Concernant l’aide juridictionnelle, nous avons, vous l’avez dit, supprimé la taxe de trente-cinq euros. Il s’agissait d’une mesure impérative de justice sociale : il fallait lever cette entrave à l’accès au juge pour les personnes disposant de revenus modestes. Le plafond de ressources est en effet fixé non pas à 1 500 euros, mais à 929 euros, soit un peu en dessous du seuil de pauvreté. Comme il nous fallait prendre cette décision, nous avons abondé le budget de la justice de 60 millions d’euros pour compenser ses conséquences.
Le sujet de l’aide juridictionnelle est toutefois plus vaste et plus complexe, vous avez eu raison de le souligner. Nous disposons de dix ans de rapports sur ce thème. En 2006, un rapport du Sénat évoquait d’ailleurs la nécessité de « réformer un système à bout de souffle ». Nous le savons tous, l’aide juridictionnelle est structurellement affaiblie et défaillante. Nous devons répondre à cette situation non pas en attendant la reconduction annuelle du budget de la justice, mais bien en identifiant des ressources nouvelles, de façon à construire une grande politique nationale de solidarité.
Comme vous le rappeliez, monsieur Hyest, la possibilité de l’assistance d’un avocat pour les personnes entendues en audition libre, ouverte par la transposition de la directive B dont nous avons discuté ici hier, emportera des conséquences financières, qui sont estimées à 30 millions d’euros.
Nous devons donc mettre en place une véritable politique de l’aide juridictionnelle. J’y travaille depuis plus d’un an maintenant, en faisant en sorte d’y associer les différentes professions concernées. À mes yeux, en effet, les réformes sont toujours meilleures lorsqu’elles sont préparées à plusieurs mains. Nous avons rencontré des difficultés, et j’ai pris l’initiative de charger d’une mission sur le sujet un avocat général honoraire de la Cour de cassation, qui a remis ses propositions. Nous continuons donc à y travailler ensemble.
Concernant l’outil informatique dans le cadre de la proximité de la justice, Portalis est indispensable pour la justice civile. En arrivant, nous avons constaté que rien n’avait été fait pour mettre en place cet outil. Nous avons donc très rapidement lancé le chantier. Il s’agit, à mon sens, d’une nécessité urgente. Vous connaissez cependant le temps nécessaire au développement d’une application informatique de cette importance. En effet, il s’agira d’un outil national, déployé sur l’ensemble du territoire.
Les premières études sont lancées. Le coût de Portalis sera inclus dans le prochain budget triennal, qui couvrira les années 2015, 2016 et 2017, et s’élèvera à environ 41 millions d’euros. Les experts nous demandent de commencer par des expérimentations, qui aboutiront ensuite à une généralisation du dispositif. Elles commenceront sans doute dans trois ans, en gardant un rythme soutenu. Rien n’ayant été lancé avant notre arrivée aux affaires, c’est en tout cas ce que nous pouvons envisager à présent.
Monsieur Tandonnet, concernant la participation, c'est-à-dire la gouvernance des juridictions, il me semble, en effet, que nous devons définir un espace où les magistrats pourront informer les citoyens. Je ne suis pas persuadée que ces derniers devront, dans ces instances, être représentés par des avocats. Toutefois, cette nécessité d’information est incontestable. Il s’agit non pas d’intégrer les citoyens à la gestion des juridictions, mais bien de les informer sur le fonctionnement de ces dernières. Il en va de même des élus locaux, très impliqués dans leurs territoires, et qui doivent bénéficier du meilleur niveau d’information.
Sur la gouvernance, nous avons déjà lancé des initiatives, notamment au travers d’un projet de décret que j’ai soumis aux organisations syndicales, conformément au code de l’organisation judiciaire. Dans un premier temps, ces dernières n’ont pas souhaité qu’il soit publié, sans pour autant proposer de modifications substantielles. Le contenu du décret leur convenait, mais elles ont estimé qu’il était préférable d’attendre un peu, pour favoriser l’articulation des calendriers. Les juridictions travaillent actuellement, dans le cadre des assemblées générales, sur nos propositions concernant la réforme judiciaire. Les discussions se poursuivent et devraient assez rapidement aboutir à la publication de ce décret.
Au sujet de Strasbourg, monsieur Reichardt, vous savez que j’ai personnellement reçu une délégation des élus en janvier dernier, pour mener une véritable séance de travail. J’ai confirmé les propos que j’y avais tenus par un courrier adressé à tous les élus y participant.
La spécialisation est un vrai sujet. Le tribunal de Strasbourg est spécialisé, notamment en matière de propriété intellectuelle et de contentieux médical, pour lequel il constitue un pôle régional et interrégional. En revanche, vos craintes relatives aux conséquences de la loi de programmation militaire ne sont pas fondées : le décret n’est absolument pas publié, aucun transfert n’a donc été décidé entre Strasbourg et Nancy du fait de cette loi. Monsieur Reichardt, j’assume entièrement ce que je dis, je vous confirmerai donc tout cela par écrit, de manière précise et détaillée.