Pour ces raisons, comme nous l’avons expliqué dans notre proposition de résolution, nous devons planifier le basculement d’une partie de notre consommation en énergies fossiles vers une consommation électrique, hors thermique classique. C’est ce basculement qui doit être considéré comme la première des transitions énergétiques.
La raréfaction des énergies fossiles, l’insécurité dans l’approvisionnement de ces dernières, la hausse de la facture énergétique et la détérioration de l’environnement qui en découle imposent donc de s’émanciper des matières fossiles.
C’est pourquoi le groupe UMP appelle à la vigilance lorsque certains dressent l’éventail du futur mix énergétique en partant du postulat selon lequel, à terme, nous réduirons significativement notre consommation électrique. En général, ceux-là cherchent ainsi à accréditer la thèse selon laquelle le nucléaire n’est pas indispensable. Ils nous parlent, à raison, d’économies d’énergie, mais ils oublient trop souvent que la transition énergétique doit aussi accompagner, pour les décennies à venir, la raréfaction des matières premières qui couvrent, pour la France, environ 60 % de notre consommation aujourd’hui.
La vraie question est donc : qui peut assurer aujourd’hui que les économies d’énergie pourront compenser le basculement de la consommation d’énergies fossiles vers la consommation électrique ? Personne !
C’est la raison pour laquelle le cahier des charges qui s’impose à la puissance publique en matière de transition énergétique est des plus contraignants. Il comporte deux étapes.
Dans un premier temps, il nous faut diminuer notre dépendance à l’égard des matières premières, de fait non renouvelables. Cette première tâche est indispensable pour que la France tienne ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre – je pense à l’objectif contraignant de réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne d’ici à 2030 –, mais également pour que notre pays ne soit pas otage des tensions géopolitiques qui accompagnent l’extraction de ces matières premières.
Dans un second temps, il nous faut rendre notre appareil de production électrique apte à absorber une éventuelle hausse de notre consommation électrique. J’ajoute que ladite production devra s’adapter aux fluctuations de production liées aux énergies nouvelles, ce qui n’est pas simple.
Ce n’est qu’en satisfaisant à ces deux exigences que la puissance publique rendra à la France sa pleine souveraineté énergétique.
Pour le premier de ces défis, à savoir diminuer notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles, de nombreuses pistes existent, mais aucune ne relève de la solution miracle.
Les produits pétroliers et le gaz représentent aujourd’hui environ 50 % de la consommation énergétique des secteurs résidentiel et tertiaire. Naturellement, on serait tenté de vouloir transférer cette consommation vers l’électricité, mais c’est oublier que le tertiaire et, surtout, l’habitation sont responsables des pics de production que nous avons de plus en plus de mal à gérer.
Très concrètement, si l’on souhaite que les ménages français diminuent leur consommation de fioul, il n’y a pas de meilleur moyen que d’aider à renouveler le parc des chaudières. Soyons plus précis : un changement de chaudière représente quasiment 100 kilowattheures par mètre carré par an d’économie. L’ensemble des autres opérations d’isolation dans une maison permettent d’économiser de nouveau 100 kilowattheures par mètre carré par an.
Il faudra donc inscrire les aides fiscales dans la durée, ne pas se focaliser uniquement sur l’isolation des bâtiments et ne pas dire promptement qu’une nouvelle chaudière ne sert à rien si l’isolation n’est pas achevée, car cela est faux.
L’autre espoir de voir diminuer significativement notre consommation en combustibles fossiles réside dans l’optimisation de la consommation liée à l’automobile. Les produits pétroliers représentent aujourd’hui toujours plus de 90 % des besoins du secteur automobile en France. Les transports et le secteur de l’automobile absorbent les deux tiers de notre consommation en produits pétroliers.
Sur cet aspect, nous avons constaté les progrès du véhicule électrique, grâce en particulier aux batteries au lithium. Malheureusement, là encore, aucune solution n’est parfaite : le lithium fait partie de ces matières rares dont l’extraction n’est pas neutre en émission de CO2.
On nous dit que les chercheurs travaillent sur de nouveaux types d’électrodes, capables de stocker plus d’ions, comme l’oxyde de manganèse ou l’oxyde de nickel, améliorant ainsi la capacité de stockage des batteries, mais cela ne règle pas le problème du recyclage des batteries ou de l’extraction du lithium, qui se fait au rythme de 30 000 tonnes par an, et essentiellement dans des régions peu stables politiquement.
La voiture électrique sera malgré tout le principal levier pour réduire notre dépendance en hydrocarbures, mais je confesse ne pas en savoir plus que les chercheurs, qui, aujourd’hui, ne peuvent pas nous dire ce qui est viable sur le long terme, en ce qui concerne aussi bien le coût que les ressources naturelles.
J’en viens au second défi qui se dresse face à la puissance publique : comment optimiser et adapter notre production et notre consommation électrique ? C’est, vous l’avez compris, la question du mix énergétique.
Mais avant de dire comment nous allons produire notre électricité, encore faut-il savoir de quel volume d’électricité nous aurons besoin.
En premier lieu, j’espère que notre consommation en électricité va baisser, à l’instar de notre consommation en combustibles fossiles. Toutefois, elle ne chutera pas brutalement, même si des économies d’énergie sont envisageables.
Les secteurs résidentiel et tertiaire, qui représentent à eux deux près de 70 % de notre consommation d’électricité, peuvent faire l’objet d’économies significatives, mais, comme pour le fioul, ces progrès ne seront pas gratuits pour la puissance publique, qui devra nécessairement avoir recours aux aides fiscales.
Pour autant, la rénovation thermique est sans doute le point cardinal de cette future politique énergétique. Il nous faut donc conserver et simplifier les aides existantes, plutôt que pratiquer une écologie préventive. Aussi me suis-je demandé à quels dispositifs nos concitoyens pouvaient faire appel.
Sachez qu’il existe huit interlocuteurs possibles ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? En effet, il y a l’État, les collectivités, l’ANAH, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, PROCIVIS, la Mutualité sociale agricole, les caisses d’allocations familiales et les banques. Chacune de ces entités fournit une aide qui lui est propre, selon des modalités qui lui sont propres.
Avec cette complexité, la puissance publique « se tire une balle dans le pied ». Comment pouvons-nous rendre visibles des aides éparpillées tel un puzzle ?
Cette question n’est pas politique puisque les gouvernements de droite et du centre ont leur part de responsabilité tout autant que ceux de gauche. Cependant, monsieur le ministre, j’espère que cette simplification des aides à la rénovation thermique aura une place de choix dans votre futur projet de loi.
J’ajouterai que les aides actuelles, si elles sont ciblées en priorité vers les publics fragiles, ce qui est normal, excluent trop souvent des publics jeunes ou des classes moyennes, qui, parce qu’ils ne répondent pas aux conditions de ressources sont exclus du dispositif alors qu’ils sont les plus sensibles à la question de rénovation thermique.
Il est évident que, grâce à la rénovation thermique, des économies très importantes peuvent être réalisées. Mais je n’irai pas, comme certains, jusqu’à avancer le chiffre de 50 % d’économies d’énergie d’ici à 2030, car il me paraît tout à fait irréaliste ! Songez, par exemple, que malgré les dispositifs existants, la consommation actuelle des ménages et du tertiaire est de 290 térawattheures, contre 288 térawattheures en 2008, et cela malgré la crise.
En outre, avec l’engouement pour le véhicule électrique, et si nous tablons sur une progression du nombre de véhicules électriques de l’ordre de 2 millions entre aujourd’hui et 2030, telle qu’elle figure dans les projets actuels, celle-ci va entraîner une consommation de 4 térawattheures à 5 térawattheures supplémentaires, soit presque l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire.
Mes chers collègues, ne fermons aucune porte, que ce soit par optimisme ou par dogmatisme : continuons de donner à la France les moyens de son indépendance énergétique et ne soyons pas candides.
Nous devons préserver l’appareil de production électrique français à son niveau d’aujourd’hui, et lui permettre, s’il le faut, d’augmenter ses capacités. C’est à partir de ce constat que nous devons élaborer le mixénergétique, et donc évaluer la part de chaque source d’énergie dans notre production électrique globale.
Nous produisons aujourd’hui environ 550 térawattheures d’énergie électrique, dont environ 420 térawattheures d’origine nucléaire. Nous savons de source sûre que nos capacités hydrauliques sont à leur maximum : environ 90 % du potentiel est exploité. Le biogaz sera une réponse pertinente, mais celui-ci servira surtout à remplacer la production des centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles. En effet, ces dernières, bien qu’indispensables pour fournir les pointes d’électricité, sont très polluantes et très gourmandes en combustibles pour des rendements plus faibles : autant utiliser directement ces combustibles.
Que devons-nous conclure ? Tout simplement que notre potentiel de croissance repose quasi uniquement sur les énergies renouvelables de type éolien ou photovoltaïque.