Je commencerai par vous rappeler les raisons pour lesquelles cette réforme judiciaire est engagée et les motivations profondes qui en sont à l’origine. Globalement, dans notre pays, l’organisation judiciaire remonte à 1958. C’est en effet sur l’initiative de Michel Debré qu’ont été supprimés les juges de paix et créés les tribunaux de grande instance, les tribunaux d’instance, les juges de l’application des peines, le Centre national d’études judiciaires, lequel est devenu en 1970 l’École nationale de la magistrature.
Depuis lors, des évolutions ont eu lieu. Des gardes des sceaux d’envergure ont apporté des modifications d’importance dans notre organisation judiciaire. Ce fut le cas de Robert Badinter, qui a introduit la possibilité pour les justiciables de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, supprimé les juridictions d’exception, notamment la Cour de sûreté de l’État, instauré le travail d’intérêt général, qui a eu, vous le savez, un effet important sur les décisions de justice. Ce fut également le cas d’Henri Nallet, qui a mis en place la politique publique de l’aide juridictionnelle. Ce fut encore le cas d’Élisabeth Guigou, qui a élaboré la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, créant notamment le juge des libertés et de la détention.
Ces modifications ont considérablement consolidé notre organisation judiciaire. D’autres sont également intervenues. Ainsi, certains tribunaux de grande instance ont été créés, d’autres supprimés. Il en est de même des tribunaux d’instance et des conseils de prud’hommes. Enfin, les greffes, qui étaient auparavant des charges privées, ont été fonctionnarisés en 1965.
Pour autant, notre organisation judiciaire manque d’une vision globale. Elle est aujourd'hui nécessaire. En effet, la société a changé : le droit est devenu plus complexe, la demande des justiciables s’est fortement diversifiée, les justiciables eux-mêmes ont changé leur rapport à la justice – ils sont plus informés, plus exigeants –, de nouveaux contentieux existent. J’ai entendu tout à l’heure que la loi ALUR créerait de nouveaux contentieux. Monsieur Hyest, il s’agit plutôt d’apporter des réponses et d’élaborer des procédures pour des contentieux qui existent et qui ne sont pas traités. Ainsi, si la loi relative à la consommation introduit la possibilité de répondre à des préjudices sériels, c’est bien parce que le préjudice et le contentieux existaient, mais qu’aucune réponse satisfaisante n’avait encore été trouvée. Aux réponses éclatées à des initiatives individuelles se substituera désormais une réponse collective, structurée et plus rapide, ce qui constitue une amélioration du service de la justice.