Je vous répondrai sur ce point, et je me délecterai même à décrire un certain nombre de moyens mis en place depuis une vingtaine de mois.
Il est nécessaire de penser l’organisation judiciaire de façon cohérente, sous la pression des contraintes que je viens d’énoncer et que renforcent un certain nombre d’initiatives récentes. Je pense notamment à la décision heureuse que vous avez prise ici même au mois de décembre 2012, mesdames, messieurs les sénateurs, de reporter de deux ans la suppression des juridictions de proximité, qui était prévue au 1er janvier 2013, sur la base du rapport Guinchard du mois de décembre 2011. Comme je l’ai souvent rappelé à cette tribune, un certain nombre de mesures d’accompagnement de cette suppression de juridictions de proximité, indispensables et prévisibles, n’avaient pas été prises. Je pense au décret en Conseil d’État qui n’a même pas été rédigé, au recrutement de magistrats qui était nécessaire, à la formation des juges de proximité, puisqu’ils devaient être rattachés aux tribunaux de grande instance.
Votre initiative a donc été incontestablement heureuse. Il n’en demeure pas moins, puisque vous l’avez souligné, monsieur Hyest, qu’il n’est pas question de supprimer les juges de proximité : leur utilité est reconnue par les justiciables et par les professionnels de justice. Reste qu’il nous faut réfléchir aux missions que nous allons leur confier, à la façon dont ils interviendront dans les tribunaux de grande instance. Tout cela participe de cette réflexion globale sur le tribunal de première instance que vous avez menée dans votre rapport avec un pragmatisme indéniable, madame, monsieur les rapporteurs. Ainsi, vous avez très clairement énoncé la conception idéale du tribunal de première instance, tout en tenant compte des réticences et des difficultés pratiques ; en conséquence, vous avez proposé une mise en œuvre progressive, ce qui me paraît tout à fait raisonnable.
Il nous faut tenir compte de l’impact de ces dispositions. C’est pourquoi nous devons continuer à réfléchir à la fermeture des juridictions de première instance qui a été programmée, puis différée au 1er janvier 2015. La maintenons-nous ? Pour ma part, cela me paraît souhaitable. J’entends les arguments en faveur d’une prolongation du report, mais je n’ai pas souhaité que, comme cela m’a été suggéré, cela figure dans le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures en cours de navette parlementaire. Nous avons un peu de temps pour poursuivre la réflexion afin de prendre la meilleure décision possible.
Pour penser l’organisation judiciaire, d’autres éléments de « pression » existent. Je pense à la collégialité de l’instruction, élaborée par la loi du 5 mars 2007, votée à l’unanimité, qui prévoit la suppression de 74 infrapôles. Cette mesure a un effet immédiat et direct sur l’organisation judiciaire. L’application de cette loi a été reportée à plusieurs reprises déjà, parce qu’elle demandait elle aussi le recrutement de 314 magistrats, selon nos estimations.
L’été dernier, j’ai présenté en conseil des ministres un projet de loi relatif à la collégialité de l’instruction, qui n’a malheureusement pas trouvé place dans le calendrier parlementaire. Voyant la fin de l’année arriver et ne souhaitant pas un report de l’application de ce texte prévue au mois de janvier 2014 – ce que je considère du plus mauvais effet –, j’ai pris sur moi de demander l’introduction dans le projet de loi de finances pour 2014 d’un amendement tendant à reporter d’un an encore l’application de la loi du 5 mars 2007. Je rappelle d’ailleurs que, avant cette loi du 5 mars 2007, deux textes sur la collégialité de l’instruction avaient été adoptés, qui avaient dû être abrogés avant leur application, parce que les mesures d’accompagnement et les moyens nécessaires à leur entrée en vigueur manquaient.
Je veux croire que, d’ici à la fin de l’année, ce débat se tiendra à l’Assemblée nationale et au Sénat, et que le texte de loi relatif à la collégialité de l’instruction pourra ainsi être mis en œuvre.
S’y ajoutent d’autres effets liés à la demande de spécialisation, qu’a évoquée M. André Reichardt. Nous le savons, cette requête est exprimée au titre des accidents collectifs et des procédures militaires.