Le départ massif de populations musulmanes constitue un sujet de vive inquiétude, dans un pays où les religions ont longtemps vécu en bonne harmonie. Les pays voisins, notamment le Tchad et le Cameroun, font preuve de solidarité en accueillant un nombre important de réfugiés. Ils doivent pouvoir, eux aussi, compter sur l’appui de la communauté internationale ; celui de la France leur est évidemment acquis.
En matière humanitaire, la situation reste en effet extrêmement critique, avec – nous citons ces chiffres comme ordre de grandeur – quelque 250 000 réfugiés et 825 000 déplacés, dont 400 000 dans la capitale elle-même. Cela signifie qu’un habitant sur deux a besoin de soins médicaux d’urgence et un sur cinq au moins d’aide alimentaire. Le départ de nombreux musulmans, qui animaient le commerce, fragilise l’ensemble de l’économie.
Sur place, les agences des Nations unies s’efforcent de faire face. Le Programme alimentaire mondial a mis en place un pont aérien, qui permet de ravitailler les déplacés en attendant que la MISCA, soutenue par Sangaris, sécurise totalement l’axe vital entre Bangui et le Cameroun. De nombreuses ONG sont actives, dont Médecins du monde et Médecins sans frontières, qui gèrent le seul hôpital actuellement resté ouvert à Bangui.
Sur le plan politique maintenant, la nouvelle présidente de transition, Mme Samba-Panza, une femme remarquable - la première femme à diriger un pays d’Afrique francophone - a su créer une dynamique. Je veux lui renouveler, avec vous, le soutien de la France.
Il faut maintenant que cette dynamique puisse se concrétiser dans la vie quotidienne de la population et que le paiement des salaires des fonctionnaires reprenne, afin que les institutions de base puissent recommencer à fonctionner. Les pays de la région ont promis leur aide. Il est important que les institutions financières internationales, elles aussi, soient au rendez-vous. La France agit en ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la situation en République centrafricaine, je viens de la décrire, je crois, sans fard. Oui, les difficultés sont considérables. Non, la France ne les sous-estime pas, pas plus qu’aucun d’entre vous, et ne cherche pas à les minimiser.
Pour autant, les premiers progrès sont réels, et une perspective se dessine dans chaque domaine. Ainsi, des étapes importantes ont déjà été franchies dans la préparation des élections qui doivent être organisées d’ici à février 2015 : le code électoral a été adopté et l’autorité électorale mise en place. Il est urgent que la communauté internationale réunisse les moyens nécessaires au respect du calendrier prévu.
Pour son développement, la République centrafricaine, qui a longtemps fait partie des pays orphelins de l’aide, a évidemment besoin de l’assistance internationale. Le 20 janvier dernier, à Bruxelles, près d’un demi-milliard de dollars ont été promis pour faire face aux défis humanitaires les plus pressants et pour engager, dès maintenant, la reconstruction économique et sociale du pays.
Pour sa part, la France s’est engagée à hauteur de 35 millions d’euros pour 2014. Notre assistance technique à la République centrafricaine redémarre, et nous travaillons à accélérer la remise en marche de l’État, qui est la condition indispensable du retour des principaux bailleurs : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne.
Quant à la sécurité, qui est évidemment un aspect essentiel, une opération de maintien de la paix sous Casques bleus nous paraît seule à même de répondre aux besoins de la Centrafrique.
La MISCA a accompli un travail indispensable, qui doit être conforté dans la durée. La mise en place d’une opération de maintien de la paix permettra, sur le plan militaire, de garantir les renforts nécessaires et, sur le plan civil, d’assurer le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants, ainsi que, le moment venu, l’organisation des élections.
Le secrétaire général des Nations unies présentera, dans les tout prochains jours, un rapport en ce sens. Nous souhaitons que le Conseil de sécurité des Nations Unies l’examine au début du mois de mars prochain, afin que la force de maintien de la paix puisse être déployée au plus vite.
D’ici là, Sangaris assurera son rôle de relais, au côté de la MISCA et de l’opération Eufor-RCA. Afin de répondre à la situation et spécifiquement à l’appel du secrétaire général des Nations unies, le Président de la République a décidé, le 14 février dernier, de porter l’effectif de nos troupes à 2 000 hommes. L’effort supplémentaire de la France comprend le déploiement anticipé de forces de combat et de gendarmes, qui participeront ensuite à l’opération européenne.
Ensuite, la France pourra réduire son effort tout en maintenant une présence en appui à l’opération des Nations unies. Nous n’avons pas vocation à nous substituer aux forces internationales, auxquelles il incombe d’assurer, dans la durée, la sécurisation de la Centrafrique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à Bangui et partout en République centrafricaine, nos soldats ont trouvé un pays dévasté. Comme toujours, ils ont fait preuve d’un courage et d’un professionnalisme qui font honneur à la France.
Tout comme vous, j’en suis sûr, je tiens à saluer leur engagement et à rendre hommage à nos trois soldats qui ont perdu la vie au cours de missions opérationnelles : les caporaux Nicolas Vokaer et Antoine Le Quinio, tombés le 10 décembre 2013, et le caporal Damien Dolet, tué dimanche dernier. Je veux aussi saluer la mémoire de leurs compagnons d’armes, soldats de la MISCA, qui ont été tués en opération.
Dans cette épreuve, la nation a su se rassembler dès le déclenchement de notre opération. Je veux vous en remercier toutes et tous, que vous siégiez dans la majorité ou dans l’opposition.
Une délégation de députés, conduite par la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, s’est rendue à Bangui, la semaine dernière, pour prendre par elle-même la mesure de la situation. De son côté, le Gouvernement continuera d’informer le Sénat et l’ensemble de la représentation nationale.
Chacun, dans cet hémicycle, est conscient que notre action en Centrafrique n’est pas terminée. C’est la raison pour laquelle, conformément à l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, le Premier ministre et moi-même demandons au Sénat d’autoriser la prolongation de notre intervention, qui a déjà permis d’éviter la destruction totale du pays.
L’action et le courage de nos soldats ont forcé et forcent l’admiration. Les conditions décisives sont réunies pour qu’un accompagnement international robuste, à la fois militaire, humanitaire et politique, permette à la République centrafricaine de retrouver le chemin de la paix.
D’ici là, il nous revient à tous d’assumer nos responsabilités. C’est un défi, mais c’est aussi l’honneur de la France !