, dès lors, d’autres questions, notamment celle de la représentation du justiciable devant cette juridiction. Comme vous avez pu le dire, madame la garde des sceaux, « il faut que le citoyen puisse s’approprier son litige et participer à sa résolution. Il faut le rendre capable, lui donner des éléments pour l’éclairer sur les chances d’aboutissement de son affaire, sur les coûts ou encore sur les délais ». Veillons cependant à ne pas laisser croire au justiciable qu’il peut se défendre seul ! Ce serait un leurre, car l’organisation judiciaire est complexe et nécessite un accompagnement par des professionnels de l’accès au droit.