Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 25 février 2014 à 14h30
Débat sur la justice de première instance

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Le rapport n’aborde pas ces questions, pourtant essentielles : dans quelles formes le tribunal va-t-il être saisi ? Et par qui ? La réponse à ces deux questions va déterminer le travail du greffe et la qualité de la décision du juge, qui dépendra de la bonne instruction du dossier.

À l’heure actuelle, le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance permettent soit un accès direct, soit la représentation obligatoire par avocat, c’est-à-dire la postulation. Quelle solution faudra-t-il adopter pour le TPI ?

Selon moi, créer un TPI, c’est aussi dire que les justiciables seront représentés par un avocat qui offrira une compétence et des garanties de déontologie et d’assurance mises au service du justiciable. L’avocat aura pour mission, avec le justiciable, de définir l’objet du litige, de déterminer la demande, d’en préciser le fondement juridique et d’apporter contradictoirement les preuves la justifiant. Grâce à ce conseil en amont, à cette compétence, le justiciable aura accès à divers modes de résolution des litiges et, s’ils échouent, le tribunal pourra être saisi dans des conditions de nature à engager une procédure construite, dans laquelle le magistrat pourra se concentrer sur la solution juridique à apporter au litige.

Envisager un accès direct du justiciable au juge est une mauvaise idée, car le justiciable n’a ni les compétences ni les moyens de soutenir utilement sa demande. Cette méconnaissance entraîne de lourdes charges pour les greffes et les magistrats, qui sont contraints de suppléer cette carence.

L’idée serait donc d’organiser les TPI autour de chacun des barreaux qui accompagnent habituellement les TGI. Cette organisation territoriale permettrait d’apporter au magistrat la certitude d’un dossier bien constitué et au justiciable la compétence et la garantie d’un professionnel.

Enfin, j’émets le souhait de voir ouvrir l’assemblée générale du TPI aux avocats pour favoriser l’organisation et la localisation des chambres spécialisées. Jusqu’à présent, les assemblées générales des TGI et des cours d’appel sont réservées aux seuls magistrats et greffiers et n’ont jamais été ouvertes aux justiciables, qui pourraient facilement être représentés par les avocats. Or cette ouverture s’impose, selon moi, pour permettre une meilleure organisation des juridictions.

Un dernier aspect de cette accessibilité relève, bien entendu, de l’organisation des greffes. L’idée d’un guichet universel de greffe paraît une évidence à l’heure du numérique. Le constat actuel est que la France a pris un retard considérable sur ce terrain. Le ministère de la justice et les autres acteurs sont partis en ordre dispersé.

Les expériences vécues sont pour le moment assez malheureuses, à l’image du RPVA, le réseau privé virtuel des avocats, mis en place laborieusement par les barreaux. Dans ce système, une collaboration étroite doit être envisagée entre les avocats et le ministère de la justice, et il est impensable qu’il en reste au stade de simple information accessible au justiciable. Il faudra en outre établir rapidement un système sécurisé, adapté à la procédure, qui est la base d’une bonne justice, avec la mise en forme de l’argumentation juridique, un échange contradictoire des moyens et des preuves et une instruction sous le contrôle des juges.

Pour conclure, je pense que la justice civile, à la différence de la justice pénale, doit continuer à relever de l’initiative des justiciables. Le juge doit seulement intervenir pour apporter une solution juridique au conflit, il n’a pas vocation à suppléer la carence des parties.

Le TPI me semble un bon outil pour apporter cet équilibre nécessaire entre les partenaires de justice, les magistrats et les greffes, dans un objectif de qualité. Il ne faudra jamais attendre des sondages un satisfecit des justiciables qui s’exposent aux foudres de la justice. Gardons cependant comme objectifs communs l’indépendance du juge et la qualité de ses décisions, seuls moyens de garder ou de rétablir la confiance des citoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion