Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 25 février 2014 à 14h30
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en république centrafricaine — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décision d’intervenir en République centrafricaine a sans doute été tardive, comme certains orateurs l’ont remarqué, eu égard aux violences initialement perpétrées par la Seleka. Néanmoins, le groupe du RDSE, au nom duquel je m’exprime, comprend qu’une telle intervention ne pouvait avoir lieu en dehors d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies.

On aurait pu espérer un retour au calme plus rapide par l’exercice de ce que certains ont appelé un « effet de sidération ». C’était sans compter le potentiel de haines mis en mouvement et les violences aveugles déchaînées par les milices « anti-balaka », abusivement décrites comme des milices chrétiennes.

L’Afrique, il faut le constater, n’est plus ce qu’elle était : les autorités traditionnelles se sont effondrées. Aucun État digne de ce nom ne les a remplacées. L’usage des armes à feu s’est banalisé. La République Centrafricaine était déjà réputée être La Cendrillon de l’Afrique, selon une expression employée par Louis Brustier dans son ouvrage de 1962. Georges Conchon s’en inspirait en 1964 pour écrire L’État sauvage, qui reçut alors le prix Goncourt.

Depuis lors, les choses ne se sont pas arrangées : la Centrafrique a toujours été sous-administrée et mal gouvernée. Au point de déliquescence où les choses en étaient arrivées, notre intervention a du moins évité des massacres de masse, comme M. le ministre de la défense l’a souligné devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 17 février dernier, et ainsi que vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le ministre des affaires étrangères.

Aux 1 600 hommes qui ont été envoyés, 400 ont été ajoutés pour répondre à l’appel du secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon. À cela, il faut bien sûr ajouter les contingents de la MICSA, soit 6 000 hommes provenant des États frontaliers ou voisins.

Le 20 janvier 2014, il a été décidé d’envoyer une force européenne de 500 hommes, me semble-t-il, composée de soldats estoniens, lettons, géorgiens – or la Géorgie ne fait pas partie de l’Union européenne, jusqu’à nouvel ordre –, polonais, portugais, roumains, ce qui permettait au moins de relayer à Bangui la force Sangaris.

L’effectif total des forces engagées ne suffira pas à ramener la sécurité sur toute l’étendue d’un territoire dont la superficie est plus vaste que celle de la France. La première priorité consiste évidemment à sécuriser la route qui joint Bangui à Douala, pour permettre l’acheminement de vivres et, ainsi, enrayer la famine. La décision de mettre en œuvre le programme alimentaire mondial permettra-t-elle de l’éviter ?

Il paraît clair à ce stade que l’armée française n’est pas destinée à des missions d’interposition. Les effectifs disponibles ne le permettent pas et, surtout, nos forces armées ont été conçues pour remplir des missions d’intervention dont il est important qu’elles restent limitées dans le temps, et non des missions d’interposition, qui immobilisent des effectifs pendant des années.

Je me souviens avoir vu, sur les côtes du Liban, à Naqoura, un contingent français présent depuis 1978 et qui, à ma connaissance, s’y trouve toujours !

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