S’agissant du vote sur le maintien de notre dispositif militaire en Centrafrique, peut-être aurait-il dû avoir lieu dans un mois et demi, comme notre Constitution le prévoit ; ainsi, il aurait été fondé sur un réel bilan, portant sur une durée de quatre mois depuis le début de l’opération Sangaris, dont je vous rappelle qu’elle a été lancée le 5 décembre dernier.
Il faut se souvenir que, au début du mois de décembre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé, à l’unanimité de ses membres, le déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA, pour une période de douze mois. Appuyée par des forces françaises, la MISCA est notamment chargée de contribuer à protéger les civils, à rétablir la sécurité et l’ordre public, à stabiliser le pays et à créer les conditions propices à la fourniture d’une aide humanitaire aux populations qui en ont besoin.
Lors du débat du 10 décembre dernier, j’ai déclaré que, pour les écologistes, « la capacité des pays africains à assurer eux-mêmes leur sécurité est un objectif qui requiert le soutien international et particulièrement le soutien européen ». Dans cette perspective, en effet, nous voyons s’éloigner le spectre de la « Françafrique ».
De ce point de vue, nous prenons acte de l’annonce du renforcement des effectifs européens, prévu sous peu, en réponse à la demande de l’Union africaine et en complément du soutien financier et logistique déjà mis en œuvre.
Mettre un terme au drame sécuritaire et humanitaire en cours nécessite l’action collective de nos partenaires, dans l’intérêt des populations civiles centrafricaines et de la stabilité du pays. Il y va plus largement de l’équilibre régional, dans la mesure où les troubles qui secouent cette zone alimentent des trafics en tous genres, que le groupe écologiste dénonce avec force, notamment une contrebande d’armes de petit calibre.
Preuve que la logique de multilatéralisation renforcée est nécessaire pour faire face aux enjeux immédiats de sécurité et de reconstruction de la paix, la chef de l’État de transition et le secrétaire général des Nations unies ont appelé, la semaine passée, au maintien et à l’accroissement des forces en République centrafricaine. Il me semble que nous ne pouvons rester insensibles à ces appels à mener une action présentée comme « une étape intermédiaire avant l’arrivée d’une opération de maintien de la paix en République centrafricaine ».
Le 17 février dernier, lors d’une visite au Tchad, Catherine Samba-Panza a fait part à une délégation de députés français de son souhait de voir l’intervention militaire française prolongée jusqu’aux élections prévues au début de l’année 2015. Le 20 février, Ban Ki-Moon, a demandé, devant le Conseil de sécurité, le déploiement rapide d’au moins 3 000 soldats et policiers supplémentaires pour rétablir l’ordre et protéger les civils. Par ailleurs, le président tchadien Idriss Déby Itno se déclare désormais favorable aux renforts, de même qu’à la prise de relais par les forces onusiennes.
Or, comme l’a souligné le secrétaire général de l’ONU, la mise en place de l’intervention des Casques bleus « risque de prendre des mois », alors que « la population centrafricaine ne peut attendre des mois ». Aussi, « il faut agir maintenant pour éviter une nouvelle aggravation de la situation ».
En outre, un rapport d’Amnesty International, rendu public le 12 février dernier, dénonce les violences interreligieuses qui persistent en Centrafrique en dépit de la mise en place de la MISCA, ainsi que les exactions dont sont victimes les civils musulmans ; selon l’organisation, ces exactions sont à l’origine d’« un exode sans précédent ».
Au cours des dernières semaines, cette ONG a recueilli plus d’une centaine de témoignages directs sur les attaques de grande ampleur menées dans les villes de Bouali, Boyali, Bossembélé, Bossemptélé, où plus de cent musulmans sont morts le 18 janvier, et Baoro, dans le nord-ouest du pays. Amnesty International reproche aux troupes internationales de ne pas s’être déployées dans ces villes, laissant ainsi « la population civile sans protection et livrée aux attaques des milices anti-balaka ».
Dans ces conditions, la France doit évidemment rester attentive à la situation des musulmans de Centrafrique et œuvrer à leur protection. Il me semble donc que le maintien de nos forces armées en République centrafricaine, sous mandat de l’ONU et en appui à la MISCA, doit être perçu comme une solution nécessaire à titre transitoire, jusqu’à la mise en place d’une opération onusienne de maintien de la paix.
Mes chers collègues, la prolongation soumise à notre approbation répond à une urgence sécuritaire et humanitaire ; elle a été demandée par le gouvernement transitoire de la RCA, les autorités africaines et le secrétaire général des Nations unies.
Si la France ne peut rester indifférente à ces demandes et se doit de poursuivre ses efforts sous la conduite des forces africaines, le groupe écologiste estime toutefois que notre pays ne pourra pas faire l’impasse sur la nécessaire réévaluation doctrinale de sa politique d’intervention. Aussi souhaitons-nous, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur la question centrale de l’engagement de nos forces sur les théâtres d’opérations extérieures.
Les écologistes tiennent également à rappeler qu’il faut faire preuve de modestie et de prudence et que la stabilité en Centrafrique suppose nécessairement un travail de concertation avec les acteurs régionaux, qui devront être associés au processus de paix pendant toute sa durée.
L’enjeu immédiat est de sécuriser la zone afin de faire cesser au plus vite les violences qui sévissent encore en Centrafrique. Cette action passe par la poursuite du processus de désarmement, qui doit être conduit de façon impartiale ; celui-ci, en effet, est la condition de la mise en place d’une aide humanitaire rapide et efficace.
Il s’agit donc de prévenir l’enlisement et de relever un défi humanitaire considérable, dans la mesure où plus d’un million de Centrafricains ont dû fuir leur domicile pour se réfugier dans des camps de regroupement, en brousse ou dans les pays frontaliers.
Le défi politique et institutionnel qui attend la Centrafrique, où des élections démocratiques doivent avoir lieu en février 2015 alors que l’administration est aujourd’hui presque inexistante, ne doit pas non plus être sous-estimé. De fait, l’État devra entièrement se reconstruire et tout recensement électoral prendra du temps. Au demeurant, ces élections post-conflit nécessiteront une forte coopération entre l’Union africaine, les ONG et les observateurs internationaux, principalement ceux de l’ONU, dans la mise en œuvre et le suivi du processus électoral.
Le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso, a rappelé il y a quelques jours l’importance des défis qui attendent la République centrafricaine. S’il soutient le maintien des forces armées françaises, il se prononce, plus largement, en faveur de l’augmentation du contingent international, afin qu’une présence effective puisse être assurée sur tout le territoire centrafricain.
L’ultime étape, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises dans cet hémicycle, sera évidemment celle de l’aide au développement de la Centrafrique. Cette étape, chère aux écologistes, nous semble la seule susceptible de permettre au pays de se maintenir dans une paix durable.
Enfin, le groupe écologiste demande la tenue d’un débat dans une période de six mois, à compter de ce jour, afin d’évaluer l’état d’avancement du processus de désarmement et l’instauration de conditions décentes de sécurité pour les Centrafricains, indicateur réel de la pertinence du maintien de notre dispositif militaire dans ce pays.
Pour toutes ces raisons, et sous les réserves que je viens d’évoquer, je voterai, avec la majorité du groupe écologiste, pour la prolongation de l’intervention des forces armées en République centrafricaine, trois de nos collègues ayant néanmoins choisi de s’abstenir.