Séance en hémicycle du 25 février 2014 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Par courrier en date de ce jour, M. Jean Claude Gaudin, président du groupe UMP, a demandé de compléter l’ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 30 avril 2014 par l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à permettre le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade.

Acte est donné de cette demande.

Le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au lundi 28 avril, à 11 heures, et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait d’une heure.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, l’examen de la proposition de résolution relative à la transition énergétique, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Jean-Claude Gaudin, Ladislas Poniatowski et les membres du groupe UMP (proposition de résolution n° 194).

Dans le débat, la parole est à M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution relative à la transition énergétique est l’occasion pour le groupe UMP, au nom duquel jem’exprime, de préciser avec la plus grande rigueur sa vision del’ensemble des enjeux à caractère énergétique.

Cette initiative de notre groupe vient compléter le débat sur l’avenir de la filière du nucléaire et les nouvelles filières de production d’énergie que nous avons eu le mois dernier, sur l’initiative du RDSE.

Transition énergétique, avenir des filières : ces débats sont complémentaires.

Pour résumer la position de notre groupe sur ce sujet, je dirai que, face à l’ampleur du défi énergétique que la France doit relever, entre les préoccupations environnementales, économiques, technologiques et géopolitiques, nous avons souhaité rappeler avec force que notre pays ne pourra ignorer aucune filière.

Notre proposition de résolution sur la transition énergétique exige que nous prenions de la hauteur et surtout que nous répondions aux différentes questions dans l’ordre où elles se posent.

Il faut d’abord établir le cahier des charges de cette nouvelle politique publique de l’énergie que nous appelons de nos vœux. C’est ce que nous avons fait dans l’exposé des motifs de notre proposition de résolution, en partant d’un constat : aujourd’hui, dans le monde, plus de 80 % de l’énergie produite est issue des énergies fossiles.

Or ces sources d’énergie, auxquelles nos sociétés doivent tant, ont fini par créer un phénomène de dépendance qui n’est pas sans conséquence. Qu’il s’agisse du pétrole, du gaz, du charbon, tous, nous connaissons les dommages de ces productions sur l’environnement, causés notamment par les émissions de gaz à effet de serre.

Nous savons également tous que ces sources d’énergie s’épuisent. Dans le cas du pétrole, on parle de réserves qui permettraient de conserver notre rythme de production actuel pour quarante ans, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… mais personne ne peut dire avec certitude que ce chiffre est exact.

Depuis plus de vingt ans, les réserves prouvées se maintiennent à un niveau voisin de quarante ans de consommation de l’année courante. Pourquoi les réserves arrivent-elles donc à se maintenir à ce niveau ? Parce que l’exploitation du pétrole non conventionnel comble la chute de production du pétrole conventionnel.

Jusqu’où pourrons-nous aller dans l’exploitation de réserves non conventionnelles ? Je répondrai à cette question de manière lapidaire : jusqu’à ce que notre sous-sol et, accessoirement, notre porte-monnaie soient prêts à le supporter.

Au-delà de la disparition de ces énergies, se pose le problème du pic de production : interviendra-t-il avant ou après 2020 ? Les experts ne s’accordant pas sur ce sujet, nous autres, législateurs, devons donc rester prudents, mais, quelles que soient les réponses à ces questions, nous savons que cette raréfaction des matières premières, à l’exception du charbon, pose une somme de difficultés qui se nourrissent les unes les autres.

Moins de réserves, cela veut dire des prix en augmentation ; l’augmentation des prix conduit à rendre économiquement viables les gisements non conventionnels, lesquels ne sont pas neutres écologiquement et présentent, au-delà de leur rentabilité économique, des rendements mécaniquement plus faibles – je pense ici aux gisements offshore profonds, aux pétroles lourds ou aux bitumes.

Ainsi, plus les énergies se font rares, plus les prix augmentent, plus les dommages environnementaux progressent, le tout dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Pour ces raisons, comme nous l’avons expliqué dans notre proposition de résolution, nous devons planifier le basculement d’une partie de notre consommation en énergies fossiles vers une consommation électrique, hors thermique classique. C’est ce basculement qui doit être considéré comme la première des transitions énergétiques.

La raréfaction des énergies fossiles, l’insécurité dans l’approvisionnement de ces dernières, la hausse de la facture énergétique et la détérioration de l’environnement qui en découle imposent donc de s’émanciper des matières fossiles.

C’est pourquoi le groupe UMP appelle à la vigilance lorsque certains dressent l’éventail du futur mix énergétique en partant du postulat selon lequel, à terme, nous réduirons significativement notre consommation électrique. En général, ceux-là cherchent ainsi à accréditer la thèse selon laquelle le nucléaire n’est pas indispensable. Ils nous parlent, à raison, d’économies d’énergie, mais ils oublient trop souvent que la transition énergétique doit aussi accompagner, pour les décennies à venir, la raréfaction des matières premières qui couvrent, pour la France, environ 60 % de notre consommation aujourd’hui.

La vraie question est donc : qui peut assurer aujourd’hui que les économies d’énergie pourront compenser le basculement de la consommation d’énergies fossiles vers la consommation électrique ? Personne !

C’est la raison pour laquelle le cahier des charges qui s’impose à la puissance publique en matière de transition énergétique est des plus contraignants. Il comporte deux étapes.

Dans un premier temps, il nous faut diminuer notre dépendance à l’égard des matières premières, de fait non renouvelables. Cette première tâche est indispensable pour que la France tienne ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre – je pense à l’objectif contraignant de réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne d’ici à 2030 –, mais également pour que notre pays ne soit pas otage des tensions géopolitiques qui accompagnent l’extraction de ces matières premières.

Dans un second temps, il nous faut rendre notre appareil de production électrique apte à absorber une éventuelle hausse de notre consommation électrique. J’ajoute que ladite production devra s’adapter aux fluctuations de production liées aux énergies nouvelles, ce qui n’est pas simple.

Ce n’est qu’en satisfaisant à ces deux exigences que la puissance publique rendra à la France sa pleine souveraineté énergétique.

Pour le premier de ces défis, à savoir diminuer notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles, de nombreuses pistes existent, mais aucune ne relève de la solution miracle.

Les produits pétroliers et le gaz représentent aujourd’hui environ 50 % de la consommation énergétique des secteurs résidentiel et tertiaire. Naturellement, on serait tenté de vouloir transférer cette consommation vers l’électricité, mais c’est oublier que le tertiaire et, surtout, l’habitation sont responsables des pics de production que nous avons de plus en plus de mal à gérer.

Très concrètement, si l’on souhaite que les ménages français diminuent leur consommation de fioul, il n’y a pas de meilleur moyen que d’aider à renouveler le parc des chaudières. Soyons plus précis : un changement de chaudière représente quasiment 100 kilowattheures par mètre carré par an d’économie. L’ensemble des autres opérations d’isolation dans une maison permettent d’économiser de nouveau 100 kilowattheures par mètre carré par an.

Il faudra donc inscrire les aides fiscales dans la durée, ne pas se focaliser uniquement sur l’isolation des bâtiments et ne pas dire promptement qu’une nouvelle chaudière ne sert à rien si l’isolation n’est pas achevée, car cela est faux.

L’autre espoir de voir diminuer significativement notre consommation en combustibles fossiles réside dans l’optimisation de la consommation liée à l’automobile. Les produits pétroliers représentent aujourd’hui toujours plus de 90 % des besoins du secteur automobile en France. Les transports et le secteur de l’automobile absorbent les deux tiers de notre consommation en produits pétroliers.

Sur cet aspect, nous avons constaté les progrès du véhicule électrique, grâce en particulier aux batteries au lithium. Malheureusement, là encore, aucune solution n’est parfaite : le lithium fait partie de ces matières rares dont l’extraction n’est pas neutre en émission de CO2.

On nous dit que les chercheurs travaillent sur de nouveaux types d’électrodes, capables de stocker plus d’ions, comme l’oxyde de manganèse ou l’oxyde de nickel, améliorant ainsi la capacité de stockage des batteries, mais cela ne règle pas le problème du recyclage des batteries ou de l’extraction du lithium, qui se fait au rythme de 30 000 tonnes par an, et essentiellement dans des régions peu stables politiquement.

La voiture électrique sera malgré tout le principal levier pour réduire notre dépendance en hydrocarbures, mais je confesse ne pas en savoir plus que les chercheurs, qui, aujourd’hui, ne peuvent pas nous dire ce qui est viable sur le long terme, en ce qui concerne aussi bien le coût que les ressources naturelles.

J’en viens au second défi qui se dresse face à la puissance publique : comment optimiser et adapter notre production et notre consommation électrique ? C’est, vous l’avez compris, la question du mix énergétique.

Mais avant de dire comment nous allons produire notre électricité, encore faut-il savoir de quel volume d’électricité nous aurons besoin.

En premier lieu, j’espère que notre consommation en électricité va baisser, à l’instar de notre consommation en combustibles fossiles. Toutefois, elle ne chutera pas brutalement, même si des économies d’énergie sont envisageables.

Les secteurs résidentiel et tertiaire, qui représentent à eux deux près de 70 % de notre consommation d’électricité, peuvent faire l’objet d’économies significatives, mais, comme pour le fioul, ces progrès ne seront pas gratuits pour la puissance publique, qui devra nécessairement avoir recours aux aides fiscales.

Pour autant, la rénovation thermique est sans doute le point cardinal de cette future politique énergétique. Il nous faut donc conserver et simplifier les aides existantes, plutôt que pratiquer une écologie préventive. Aussi me suis-je demandé à quels dispositifs nos concitoyens pouvaient faire appel.

Sachez qu’il existe huit interlocuteurs possibles ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? En effet, il y a l’État, les collectivités, l’ANAH, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, PROCIVIS, la Mutualité sociale agricole, les caisses d’allocations familiales et les banques. Chacune de ces entités fournit une aide qui lui est propre, selon des modalités qui lui sont propres.

Avec cette complexité, la puissance publique « se tire une balle dans le pied ». Comment pouvons-nous rendre visibles des aides éparpillées tel un puzzle ?

Cette question n’est pas politique puisque les gouvernements de droite et du centre ont leur part de responsabilité tout autant que ceux de gauche. Cependant, monsieur le ministre, j’espère que cette simplification des aides à la rénovation thermique aura une place de choix dans votre futur projet de loi.

J’ajouterai que les aides actuelles, si elles sont ciblées en priorité vers les publics fragiles, ce qui est normal, excluent trop souvent des publics jeunes ou des classes moyennes, qui, parce qu’ils ne répondent pas aux conditions de ressources sont exclus du dispositif alors qu’ils sont les plus sensibles à la question de rénovation thermique.

Il est évident que, grâce à la rénovation thermique, des économies très importantes peuvent être réalisées. Mais je n’irai pas, comme certains, jusqu’à avancer le chiffre de 50 % d’économies d’énergie d’ici à 2030, car il me paraît tout à fait irréaliste ! Songez, par exemple, que malgré les dispositifs existants, la consommation actuelle des ménages et du tertiaire est de 290 térawattheures, contre 288 térawattheures en 2008, et cela malgré la crise.

En outre, avec l’engouement pour le véhicule électrique, et si nous tablons sur une progression du nombre de véhicules électriques de l’ordre de 2 millions entre aujourd’hui et 2030, telle qu’elle figure dans les projets actuels, celle-ci va entraîner une consommation de 4 térawattheures à 5 térawattheures supplémentaires, soit presque l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire.

Mes chers collègues, ne fermons aucune porte, que ce soit par optimisme ou par dogmatisme : continuons de donner à la France les moyens de son indépendance énergétique et ne soyons pas candides.

Nous devons préserver l’appareil de production électrique français à son niveau d’aujourd’hui, et lui permettre, s’il le faut, d’augmenter ses capacités. C’est à partir de ce constat que nous devons élaborer le mixénergétique, et donc évaluer la part de chaque source d’énergie dans notre production électrique globale.

Nous produisons aujourd’hui environ 550 térawattheures d’énergie électrique, dont environ 420 térawattheures d’origine nucléaire. Nous savons de source sûre que nos capacités hydrauliques sont à leur maximum : environ 90 % du potentiel est exploité. Le biogaz sera une réponse pertinente, mais celui-ci servira surtout à remplacer la production des centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles. En effet, ces dernières, bien qu’indispensables pour fournir les pointes d’électricité, sont très polluantes et très gourmandes en combustibles pour des rendements plus faibles : autant utiliser directement ces combustibles.

Que devons-nous conclure ? Tout simplement que notre potentiel de croissance repose quasi uniquement sur les énergies renouvelables de type éolien ou photovoltaïque.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Attendez, mon cher collègue ! Écoutez-moi jusqu’au bout !

Cependant, nous ne pourrons pas satisfaire nos engagements en termes d’émission de CO2 et, dans le même temps, fermer un tiers de notre parc nucléaire, comme l’annonce le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il va falloir choisir.

Pour ces raisons, l’avenir de notre production électrique nécessitera de mobiliser toutes les sources de production possibles : le biogaz, en remplacement des centrales thermiques ; l’éolien et le photovoltaïque, malgré des problèmes de compétitivité qui iront, je l’espère, en s’atténuant ; le nucléaire, bien sûr, même si cette énergie n’est pas renouvelable.

Aucun de ces secteurs ne pourra s’exonérer de lourds investissements, ni les énergies renouvelables, dont on dénonce avec raison l’insuffisance des investissements, ce qui conduit la France à être en retard par rapport à son voisin allemand, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… ni le nucléaire, pour lequel de gros progrès peuvent encore être accomplis, aussi bien sur l’optimisation du minerai que sur la quantité de déchets.

À ce titre, bien que très attaché à notre souveraineté énergétique, et donc au contrôle qu’exerce l’État chez nos opérateurs, je souscris à l’idée qui consiste à permettre, en échange du financement de l’extension de la durée de vie des réacteurs d’EDF, une participation des fournisseurs alternatifs à leur capital. Cette situation est déjà, je vous le signale, celle de quatre centrales nucléaires françaises.

Nous connaissons les difficultés de financement d’EDF. Ces difficultés viennent s’ajouter à son récent programme d’investissements de 50 milliards d’euros sur la période 2012-2025, qui vise à mettre conformité ses 58 réacteurs nucléaires avec les nouvelles règles de sécurité apparues après Fukushima et à porter de quarante à soixante ans la durée de vie de ses réacteurs.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, mon intervention n’avait pas pour objet de révéler une quelconque recette miracle…

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Le groupe UMP et moi-même croyons que notre devoir de responsables publics est de présenter la réalité à nos concitoyens, à savoir que nous n’avons pas les moyens de nous passer d’un type d’énergie. Aussi rares, polluantes, chères, dangereuses que soient ces énergies, chacune d’entre elles est, à un moment donné, indispensable.

Les produits pétroliers et le gaz, vis-à-vis desquels nous sommes dépendants, nous sont indispensables pour ne pas aggraver le problème des pointes de consommation.

Notre mix énergétique de production électrique devra, lui, répondre à deux défis : assurer un niveau de production comparable à celui que nous avons aujourd’hui et assurer une réponse fiable aux pointes de consommation, qui deviendront de plus en plus difficiles à traiter au fur et à mesure que les énergies renouvelables entreront dans notre mix. À cet égard, la France devra enclencher une vraie politique publique de l’énergie renouvelable qui ne soit pas seulement fondée sur des prix de rachat déconnectés de la réalité des marchés.

Le nucléaire aura toute sa place dans ce mix, son développement devra être encouragé : financement de la prolongation de la durée de vie des réacteurs actuels, développement des nouvelles générations ; tous les leviers devront être activés.

C’est sur ce point que je souhaiterais conclure mon intervention. La transition énergétique ne s’accommode d’aucune réponse toute faite. Les promesses électorales et autres incantations candides se heurtent à une réalité qu’il nous faut affronter : l’énergie ne tombe pas du ciel.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

M. Ladislas Poniatowski. Elle a toujours un coût, financier, écologique ou géopolitique. Il faut donc admettre, en l’état actuel de la science, que nous ne pouvons sacrifier aucun type de production énergétique. C’est parce qu’aucune issue n’aura été sacrifiée que nous assurerons une transition énergétique qui ne compromette pas l’indépendance énergétique de notre pays.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. Henri Tandonnet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est donc la deuxième fois que nous débattons de politique énergétique dans cet hémicycle depuis le début de l’année. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car il nous faut alimenter l’ambition du futur projet de loi sur la transition énergétique.

Je remercie donc doublement le groupe UMP : d’abord, de l’initiative qu’il a prise de susciter ce débat, mais aussi du moment de délassement que m’a offert cette proposition de résolution, car je vous avoue que sa lecture m’a un peu amusé.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je veux bien le croire !

Cela commençait plutôt bien puisqu’on peut lire, au début de l’exposé des motifs, que les deux objectifs majeurs de la France doivent être de « réduire autant que possible notre dépendance aux énergies fossiles » et de « limiter nos rejets de gaz à effet de serre ». Les écologistes sont en accord avec ces exigences, même s’ils considèrent que d’autres doivent également être comblées.

J’ai même trouvé dans ce texte de très beaux libellés, tel celui qui fait état des « préoccupations environnementales qui vont croissant, notamment en ce qui concerne les déperditions d’hydrocarbures dans les écosystèmes ». Je dis bravo ! Je poserai juste une question, parce que le sujet n’est pas mentionné : cette préoccupation concerne-t-elle aussi les sous-sols et les déperditions liées à l’extraction des gaz de schiste, qui font que, dans certaines régions des États-Unis, même l’eau devient inflammable ?

Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je ne doute pas de recevoir des assurances sur ce point dans le débat qui va suivre !

Rien à dire, donc, sur les objectifs énoncés dans un premier temps. Mais j’ai bien peur que quelques désaccords, certes minimes, ne suivent, par exemple sur la manière de poser les additions.

Permettez-moi cette question : les caisses de l’État sont-elles à ce point pleines que l’on pourrait s’offrir le luxe d’investir massivement et dans la prolongation du parc nucléaire actuel, et dans la poursuite du programme EPR, et dans la recherche sur les réacteurs de quatrième génération, et dans l’efficacité énergétique, et dans le développement de filières renouvelables ?

L’UMP n’est pas en reste pour montrer du doigt la situation des comptes publics. Je m’interroge donc : d’où vient soudainement cette manne quasi illimitée ? Je me réjouis presque de cette capacité à s’émanciper de l’adage souvent frustrant pour les élus, selon lequel « gouverner, c’est choisir », mais je crains qu’il ne faille réduire l’addition finale.

Parlons d’abord de « cette filière scientifique et industrielle d’excellence » que serait le nucléaire. Il y a déjà deux ans, les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité nous ont un peu éclairés – je salue le président et le rapporteur de cette commission d’enquête, tous deux présents ce soir. Ils nous ont permis d’entendre de nombreux acteurs de l’énergie et de nuancer fortement certaines « vérités » assénées depuis plusieurs décennies. Je m’étonne donc de retrouver quelques dogmes anciens dans cette proposition de résolution, comme si nos cinq mois de travaux ne nous avaient pas fait progresser dans nos analyses !

Vous appelez à la prolongation du parc nucléaire actuel. Tout d’abord, nous n’avons aucune garantie sur le fait que l’Autorité de sûreté nucléaire autorisera la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs, bien au contraire ! Son président, Pierre-Franck Chevet, a déclaré, voilà quelques jours, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, que « la prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans n’est pas acquise au regard des objectifs majeurs de sûreté ». Il a également souligné que le coût du « grand carénage » annoncé à 55 milliards d’euros était revu à la hausse. D’autres spécialistes parlent aujourd’hui de plus de 100 milliards d’euros.

Vous demandez donc le remplacement partiel du parc actuel par des EPR – il y a une logique ! –, mais nous voyons bien aujourd’hui que le prix de revient du mégawattheure produit par un EPR ne sera jamais compétitif. Les plans financiers de la centrale de Hinkley Point, en Grande-Bretagne, le confirment : le mégawattheure est vendu à plus de 100 euros contre, par exemple, 80 euros pour le mégawattheure d’origine éolienne. Vous allez donc remplacer du « déjà cher » par du « encore plus cher » !

Il est alors paradoxal que cette proposition de résolution en reste à une vision non critique de ce célèbre conte sur la fée électricité bon marché, alors que le mégawattheure est vendu en dessous de son prix réel, comme l’avait clairement montré le rapport de la commission d’enquête.

Il est temps de ranger le « livre de contes » et de sortir un « livre de comptes » sur ce choix énergétique qui a affaibli la France, comme il est temps de réorienter massivement les investissements sur les filières renouvelables, point sur lequel je vous ai trouvés, chers collègues de l’UMP, plus timorés. Les chiffres de la Fédération européenne des producteurs d’électricité, Eurelectric, pour 2012 montrent bien que le nucléaire se marginalise en Europe, même au-delà de l’exemple allemand : 250 milliards d’euros d’investissements prévus dans les filières renouvelables d’ici à 2020, contre 16 milliards d’euros pour le nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

(Sourires.) C’est donc sur ces marchés réels qu’il nous faut aujourd’hui faire une offre. Comme vous le voyez, j’ai bien compris le changement de stratégie industrielle du Gouvernement : il faut privilégier la politique de l’offre !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ces chiffres nous ont été fournis à Bruxelles par les responsables d’Eurelectric, qui ne sont pas vraiment de gentils écolos barbus ! §

Vous dites qu’à part l’hydroélectricité – qu’il faut conforter, nous en sommes d’accord –, les filières renouvelables recourent à des technologies « encore peu matures ». Or, comme je le disais, l’éolien terrestre est déjà beaucoup moins cher que l’EPR et le photovoltaïque est en passe de le devenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Dans un entretien récemment publié, le président-directeur général de GDF-Suez, Gérard Mestrallet – pas vraiment non plus un écolo barbu ! –, indiquait d’ailleurs que le photovoltaïque était déjà compétitif au sud de la Méditerranée et qu’il le serait partout en Europe dans dix ans.

La compétitivité des filières renouvelables sera encore renforcée par le développement des technologies de stockage, qui est également une réponse à leur caractère intermittent. Notons l’immense potentiel de la filière hydrogène sur ce point, avec l’application Power to gas.

Si une priorité de recherche industrielle existe, c’est donc bien en matière de stockage, et probablement pas dans la réinvention permanente et nostalgique du « surgénérateur » à sodium liquide, version « post Creys-Malville », monstre technologique plus avide de milliards que le Moloch de Metropolis engloutissant les travailleurs – je dis bien sûr cela en m’adressant plus particulièrement à mes amis communistes.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ces technologies sont donc matures, et elles peuvent dès aujourd’hui placer la France en position de leader mondial, si nous nous en donnons les moyens. Nous avons donc une magnifique occasion de développer de véritables « filières industrielles d’excellence », créatrices d’emplois et permettant de remplir nos objectifs climatiques, mais cela ne se fera pas tant que nous gaspillerons nos milliards dans des filières nucléaires sans avenir, un peu comme une armée mal engagée dans une bataille qui préfère sacrifier ses troupes dans une dernière charge, là où la victoire passe par un repli en bon ordre et un redéploiement des forces – cette métaphore s’adresse, elle, à l’ancien ministre de la défense qui siège parmi nous.

Les écologistes restent très attachés aux grands objectifs fixés par le Président de la République, à savoir le facteur 4 d’ici à 2050, à savoir la réduction de la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique d’ici à 2025, la réduction de la consommation finale d’énergie de 50 % d’ici à 2050 et de la consommation d’énergies fossiles de 30 % d’ici à 2030. Comme quoi, il y a au moins le groupe écologiste pour prêter foi aux engagements du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Malgré toute ma sympathie pour les histoires drôles et enchanteresses qui font rêver à un futur merveilleux, je suis désolé de devoir vous ramener sur terre : la fée électricité n’a plus de baguette magique, mais elle a un crayon pour additionner des coûts. Pour vous ramener au monde réel, le groupe écologiste est donc dans l’obligation de voter contre cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention devait prendre la forme d’une philippique, mais celle de M. Dantec va me conduire à en modifier quelque peu l’architecture.

Monsieur le ministre, reprenant une formule entendue pendant le week-end, je voudrais vous inviter à sortir de l’ambiguïté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

S’il y a des gens qui ne sont pas ambigus, ce sont les écologistes. Eux, au moins, ils sont constants : c’est un compliment qu’on peut leur faire. C’est donc bien à vous, monsieur le ministre, que je dis : « Sortez de l’ambiguïté ! »

Le débat sur la transition énergétique qui a été lancé est lui-même très ambigu. La vérité, c’est qu’il sous-tendait l’idée de tuer le nucléaire. Aujourd'hui, le débat est enrobé de considérations sur lesquelles vous allez peut-être revenir pour combler le silence qui s’est fait depuis quelque temps sur ce sujet. Peut-être allez-vous nous dire aussi quel calendrier le Gouvernement voudrait arrêter. Monsieur le ministre, sortez donc de l’ambiguïté !

Pour autant, il y a un point qui nous rassemble tous, y compris les écologistes, monsieur Dantec : quand vous parlez du développement des énergies renouvelables, vous croyez au devenir de l’électricité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

En effet, que produisent les éoliennes, le photovoltaïque et les autres équipements que vous recommandez, sinon de l’électricité ?

Or l’électricité présente trois avantages : d’abord, elle nous assure, compte tenu des choix qui ont été faits en France, une vraie indépendance ; ensuite, elle est la garante d’une efficacité économique du fait des prix et des filières industrielles que cette source d’énergie induit ; enfin, elle nous apporte une vraie performance écologique, notamment au vu de ce qui se passe en Allemagne. L’électricité produite en France émet cinq fois moins de CO2 que celle qui est produite en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Et cela pour une raison simple : l’électricité produite en France est à seulement 10 % d’origine carbonée, contre 59 % pour celle qui est produite en Allemagne.

Monsieur le ministre, sortez de l’ambiguïté !

Sur un point important, chers collègues de la majorité, vous entretenez – du moins certains d’entre vous, car je connais, par des conversations que j’ai avec tel ou tel, le vrai point de vue d’autres personnes appartenant également à la majorité – une confusion entre puissance installée et énergie produite. Quelques chiffres suffiront à expliciter mon propos.

Sur les 128 000 mégawatts d’électricité produits en France, les centrales et leurs 58 réacteurs nucléaires, qui représentent la moitié de la puissance installée, en produisent 73 %. Les centrales thermiques à flamme, qui représentent 20 % de la puissance installée, ne produisent que 9 % de notre électricité. L’hydraulique, qui représente 20 % de la puissance installée, produit 14 % de notre électricité. L’éolien, qui représente 12 % de la puissance installée, ne produit que 3 % de notre électricité. Quant au solaire, il représente 6 % de la puissance installée et ne produit que 0, 9 % de notre électricité.

Alors, arrêtez d’entretenir cette confusion en citant des chiffres qui mettent en valeur le développement des énergies renouvelables, de l’éolien, du photovoltaïque, car ces équipements, outre qu’ils sont très coûteux – j’y reviendrai dans un instant – ne représentent qu’une faible partie de notre production et, donc, de notre consommation d’électricité.

Sortez de l’ambiguïté aussi en cessant de faire croire que les régions peuvent être autonomes pour ce qui est de la production ou de la consommation d’électricité. Aujourd'hui, s’installe l’idée selon laquelle les énergies renouvelables permettraient, notamment là où la production est inférieure à la consommation – en Bretagne, par exemple, la production régionale ne couvre que 8 % de la consommation –, de satisfaire les besoins locaux.

Aujourd'hui, pour que le réseau soit équilibré, il est nécessaire de transporter l’électricité à travers tout le territoire. Et il faut même souvent recourir à des échanges avec les pays étrangers pour ajuster la demande et l’offre.

De surcroît, mes chers collègues, si vous voulez aller vers l’autonomisation des régions quant à la production d’électricité, vous vous heurterez inévitablement à la question de la péréquation tarifaire, avec tous les problèmes que cela pose.

Monsieur le ministre, sortez encore de l’ambiguïté pour ce qui est de la comparaison constamment réitérée avec l’Allemagne, pays pour lequel j’ai au demeurant la plus grande estime. Il ne s’agit pas ici de dire aux Allemands ce qu’il faut faire ; je me contente de constater ce qu’ils font.

J’ai entendu vanter les investissements réalisés par les Allemands dans le domaine de l’éolien et du photovoltaïque. Les chiffres que je vais citer à ce sujet n’émanent pas d’une cellule partisane : je les tire d’une étude faite à la fin 2012 par le Conseil d’analyse économique, organisme placé auprès du Premier ministre et présidé par ce dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Des professeurs Tournesol, dirait Marie-Noëlle Lienemann !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Que dit cette étude ? En Allemagne, l’éolien produit 40 térawattheures. Le coût de l’investissement est de 20 milliards d’euros.

Le photovoltaïque – entendez bien le chiffre ! – a coûté en investissements 112 milliards d'euros, pour produire… 12 terrawattheures.

Comparativement, en France, nos 58 réacteurs nucléaires produisent 400 terrawattheures – au lieu des 52 terrawattheures venant du photovoltaïque et de l’éolien en Allemagne –, pour un coût de 96 milliards d'euros. Quand bien même on y ajoute le coût du démantèlement, du retraitement – nous le connaissons, grâce à un certain nombre d’études –, on arrive à un coût total de 238 milliards d'euros, ce qui est d’ailleurs tout à fait compatible avec les prix avancés sur le montant du mégawattheure : entre 50 et 60 euros.

Par ailleurs, ne l’oublions pas, les Allemands ont fait le choix du charbon. Comment peut-on, à cette tribune, vanter la démarche de nos voisins d’outre-Rhin, qui sont en train d’augmenter la part du charbon dans leur production d’électricité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Ils utilisent aujourd’hui 42 % de charbon et 14 % de gaz pour produire leur électricité ! Et ils vont encore augmenter ces proportions ! Vous, monsieur le ministre, qui êtes très sensible aux bouleversements qui atteignent des paysages – j’ai lu et entendu ce que vous pensiez à ce sujet –, allez voir en Allemagne comment on retourne la surface du sol pour exploiter le lignite. Oui, le lignite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

On déplace les villages, les maisons, pour, ensuite, refermer le sol et laisser un chaos incroyable.

Le système électrique allemand nous pose, à nous Européens, le très grave problème des déséquilibres qu’il entraîne.

Premier facteur de déséquilibre : l’électricité produite en Allemagne devient moins chère parce que les Allemands utilisent le charbon et le lignite, qui est particulièrement bon marché.

Deuxième facteur de déséquilibre : ce pays produit par moments une grande quantité d’électricité – car c’est une électricité intermittente, aléatoire, du fait des éoliennes –, au-delà de ses propres besoins, et cette électricité en surplus doit être livrée immédiatement pour être consommée, sauf à ce qu’elle soit perdue. C’est ainsi que l’Allemagne nous cède cette électricité à un prix tellement bas que l’on parle même de prix négatif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

On nous paie pour accepter l’électricité allemande sur notre réseau ! Et une bonne part de cette électricité est chargée de carbone ! Savez-vous que certaines régions d’Allemagne refusent la traversée de leur territoire par les lignes de transport d’électricité, tout simplement parce que c’est une électricité trop carbonée ?

Parlons maintenant des prix. En Allemagne, le prix de l’électricité est deux fois supérieur à ce qu’il est en France. On parle sans cesse de compétitivité. Mais alors, pourquoi devrions-nous nous priver d’un outil qui permet à notre industrie de disposer d’une énergie relativement bon marché ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Et si on parlait de ce que cela nous fait perdre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Enfin, monsieur le ministre, soyez attentif à ne pas vous laisser entraver par des chaînes idéologiques qui vous privent de liberté de manœuvre, des chaînes qui tiennent à un accord électoral signé sur le coin d’une table.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Et vous, vous signez vos accords sur un rebord de chaise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

La France mérite mieux.

Monsieur le ministre, je suis persuadé que vous auriez vous-même cité les chiffres que j’ai mentionnés. Mettez votre intelligence et votre bon sens au service de notre pays, notamment dans le chantier que vous avez ouvert au titre de la transition énergétique.

Alors, sortez de l’ambiguïté ! Le cardinal de Retz a effectivement dit : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. » Mais il a également dit : « Ceux qui sont à la tête de grandes affaires ne trouvent pas moins d’embarras dans leur parti que dans celui de leurs ennemis. » En l’espèce, je parlerai simplement d’adversaires…

Monsieur le ministre, nous serons à vos côtés sur le chemin du bon sens et de la vérité ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, traiter de la transition énergétique, c’est s’attaquer à un immense chantier, qui doit sans doute faire l’objet d’un débat plus ample que celui auquel peut donner lieu une proposition de résolution. C’est aussi aborder un sujet d’avenir et d’une immense importance en matière de développement durable et d’économie.

Pour cette raison, le débat de ce soir est néanmoins nécessaire. Chacun d’entre nous doit l’aborder avec mesure, avec sincérité et avec, à l’esprit, tout l’enthousiasme que peut susciter une révolution positive en marche. Mon collègue Jean-Claude Lenoir en a d’ailleurs fait la démonstration à travers son intervention, qui a été passionnante.

Cette révolution a eu comme point d’orgue la réalisation du Grenelle de l’environnement et les deux lois qui ont suivi. Comment, ce soir, ne pas rendre hommage au travail considérable mené par Jean-Louis Borloo ?

De la concertation à la mise en œuvre, chacun a pris conscience des enjeux et des nécessaires réformes à faire. Les Français ont aujourd’hui une véritable « conscience durable », si je puis dire.

Cela nécessite encore des évolutions, notamment législatives. Les enjeux énergétiques sont primordiaux, comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de résolution.

Avant d’entrer dans le fond du sujet, je souhaiterais vous interpeller, monsieur le ministre, sur la future loi de transition énergétique. Depuis près de deux ans, nous l’attendons comme un morceau fondamental du plan de travail du Gouvernement. Vous êtes le troisième ministre en charge de l’environnement depuis l’élection de François Hollande et je rappelle que celle qui vous a précédé dans ces fonctions les a quittées dans les conditions que nous savons, en plein débat national sur la transition énergétique. J’ai peine à croire que cela n’a pas ralenti le cheminement de ce texte !

Pouvez-vous, ce soir, nous donner un calendrier précis sur ce projet et, éventuellement, nous indiquer les pistes de réforme sur lesquelles vous travaillez ? Ce sont des informations attendues.

J’en viens au fond de la proposition de résolution et aux questions de transition énergétique.

Le constat dressé est le bon. La France, l’Union européenne et, finalement, le monde entier sont face à une conjonction de difficultés qu’il faut résoudre en matière d’énergie, mais qui sont aussi, je le crois, une chance pour l’avenir.

Oui, il faut faire face à la raréfaction des énergies fossiles. Oui, l’insécurité dans l’approvisionnement pose problème. Oui, la hausse de la facture énergétique met des familles en difficulté. Et, oui, la lutte contre l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre doit être une priorité.

Nous sommes à un moment où les choix que notre pays va faire seront essentiels pour respecter les engagements que nous avons pris et quasiment primordiaux en ce qui concerne le rôle de la France dans la production mondiale d’énergie.

Serons-nous bien engagés dans la compétition mondiale ouverte sur les énergies renouvelables, comme notre pays l’était en matière de nucléaire ?

Nous sommes à mi-chemin de l’échéance concernant les objectifs dits des « trois fois vingt », censés être atteints d’ici à 2020. Nous ne sommes malheureusement pas à mi-chemin dans la réalisation de ces engagements. Nous devons faire plus, mieux et plus vite si nous souhaitons rester dans la droite ligne du travail accompli.

L’examen de cette proposition de résolution s’inscrit dans un contexte de préparation de la conférence de Paris de 2015 sur le climat et à un moment où la question de l’énergie occupe en Europe une place prépondérante, avec la tenue le 20 mars prochain d’un Conseil européen consacré à l’énergie et au climat et la publication concomitante du projet de paquet énergie-climat pour 2030.

J’en viens à notre production d’énergie et à la nécessaire transition énergétique.

Nous sommes favorables à un mix énergétique plus équilibré qui réponde aux besoins nouveaux et aux objectifs fixés. Cela signifie qu’il ne faut pas avoir de position dogmatique, mais, bien au contraire, être ouvert et souple dans les évolutions.

L’énergie d’origine nucléaire est la moins polluante en matière de rejet de gaz à effet de serre. Elle nous a permis de produire une énergie très peu coûteuse et d’être très compétitifs au niveau mondial.

L’énergie nucléaire est également à l’origine de notre indépendance énergétique. Peu de pays peuvent en dire autant !

Enfin, c’est un secteur qui emploie des dizaines de milliers de personnes en France. C’est donc une branche économique solide, sur laquelle nous pouvons compter en cette période de crise.

Si l’abandon du nucléaire chez nos voisins a permis de faire « grimper » la part des énergies renouvelables dans leur production, il a aussi engendré des difficultés : d’une part, une réutilisation des sources d’énergie carbonées, très productrices de CO2 ; d’autre part, le développement de difficultés de transport de l’énergie. Ainsi, en Allemagne, du fait d’un réseau mal adapté, il est difficile d’acheminer jusqu’au sud du pays une électricité d’origine éolienne généralement produite au nord.

Cela signifie qu’il faut conserver notre nucléaire et cesser de le dévaloriser. Il convient, au contraire, d’accompagner son évolution, son amélioration. Au-delà de la question de la production, cela permettra à notre secteur de recherche d’être toujours plus performant.

Le projet ITER, développé sur notre territoire, à Cadarache, constitue un laboratoire de recherche international unique au monde. Notre expérience et notre volonté nous ont permis, avec l’aide de l’Europe, d’obtenir ce fabuleux projet.

Il ne s’agit pas, bien sûr, de rester totalement béat devant le nucléaire. Et qui dit mix énergétique dit partage de la production. Il faut donc toujours plus d’énergies renouvelables, lesquelles, par définition, ne polluent pas et sont inépuisables. Pour ma part, j’estime aussi qu’elles sont une chance pour les territoires ruraux ; je les qualifie souvent de sources d’énergie de proximité. Elles sont un facteur important de développement économique, qui peut répondre à de nouvelles demandes et soutenir l’agriculture.

La consommation énergétique globale est en constante augmentation. Ce phénomène est nécessairement lié à l’augmentation de compétitivité et à l’amélioration de la qualité de vie. Les énergies renouvelables doivent impérativement venir compenser cette demande croissante.

Nous devons plus et mieux favoriser le développement de l’énergie photovoltaïque, de l’éolien, de la géothermie et de la méthanisation, afin de renforcer le dynamisme local, lequel peut déboucher sur de véritables filières industrielles françaises et donner des résultats en termes d’emploi et de balance commerciale.

Dans son très récent rapport sur la mise en œuvre par la France du paquet énergie-climat, la Cour des comptes estime que nous allons consacrer 37 milliards d’euros au développement des énergies nouvelles, alors qu’il en faudrait deux ou trois fois plus. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ? Le Gouvernement et surtout le Président de la République vont-ils s’engager fermement à cet égard ?

Un autre volet de la transition énergétique est naturellement incarné par la consommation énergétique elle-même ; on peut agir sur le niveau de la consommation et sur la gestion de son flux. L’énergie la moins chère et la moins polluante sera toujours celle que l’on n’utilise pas !

Nous devons soutenir et accompagner la rénovation thermique des bâtiments. Cela passe par des mesures incitatives pour mieux isoler les maisons, par une TVA elle aussi incitative dans le bâtiment et l’amélioration des passoires thermiques.

Vous avez, monsieur le ministre, lancé des appels d’offres pour le développement des compteurs communicants Linky et Gazpar, dits aussi « compteurs intelligents ». Ils seront nécessaires pour mieux gérer la consommation d’énergie des foyers, pour limiter et lisser les pics qui constituent l’une des principales difficultés de gestion de l’approvisionnement énergétique, surtout lorsque le pourcentage d’énergie renouvelable, par nature presque toujours intermittente, augmente.

Ces mesures auront un impact écologique mais aussi économique pour les foyers qui en bénéficieront. Ce sont souvent les mêmes qui habitent dans des logements mal isolés et qui ont des difficultés à régler une facture énergétique en continuelle augmentation. La loi Brottes était bien loin de régler ces difficultés.

Où en est-on de la progressivité réelle de la facture énergétique ?

Pour conclure, je souhaite remercier le groupe UMP d’avoir inscrit cette proposition de résolution à l’ordre du jour, en raison du sujet qu’il aborde, mais aussi parce qu’il permet de poursuivre le débat, qui s’est tenu voilà un mois, sur la production énergétique française, organisé à la demande du groupe RDSE, mais qui a été finalement tronqué puisque tous les orateurs inscrits n’ont pas pu s’exprimer et que le Gouvernement n’a pas pu répondre aux interventions.

Sur le fond, le constat et les sujets abordés par cette proposition de résolution sont soutenus par le groupe UDI-UC.

Nous ne partageons sans doute pas la hiérarchisation des propositions opérée dans le texte. §

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde s’accorde sur un point : la transition énergétique est devenue nécessaire, voire inéluctable, pour répondre à l’augmentation continue du prix du pétrole et au réchauffement climatique. Ce débat, le deuxième sur ce sujet depuis le début de l’année, est donc le bienvenu.

Cependant, dès que l’on parle de transition énergétique, de nouvelles interrogations apparaissent. Quelle énergie, et au service de qui ? Une transition décidée par qui, comment, sur quels critères ? En combien de temps ?

Toutes ces questions révèlent des tensions entre enjeux et acteurs différents. Ainsi, nous devons trouver de nouveaux modes de développement, de vie et de déplacement, réduire nos besoins et trouver de nouvelles sources d’énergie, sans toutefois fragiliser nos tissus économiques et sociaux ni renoncer complètement à notre confort, tout en étant attentifs à nos factures. Voilà bien des contradictions !

C’est dans ce contexte que nous débattons de cette proposition de résolution.

D’un point de vue économique, il est plus aisé d’aborder tout changement lorsqu’on se sent fort et rassuré. Or, aujourd’hui, c’est plutôt la « précarité » énergétique qui se développe en France. Nous regrettons, chers collègues, que vous n’utilisiez pratiquement pas ce terme dans votre proposition de résolution. Pourtant, la paupérisation d’une frange importante de la population soustrait celle-ci à l’accès à ce bien de première nécessité qu’est l’énergie. En outre, se profile toujours le risque d’une remise en cause du droit pour chacun d’accéder à l’énergie : que l’on songe à la volonté avortée de mise en place d’un bonus-malus énergétique...

La question énergétique est politique et sociétale avant d’être technique.

Nous devons prendre garde à ne pas transformer le droit des usagers-citoyens en une question de solvabilité du client.

De plus, le secteur énergétique a été largement libéralisé. Or la concurrence et la production privée ne peuvent assurer, à elles seules, un droit égal pour tous à l’énergie. Elles ont, en revanche, contribué à des hausses tarifaires importantes. Seule l’existence d’un grand service public garantit ce droit. Mais, à aucun moment, cette option n’apparaît dans votre proposition de résolution.

Par ailleurs, au regard des travaux de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité, dont j’étais membre, nous ne souscrivons toujours pas au postulat d’une hausse inéluctable des tarifs de l’énergie qui guiderait les choix énergétiques de demain.

Le débat national organisé l’an dernier était, convenons-en, extrêmement complexe : sa seule organisation n’a-t-elle pas nécessité un document de 106 pages ?

Certaines questions n’ont pas été évoquées, entre autres celles des externalités et des hausses tarifaires. Or nos concitoyens doivent disposer d’un état des technologies disponibles, de leurs atouts, de leurs risques. Il est important d’avoir des informations précises et dépassionnées sur toutes les solutions possibles en matière de mix énergétique : par exemple, le bilan carbone des énergies renouvelables, le bilan des aides publiques indirectes et directes, une évaluation des perspectives en termes d’emploi, d’activité industrielle ou de filière.

Nous le savons, et vous le rappelez dans votre proposition de résolution, il y aura pénurie de pétrole dans un futur proche. Toutefois, la course aux hydrocarbures est loin d’être terminée. Certes, l’énergie nucléaire nous a assuré une certaine indépendance énergétique et nous a fait bénéficier de l’électricité la moins chère d’Europe. Mais, après le dramatique accident de Fukushima, nous avons des exigences encore plus élevées en termes de surveillance et de maintenance des centrales. Il nous faut abandonner la sous-traitance et rendre à l’opérateur historique son rôle majeur, dégagé des contraintes de rentabilité.

Nous devons, de plus, réduire progressivement la voilure, de manière réaliste et raisonnable, contrairement à ce que vous proposez dans votre texte.

L’hydroélectricité, que vous évoquez également, est la première ressource d’énergie renouvelable et stockable en France. Les investissements réalisés dans notre pays nous permettent de bénéficier d’une capacité d’énergie dont le coût de production est plus faible que celui tout autre moyen de production. Pourtant, la perte de son statut d’établissement public et la suppression du droit de préférence portent juridiquement l’idée d’une mise en concurrence des concessions hydroélectriques.

La France serait donc le seul pays à offrir au marché ses torrents, ses rivières, ses lacs et ses fleuves, alors que les autres États européens ont pris des dispositions protectionnistes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Nous sommes, vous le comprendrez, opposés à une telle ouverture à la concurrence.

Autre question, et non des plus anodines, abordée par la proposition de résolution : l’effacement.

Pour conduire à une meilleure sobriété énergétique, l’effacement s’inscrit dans une logique vertueuse qui consiste à décaler une consommation d’énergie, et non pas à l’annuler systématiquement. Seul un système public intégré doit être mis en œuvre, piloté par RTE, ERDF et l’État.

Nous devons aussi miser sur l’installation massive des compteurs intelligents. À ce sujet, monsieur le ministre, pouvez-vous me dire où en est l’appel d’offres ? Vous le savez, je soutiens l’entreprise Landis+Gyr de Montluçon, qui pourrait fabriquer ces compteurs et même développer les suivants, encore plus communicants. J’attends votre réponse.

L’effacement doit reposer, selon nous, sur le volontariat et une réduction de facture pour l’usager, sans que cela entraîne pour lui la moindre restriction. Les gains pour la collectivité doivent permettre de financer la réalisation de travaux d’économie d’énergie, et non enrichir un nombre réduit d’agrégateurs commerciaux. Or la mise en place du marché de capacités que nos collègues de l’UMP appellent de leurs vœux est tout simplement contraire à ces objectifs, donc à l’intérêt général.

L’État stratège doit rester responsable de la cohérence nationale de la politique énergétique, de son efficacité, dans l’intérêt général, et de ses déclinaisons fiscales. Nous ne pensons pas, même si l’idée est séduisante, que la transition énergétique se fera par le biais d’une organisation régionale de l’énergie.

Une variabilité des prix selon le territoire est très dangereuse. §Aux fractures déjà existantes en termes de transport et de présence des services publics, dont nous parlons tant dans cet hémicycle, s’ajouterait une fracture énergétique ; sans compter l’impératif d’une cohérence globale des réseaux de transport et de distribution.

La péréquation doit être le fil conducteur de toute politique énergétique.

Parce que les solutions énergétiques d’aujourd’hui sont appelées à bouger, la constitution d’un « pôle public de l’énergie », dont l’État serait le pivot, s’impose. Il serait la garantie du développement d’une filière multi-énergie performante. Il permettrait de favoriser la sécurité et les recherches fondamentales – sur la filière hydrogène, par exemple – et appliquées. De même, seul l’État peut structurer et pérenniser une filière de la rénovation thermique.

Pour toutes ces raisons, et parce tout ne peut être affaires de compétitivité, notre vision est aux antipodes de celle qui sous-tend cette proposition de résolution. C’est pourquoi les sénateurs du groupe CRC ne la voteront pas. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma première remarque sera pour dire que le titre même de cette proposition de résolution manque singulièrement d’ambition.

Ne devrions-nous pas prendre une résolution « favorable » à la transition énergétique, et non simplement « relative » à cette transition ? Je crains que ce titre ne reflète, en fait, le contenu même du texte, qu’il s’agisse de sa philosophie ou des moyens qu’il envisage.

Cette proposition de résolution souligne la nécessité de produire suffisamment d’énergie pour satisfaire les besoins. Certes, dans un système énergétique, il est indispensable d’équilibrer l’offre et la demande, mais c’est une chose de produire plus, c’en est une autre – préférable à mon sens – de produire mieux.

Produire mieux, cela signifie non seulement produire sans émettre de gaz à effet de serre, mais aussi limiter la consommation de sources d’énergie, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

... tout particulièrement lorsque celles-ci, comme l’uranium, proviennent de pays politiquement instables !

Raison de plus, oserais-je dire, d’aller vers un rééquilibrage du mix énergétique associé à une baisse de la part du nucléaire à 50 %, cette dernière étant accompagnée, bien évidemment, par le développement des énergies renouvelables et des économies d’énergie.

C’est pourquoi je plaide aussi pour un développement des énergies renouvelables. Les coûts de soutien aux nouvelles installations photovoltaïques n’ont plus rien à voir avec ceux qui, voilà quelques années, ont causé une bulle mal contrôlée. Quant à l’éolien, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ou ADEME, notait au mois de novembre dernier qu’il participait à l’équilibre de l’offre et de la demande du système électrique national et qu’il était déjà proche de la compétitivité économique.

C’est bien dans ce domaine que la France a les plus grandes opportunités et qu’elle peut au mieux exploiter ses ressources naturelles comme sa capacité de recherche. Car la France est un pays riche en ressources énergétiques : nous avons du vent, des forêts, du soleil, et nos côtes sont dotées d’un grand potentiel pour ce qui concerne les énergies marines ! Nous avons aussi des organismes de recherche, des industriels actifs. Si la volonté politique est là, si les réglementations sont adaptées et simplifiées – je sais que telle est votre intention, monsieur le ministre –, notre pays aura les moyens d’être l’un des leaders du monde énergétique de demain.

Produire mieux, cela signifie également produire d’une manière mieux ajustée aux besoins. Comparez, mes chers collègues, la courbe de la production nucléaire avec celle des besoins : vous constaterez qu’elles sont très différentes. Les besoins varient sans cesse au cours de la journée, alors que l’énergie nucléaire est très peu flexible. On aura beau renouveler les réacteurs, ce principe de base demeurera inchangé : il existe forcément une limite supérieure au-delà de laquelle le nucléaire n’a plus de sens, sauf si l’électricité produite est stockée. On ne se rend guère compte de ce fait, parce que l’électricité nucléaire française est, d’une certaine manière, stockée dans des barrages de montagne français ou suisses.

La limite au développement des énergies renouvelables est la même : au-delà d’un certain niveau, régulièrement atteint en Allemagne, celles-ci mettent en danger la stabilité du réseau ou désorganisent les marchés de vente d’électricité. La solution sera probablement la même : le stockage.

La proposition de résolution n’évoque pourtant que très rapidement le stockage, alors que ce dernier constitue sans doute la clé de l’évolution du système énergétique dans les vingt prochaines années.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

On nous oppose que le stockage dans des barrages de montagne atteint ses limites, mais la recherche poursuit de nombreuses autres pistes, par exemple l’hydrogène. Or cette solution n’est même pas mentionnée par les auteurs de la proposition de résolution !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cette remarque me conduit à en formuler une autre. À aucun moment, nos collègues n’ont abordé la question des gaz de schiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Il est vrai que l’on ne peut pas dans le même temps préconiser, comme le font les auteurs de la proposition de résolution, la réduction de la part des énergies fossiles au profit de l’électricité et évoquer la nécessité d’exploiter les gaz de schiste qui sont eux-mêmes une énergie fossile. Qu’en pensent certains d’entre vous, mes chers collègues, qui semblent très favorables aux gaz de schiste ? Vous n’en avez pas parlé...

Cela étant, mieux adapter la production et la consommation, c’est aussi favoriser l’efficacité énergétique. Dans la proposition de résolution, il est souligné, à juste titre, que cela doit demeurer une priorité, dans un objectif d’indépendance énergétique comme de lutte contre la précarité énergétique. C’est bien de le réaffirmer ; c’est encore mieux d’agir.

Le Gouvernement a mis en place un service public de proximité pour la rénovation énergétique du bâtiment, avec un guichet unique et plus de 450 Points rénovation info service, une TVA à 5, 5 % pour cette rénovation, de nouvelles primes, un crédit d’impôt développement durable simplifié, les certificats d’économie d’énergie pour une nouvelle période, etc. Il prévoit aussi la création d’un fonds national de garantie de la rénovation thermique.

Mes chers collègues, la rénovation thermique est certainement le meilleur moyen de lutter contre la précarité énergétique, avec en complément, comme cela a été décidé, l’extension des tarifs sociaux à 8 millions de personnes et la mise en place de la trêve hivernale.

Bref, face à ces enjeux, que proposent les auteurs du texte qui nous est soumis ? Ils posent comme premier objectif le développement de la filière nucléaire. Je ne remets pas en cause le choix historique du nucléaire dans le troisième tiers du siècle dernier, mais je dois faire observer qu’il s’agissait d’abord d’un choix politique en faveur de l’indépendance nationale énergétique et économique.

Nos collègues critiquent ensuite le coût du soutien aux énergies renouvelables. Si le choix du nucléaire avait été fondé sur un tel calcul financier de court terme, nul doute que les 58 réacteurs nucléaires n’auraient jamais été construits ! Face à la transition énergétique, ne devons-nous pas faire preuve de la même audace en faveur des secteurs d’avenir ?

Les auteurs du présent texte préconisent aussi le renouvellement rapide des concessions hydroélectriques, comme si la mise en concurrence allait accroître le débit des rivières et la production des barrages ! Je considère que l’ouverture à la concurrence de ces concessions constitue une solution prématurée et ressemble à un bradage de notre patrimoine. Jean-Jacques Mirassou et Delphine Bataille, notamment, et moi-même avons déposé sur ce sujet une proposition de loi.

Pourquoi seule la France devrait-elle ouvrir l’hydraulique à la concurrence, et ce en l’absence de réciprocité avec les autres États membres ? Et quelle serait l’efficacité d’une telle décision, si le parc est coupé en morceaux ? On l’oublie trop facilement, les barrages constituent des biens publics nationaux financés par les consommateurs français. De surcroît, qu’en sera-t-il de la nécessaire coordination nationale en cas d’épisodes hydrométéorologiques extrêmes ? Qu’adviendra-t-il alors de la gestion coordonnée des réserves en eau exercée actuellement par EDF ? Enfin, qui peut assurer que l’intérêt patrimonial de l’État sera garanti dans la durée, que les promesses d’investissement seront tenues, qu’il n’y aura pas de perte d’optimisation à l’échelon national, que le Centre d’ingénierie hydraulique, qui compte 950 salariés, n’éclatera pas ?

Faut-il évoquer le devenir de l’ensemble des personnels non directement rattachés aux sites de production, ou encore la hausse mécanique des prix ? Jean-Jacques Mirassou reviendra plus en détail sur ce sujet.

Cela étant, la proposition de résolution ne mentionne les autres énergies renouvelables, celles qui ont un véritable potentiel, que pour critiquer le coût du soutien qui leur est apporté, ignorant la diminution de ce coût pour les nouvelles installations.

De plus, il est proposé de limiter le soutien aux « filières les plus compétitives ». Or une filière qui est déjà compétitive a moins besoin d’être soutenue ! Le soutien doit être apporté à des filières qui, sans être encore compétitives, présentent un potentiel environnemental et économique qui les rendra compétitives à terme : éolien maritime, hydrolien, biogaz...

Monsieur le ministre, j’apprécie que seize des trente-quatre plans industriels constituent également des réponses industrielles au défi de la transition écologique, tout comme j’apprécie la mise en place des contrats de filière dans le domaine des énergies renouvelables avec les objectifs suivants : la création de 125 000 emplois, une balance commerciale positive pour les équipements, une plus grande visibilité à l’égard des orientations, un soutien à l’exportation.

Enfin, aucune référence n’est faite aux nouveaux enjeux dans cette proposition de résolution. Je citerai, par exemple, l’autoconsommation, qui a fait l’objet d’un colloque au Sénat à l’automne dernier.

Il faudra favoriser la production d’énergies locales, que ce soit à l’échelle d’une maison, d’un quartier, d’une agglomération. Certes, je le reconnais, les enjeux sont complexes. Il faudra préserver le financement des réseaux et, sans doute, commencer par l’équipement des bâtiments tertiaires qui peuvent consommer l’électricité au moment où elle est produite par les panneaux photovoltaïques.

En conclusion, il est dommage que le texte qui nous est soumis laisse de côté tant d’enjeux essentiels. Loin de tracer le contour d’une transition énergétique, il tend en fait au maintien de la situation actuelle et ne permet pas à notre assemblée de définir une vision claire du système énergétique vers lequel devront se tourner notre société et notre économie d’ici à 2050.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste ne voteront pas en faveur de cette proposition de résolution. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution défendue par M. Poniatowski constitue une nouvelle occasion de débattre de ce que l’on appelle la « transition énergétique ». La chose n’est pas nouvelle. Dans le Dictionnaire des idées reçues, Flaubert écrivait déjà que « notre époque » – il s’agissait bien de la sienne –, il fallait « l’appeler époque de transition. » Mais transition vers quoi ?

Il n’est pas douteux que le réchauffement climatique, le coût croissant des hydrocarbures, – l’après-pétrole, c’est un pétrole plus cher, soyons francs –, la perspective d’arrivée à maturité d’énergies nouvelles obligent à conduire une politique volontariste.

Cependant, la volonté politique doit être éclairée. On ne peut pas remplacer celle-ci par un acte de foi dans les énergies renouvelables ni la rationalité par la chasse aux coquecigrues ! §Le nucléaire est ostracisé par Ronan Dantec, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… d’un principe de précaution qui ne répond à aucune exigence scientifique et qui ne reprend rien d’autre que le proverbe de nos grand-mères : deux précautions valent mieux qu’une ! Et pourquoi pas 347 précautions plutôt que 346 !

Or, mes chers collègues, la France, eu égard à la crise de compétitivité qu’elle connaît, laquelle a été judicieusement analysée dans le rapport Gallois, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… document repris à son compte par le Gouvernement et le Président de la République, ne peut ni négliger le coût des importations d’hydrocarbures bruts et raffinés, soit 66 milliards d’euros en 2013, ni gaspiller l’atout que lui donne l’électricité la moins chère d’Europe. D’ailleurs, ce fait devrait constituer un avantage comparatif à même de permettre à notre pays d’enrayer l’érosion de son tissu industriel manifeste depuis plus de trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre, il est temps d’introduire un peu de rigueur dans notre politique énergétique. On ne peut pas mettre tous les objectifs sur le même plan.

La priorité donnée aux énergies renouvelables, sans prise en considération de leur coût, est une hérésie ! Le coût de la production d’un mégawattheure dans le parc nucléaire actuel s’établit à 50 euros environ. Si l’on tient compte des travaux préconisés par l’Autorité de sûreté nucléaire après l’accident survenu à Fukushima, il « monte » à 55 euros.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

On peut en débattre. C’est un ordre de grandeur.

Comparons avec le prix d’un mégawattheure de gaz – de 70 euros à 80 euros –, de l’énergie éolienne terrestre – de 80 euros à 85 euros –, de l’énergie produite par les parcs photovoltaïques au sol – de 120 euros à 150 euros –, de l’énergie éolienne offshore – de 150 euros à 250 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Voilà des chiffres peu contestables.

Vous le savez très bien, mes chers collègues, les énergies renouvelables, en dehors de l’éolien terrestre, ne sont pas arrivées à maturité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

La contribution au service public de l’électricité, la CSPE, dont les deux tiers leur sont destinés, atteint déjà plusieurs milliards d’euros. Elle représente environ 15 % du prix acquitté par le consommateur. Je ne dis rien là de révoltant, c’est la réalité ! En Allemagne, ce coût dépasse 14 milliards d’euros l’an. Monsieur le ministre, votre collègue le nouveau ministre fédéral de l’économie et de l’énergie allemand, par ailleurs vice-chancelier, M. Sigmar Gabriel, a donné un coup de frein au développement des énergies renouvelables au mois de janvier dernier.

La part des énergies fossiles dans la production d’électricité en Allemagne va demeurer stable et même un peu augmenter – supérieure à 60 % – pendant les dix prochaines années ; M. Lenoir l’a dit avant moi. Les chiffres dont je dispose vont encore plus loin : la teneur en gaz carbonique du kilowattheure est plus de dix fois supérieure en Allemagne qu’elle ne l’est en France. De nouvelles centrales au lignite ou au charbon ont été ou vont être mises en service cette année, pour plus de 6 gigawatts. On ne voit pas comment l’Allemagne pourra remplir l’objectif d’une réduction de 40 % des émissions du gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1999. C’est une question qu’il faut poser à nos amis : comment feront-ils ?

Enfin, la facture d’électricité pèse deux fois plus lourd sur les ménages outre-Rhin qu’en France, ce n’est pas contestable, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

... même si les industries bénéficient d’une exonération à vrai dire peu compatible avec les règles de la concurrence. Qui s’en est avisé ?

Monsieur le ministre, vous le savez très bien, il n’y a pas qu’un problème de coût. Les énergies éolienne ou solaire se caractérisent par leur intermittence. Il faut donc effectuer des investissements pour le stockage de l’électricité. Or ce problème n’est pas résolu à ce jour. Voyez le prix des batteries ! Je connais le dossier de la pile à combustible. Cette technologie n’a pas encore atteint la compétitivité, loin de là. Cela étant, on peut poursuivre la recherche en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Pour les réseaux, l’Allemagne devra mobiliser 60 milliards d’euros d’ici à 2020, selon son ministère de l’énergie.

Bref, disons-le : au moins dans le domaine énergétique, l’Allemagne n’est pas un modèle à suivre !

Du reste, qui paiera la facture des réseaux nécessaires à l’acheminement des flux au sein d’un « système électrique européen » ? J’ai cru entendre M. Poniatowski préconiser des investissements dans ce domaine, mais qui les financera ? C’est là une question intéressante. Je serais heureux que M. le ministre nous aide à y répondre.

Il faut également construire des centrales pour assumer la consommation de base, naturellement plus forte la nuit que le jour. Du point de vue de la minimisation du coût de revient et de la faiblesse des émissions de gaz à effet de serre, rien ne peut remplacer les centrales nucléaires.

C’est pourquoi j’approuve la prolongation de la durée de vie de nos centrales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… ainsi que le lancement d’un certain nombre de chantiers d’EPR, car nous ne pouvons pas nous enfermer dans la perspective d’une stagnation économique de longue durée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Parallèlement, il nous faut exporter notre électricité et nos réacteurs. Notre industrie nucléaire doit aller là où est le marché !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Elle doit s’y adapter, en proposant, notamment, des réacteurs de 1 000 mégawatts, mieux adaptés à la demande que les EPR, conçus à une autre époque.

Quant à la fermeture du site de Fessenheim, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… qui représente plusieurs milliards d’euros, elle serait plus qu’un non-sens. J’ai entendu dire que le futur projet de loi de programmation sur la transition énergétique pourrait dissocier la procédure d’arrêt d’une centrale de la constitution d’un dossier de démantèlement. J’ose espérer que cette palinodie nous sera épargnée. À l’heure où le Gouvernement recherche 50 milliards d’euros d’économies, je vous adjure de mesurer combien serait désastreux un tel signal, à destination des pays étrangers, qui nous observent.

A contrario, il faut aller de l’avant. Je n’évoquerai pas le réacteur de quatrième génération, même s’il a tout son intérêt, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… si nous souhaitons atteindre un mix énergétique équilibré et fortement décarboné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je conclus, monsieur le président.

Monsieur le ministre, l’enjeu du climat peut nous réunir. Je ne développerai pas cet aspect plus avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Peut également nous réunir le fait que, les prix de l’énergie restant durablement orientés à la hausse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… il faut mobiliser des moyens très importants pour améliorer l’efficacité énergétique du parc résidentiel existant.

Peut nous réunir la promotion de la recherche, au sujet du photovoltaïque, qui trouverait au Maghreb le terrain d’une expérimentation rentable, sans oublier la pile à combustible, ou encore l’économie de l’hydrogène, en coopération avec l’Allemagne.

Nous aboutirons à un accord si vous parvenez à dégager les crédits nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Mais, je vous en conjure, ne placez pas les crédits publics dans des expérimentations non rentables, qui coûtent des milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Ne gâchez pas notre atout nucléaire, qui est une réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je tiens à remercier une nouvelle fois MM. Poniatowski et Gaudin d’avoir donné au Sénat l’occasion de se pencher sur ce dossier majeur.

Pour ma part, je lance un appel pressant à la cohérence gouvernementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Pour convaincre, la politique du Gouvernement doit être frappée du sceau d’une rigueur avant tout intellectuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Rien de ce que j’ai lu ne me choque dans cette proposition de résolution. La réduction de la consommation de combustibles fossiles doit être l’axe central de la politique énergétique française pour les prochaines décennies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Cet objectif devrait nous réunir, si chacun de nous écoutait son bon sens.

À cet égard, je ne désespère pas de convaincre, sinon toute la majorité – je crains de ne pouvoir persuader M. Dantec ! –, … §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

M. Jean Bizet. Mais M. Desessard est d’accord !

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… du moins sa principale composante, qui se réclame encore de l’héritage des Lumières.

Monsieur le ministre, il y va de la reconquête de notre compétitivité, c’est-à-dire de l’intérêt national, tel que l’a lui-même défini le Président de la République ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution arrive à point nommé. Après le Grenelle de l’environnement hier et, plus récemment, le débat sur la transition énergétique, le moment est venu et attendu : où va-t-on ?

Les enjeux sont énormes et les sujets nombreux.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, le convaincu de l’intérêt de la filière solaire que je suis – je prie ceux qui ne semblent pas l’être réellement de m’en excuser – espère que le futur projet de loi permettra d’aboutir à une politique s’inscrivant dans la durée d’une filière qui doit trouver sa place en France et en Europe.

Contrairement aux idées reçues et répandues, même dans cet hémicycle – j’ai pu le constater ce soir –, puis-je rappeler que, à l’échelon mondial, la filière solaire progresse de 20 % par an, pour une capacité de 35 gigawatts ? Les experts s’accordent à dire que, en 2020, la capacité de production annuelle sera de 70 à 100 gigawatts. Aujourd’hui, cette énergie est au prix du marché dans près de vingt pays à travers le monde. Elle le sera dans plus de deux cents États à l’horizon de 2020.

Alors que la qualité des équipements européens est déjà reconnue, dans ce domaine, à l’échelle internationale, le projet d’une alliance entre la France et l’Allemagne, dit « Airbus solaire », doit permettre à l’Europe de placer sa technologie au plus haut niveau du marché du solaire mondial. Ce projet dément le point de vue de ceux qui considèrent déjà que l’Europe doit déclarer forfait ou se mettre elle-même hors-jeu. Ayons la fierté de constater que notre major français, le groupe Total, est l’un des leaders mondiaux en la matière.

Cela étant, monsieur le ministre, je concentrerai mon propos sur un volet encore trop méconnu – j’en ai eu confirmation voilà un instant –, celui des industriels gros consommateurs et de leur place dans la transition énergétique.

La région Rhône-Alpes, dont je suis l’élu, est intimement liée à l’histoire de l’hydroélectricité. Aujourd’hui encore, elle regroupe plus de 50 % des industries électro-intensives. Vous comprendrez notre attention autant que notre préoccupation. La reprise récente du site d’aluminium de Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne par le groupe allemand Trimet qui a fait la une pendant quelques mois s’inscrit tout simplement dans cette réalité.

Oui, le rapport Gallois – ce constat a été rappelé fort utilement – place les énergies de l’industrie au rang de ses préoccupations.

Je ne vous cacherai pas la déception que j’ai éprouvée en constatant que l’industrie n’a pas trouvé sa place dans le débat relatif à la transition énergétique.

J’aurais pu évoquer l’agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie, son évolution avec la prolongation des centrales nucléaires, ou l’importance de l’enjeu des concessions hydrauliques, dont le renouvellement doit être apprécié et constituer une opportunité. À cet égard, je m’inscris dans la droite ligne des propos développés par Ladislas Poniatowski et Jean-Claude Lenoir, et de ceux qu’a tenus à l’instant M. Chevènement.

À l’heure où tous les pays industriels mobilisent leurs capacités énergétiques en faveur de leur industrie, avec le charbon dans bon nombre de pays, y compris en Europe, ou le gaz de schiste aux États-Unis, la France serait bien inspirée de valoriser ses capacités de production plus vertueuses que tant d’autres.

La tentation est forte de la comparaison avec notre voisin allemand, qui a délibérément construit un modèle en faveur de son industrie.

L’excellent document de travail relatif à la comparaison des prix de l’électricité en France et en Allemagne, établi par la direction générale du Trésor, résume la situation dans son ensemble.

Oui, notre voisin allemand a clairement posé pour principe un prix attractif pour les gros consommateurs.

Oui, il a privilégié son industrie et fait supporter prioritairement par les consommateurs la charge fiscale et l’effort de la politique en matière d’énergies renouvelables.

Oui, l’allégement du coût des transports, contrairement à notre principe dit « du timbre-poste », est mis, en Allemagne, à la charge des consommateurs.

Vous me répliquerez qu’il s’agit là d’une philosophie toute différente. C’est vrai. Mais cette question vient d’être évoquée : l’Europe s’interroge sur ces dispositions, qui peuvent être considérées comme des aides directes.

À ce stade, je limiterai mon propos à la proposition 18 de la présente proposition de résolution. Il s’agit de l’effacement et du marché capacitaire, qui répondent directement aux préoccupations des industriels gros consommateurs et leur permettraient de réduire leur facture d’électricité de 10 % à 15 % par an tout en satisfaisant aux enjeux de la transition énergétique.

Deux chiffres suffisent à planter le décor.

Voilà un peu plus de dix ans, EDF procédait à plus de 6 gigawatts d’effacement par an. Aujourd’hui, c’est moins de la moitié.

Les États-Unis, que l’on a tendance à considérer uniquement à travers le gaz de schiste, ont depuis plusieurs années engagé une politique d’effacement qui dépasse les 10 % de leur production d’électricité, soit plus de vingt fois les volumes de l’effacement en France.

Monsieur le ministre, pour obtenir une bonne illustration, examinons la situation de la France en 2013. Je note d’emblée que cette année peut être considérée comme stable, puisque la faible progression qu’elle a enregistrée concerne essentiellement les exportations. Malgré cela, la production hydraulique a crû de plus de 19 %, tandis que les moyens thermiques ont diminué de 7 %.

Las, en dépit de cette réduction des capacités thermiques, le charbon a progressé en France de plus de 14 %. Il représente aujourd’hui la moitié de la production thermique nationale. Sur les 29 millions de tonnes de CO2 correspondant à la production d’électricité en France, 19 millions sont liés au charbon.

Parallèlement, l’effacement est tombé à l’un de ses plus bas niveaux historiques, alors que les moyens dont disposent aujourd’hui les industriels sur ce front auraient permis de compenser largement la production de charbon.

Prenons la situation d’une industrie électro-intensive spécialisée dans le silicium, directement liée au marché solaire mondial de surcroît, et dont l’énergie représente plus de 20 % des coûts : la non-mobilisation de cet effacement prive l’entreprise de sa marge d’équilibre.

Je pourrais citer de nombreux autres exemples. Il se trouve que j’ai invoqué celui-ci, car j’ai le souvenir de cet entrepreneur espagnol, qui a repris cette entreprise française bien connue sous le nom de PEM – Péchiney Électrométallurgie. Voilà quelques années, celui-ci faisait clairement état de son intérêt pour le coût de l’énergie française. Il se montrait notamment désireux de concourir à la modernisation de notre parc nucléaire.

Le hasard a voulu que je reçoive, aujourd’hui même, une coupure de presse dont je ne manquerai pas de vous transmettre copie, monsieur le ministre. On y apprend qu’il y a quelques jours à peine, ce même industriel s’est vu proposer par le Québec des conditions attractives pour implanter, sur le territoire québécois, de nouvelles usines.

On mesure tout l’intérêt de relier le problème du prix de l’énergie à la situation de notre industrie !

Or, tandis que la France persiste dans sa résistance face à l’effacement, aux États-Unis, la seule Californie mobilise plus de 200 millions d’euros pour assurer une politique efficace en la matière. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne consacrent chacune 300 millions d’euros à l’amélioration de cette efficacité énergétique. Le Japon vient, lui aussi, de s’engager dans cette démarche. Même l’Afrique s’aperçoit du bénéfice qu’elle pourrait en tirer. Le seul Cameroun, dont la capacité électrique est cent fois inférieure à celle de la France, va procéder à un effacement du même volume que notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Est-ce un problème législatif ? Non ! Puis-je rappeler l’excellent rapport Poignant-Sido, qui en a posé le principe ? La loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », en a traduit les dispositions, puis, plus récemment, la loi Brottes en a défini les mesures d’application.

Est-ce un défaut d’outils ? Non ! Réseau de transport d’électricité a accompli un formidable travail et peut être considéré aujourd’hui comme un véritable outil de référence. Toutefois, quand vous visitez la salle de contrôle de RTE et que vous demandez pour quelles raisons on n’emploie pas des énergies propres plutôt que du charbon, on vous répond simplement que c’est une question politique, laquelle ne relève pas de l’opérateur.

Oui, monsieur le ministre, pour bénéficier de cette capacité d’effacement, une seule chose manque à notre pays. Ce n’est pas une loi. Ce ne sont pas des outils. C’est la volonté politique ! Elle permettrait à nos industries de bénéficier de ces capacités d’effacement. Sur le plan écologique, elle nous permettrait de répondre aux enjeux en termes d’émissions de CO2. Sur le plan économique, elle garantirait une réduction, pour les gros consommateurs, de 10 % à 15 % de leur facture d’électricité. Enfin, elle concourrait à l’ambition de la transition énergétique.

N’est-ce pas une belle ambition, un beau défi, que de permettre à notre industrie de participer à cette transition, en disposant d’une énergie compatible avec ses impératifs de production ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, il convient de souligner que les membres du groupe UMP ont choisi de déposer, au mois de décembre dernier, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, alors même qu’un projet de loi de programmation sur la transition énergétique était en cours d’élaboration.

Il s’agit donc sans doute pour nos collègues de réaffirmer leurs positions avant de disposer du texte du Gouvernement qui devrait être soumis prochainement au Parlement. Espérons qu’il ne s’agisse pas, à ce titre, de fermer la porte à tout débat, avant même de connaître le contenu de ce projet de loi !

Vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste ne voteront pas cette proposition de résolution, qui prend acte de divers choix en matière de politique énergétique avant même que nous soit soumis le projet de loi qui décidera de l’avenir énergétique de la France.

Ce texte en préparation a donné lieu à de nombreux travaux préalables, notamment dans le cadre de la dernière conférence environnementale et des huit groupes de travail du Conseil national sur la transition énergétique, installé à la fin de l’année 2012.

Chaque groupe a ainsi remis un rapport sur un thème circonscrit, tels que les orientations en matière d’efficacité énergétique, la trajectoire permettant d’atteindre le mix énergétique, les choix concernant les énergies renouvelables, ou encore les coûts et le financement de la transition énergétique.

La présente proposition de résolution vise deux objectifs que nous pouvons partager : la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et la limitation des rejets de gaz à effet de serre.

Elle accorde la priorité à la production d’électricité et soutient donc la prolongation de la durée d’exploitation du parc nucléaire et la poursuite du programme EPR comme du programme relatif aux réacteurs de quatrième génération.

Pour préserver l’indépendance de notre pays tout en diversifiant nos sources d’énergie, il ne paraît pas opportun de diminuer nos capacités de production électrique. L’objectif de réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans le mix énergétique d’ici à 2025 semble, dans ce contexte, difficile à atteindre.

Dans le même temps, il faut favoriser la montée en puissance des énergies renouvelables, en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur. C’est bien ce qu’a décidé le Gouvernement, monsieur le ministre, puisque vous soutenez les filières industrielles innovantes.

Toutefois, la Commission européenne a décidé de réévaluer les aides d’État dans le secteur de l’énergie, et a suggéré plusieurs pistes de réforme, dont les lignes directrices devraient entrer en vigueur au mois de juillet prochain.

Elle souhaite limiter le financement public accordé aux énergies renouvelables au strict nécessaire, afin que les mécanismes de soutien soient mieux ciblés, prennent en compte le degré de maturité des différentes technologies et se transforment progressivement en primes, plus respectueuses des mécanismes de marché.

Dans ce contexte, vous avez engagé, monsieur le ministre, une large consultation à propos des outils de soutien aux énergies renouvelables. Cet effort, qui est réalisé en association avec le ministère du redressement productif et qui constitue également un enjeu des trente-quatre plans industriels, a été réorienté en fonction de la situation des filières, accordant la priorité à l’éolien maritime, à l’hydrolien, au biogaz, ou encore à l’hydrogène.

Nous devons aussi tenir compte du rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective publié au moi de janvier dernier, qui est très critique quant à la politique énergétique européenne, et en dénonce toutes les incohérences. Selon ce document, le monde ne s’est toujours pas mis en ordre de marche pour préserver le climat de la planète.

Le recours au charbon s’est accru, notamment chez nos voisins allemands, qui ont fortement augmenté leurs émissions de gaz à effet de serre en 2012. Il en va de même pour le lignite, qui est un charbon plus polluant, mais dont l’Allemagne dispose de réserves pour trois cents ans. Elle utilise donc ses propres ressources, même si celles-ci émettent du CO2, et remplace les centrales nucléaires par des centrales au charbon ou au lignite.

La politique européenne n’a pas permis de conférer de la visibilité au sujet du prix du carbone et de fournir ainsi aux industriels un cadre propice aux investissements de long terme. Il s’agit d’un lourd échec, emportant la perte de gisements d’emplois dont nous avons tant besoin à l’échelle de l’Europe.

Il est confirmé par les hausses des prix de détail de l’électricité que les ménages européens ont subies de plein fouet, notamment depuis cinq ans : 27 % d’augmentation environ. En Allemagne, les tarifs ont doublé en dix ans, et constituent, comme en Espagne, un problème politique majeur.

En effet, si la recherche sur les énergies renouvelables doit être soutenue et le développement de celles-ci encouragé, ces énergies ne sont, aujourd’hui, pas suffisamment compétitives pour remplacer nos ressources existantes. L’Allemagne en a fait l’expérience : malgré les efforts qu’elle a fournis, les énergies renouvelables n’y occupent qu’un rang modeste, inférieur, d’ailleurs, à celui du nucléaire, ce qui contribue à renchérir le coût de l’électricité domestique.

Finalement, le rapport précité souligne que ni la sécurité d’approvisionnement, ni la préservation de la compétitivité européenne, ni la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre grâce à une meilleure efficacité énergétique et au recours aux énergies renouvelables ne sont assurés. À vrai dire, la politique européenne de l’énergie apparaît condamnée à l’échec si elle ne s’appuie que sur les mécanismes de marché.

Nous avons besoin d’une véritable politique de l’énergie qui permettra d’engager l’Union européenne vers la transition énergétique, tout en assurant le haut niveau d’investissement requis et en garantissant des perspectives d’emploi. La France et l’Allemagne y travaillent et ont décidé de coordonner les processus de transition énergétique qu’elles ont mis en œuvre, afin d’accroître la compétitivité de leur système énergétique, d’engager leur décarbonisation progressive et de renforcer leur sécurité d’approvisionnement, de même que celle de l’Europe.

Certes, la France, grâce à ses choix énergétiques, peut encore aujourd’hui garantir les tarifs les plus bas du marché européen. Elle reste toutefois dans une situation de dépendance quasi totale vis-à-vis des fournisseurs extérieurs en pétrole et en gaz. En 2013, la facture énergétique de notre pays, atteignant 66 milliards d’euros, a battu un record.

La production française de pétrole représente actuellement un peu plus de 1 % de la consommation nationale et la production de gaz correspond à 1, 4 % de la consommation. Cette situation doit amener notre pays à s’orienter vers le développement des énergies qui relèvent de son fait et à privilégier les énergies n’émettant pas de CO2, afin d’éviter les rejets dans l’atmosphère.

Enfin, on ne peut contester la priorité accordée à la maîtrise de la consommation d’énergie dans la présente proposition de résolution. Cette nécessité de réduire la consommation finale d’énergie doit conduire à mobiliser tous les leviers de la transition énergétique. À cette fin, il convient, notamment, d’améliorer l’efficacité énergétique des processus de production, des biens de consommation, ainsi que des secteurs du bâtiment et des transports.

Le Gouvernement a engagé, à cet effet, un plan de rénovation énergétique de l’habitat : les passeports de la rénovation énergétique et le fonds de garantie des prêts sont en cours d’élaboration, le programme d’investissements d’avenir consacrera 2, 3 milliards d’euros à de nouvelles actions, et le dispositif des certificats d’économie d’énergie sera reconduit.

En conclusion, la question complexe de la transition énergétique ne peut être réduite aux seuls effets écologiques. Si la réduction de la consommation et la lutte contre le réchauffement climatique constituent des enjeux majeurs, nous devons également considérer la dimension économique, la conservation de l’emploi et la réduction des déficits publics.

On ne peut cantonner, surtout, la transition énergétique à une dimension seulement nationale. Notre pays comptant 65, 5 millions d’habitants alors que la population mondiale s’élève à 7 milliards, nous devons convaincre les grandes puissances et les grands pays émergents de réaliser cette transition, faute de quoi nos efforts produiront peu d’effets sur le phénomène planétaire du réchauffement climatique.

Agissons d’abord à l’échelon niveau européen ! Un véritable volontarisme politique est nécessaire pour consolider l’Union européenne et lui permettre de mettre en œuvre ses choix pour l’avenir. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre Chevènement ayant, dans ses propos percutants, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… évoqué la transition énergétique, je n’y reviendrai pas et me bornerai à évoquer l’énergie hydraulique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Elle représente environ 12 % de la production d’électricité et 80 % de la production d’électricité d’origine renouvelable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Elle est la plus mature et la plus compétitive de nos énergies renouvelables, essentielle à la gestion des pointes de consommation. En outre, elle peut être stockée. En clair, les pouvoirs publics devraient soutenir une telle filière, au regard de l’intérêt stratégique qu’elle représente.

Aujourd’hui, cette filière rencontre un problème : le renouvellement des concessions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Voilà deux ans, au nom du RDSE, j’avais proposé un amendement à ce sujet, qui avait été adopté par le Sénat, et entériné lors des travaux de la commission mixte paritaire. Ses dispositions font donc maintenant partie de la loi. Or nous ne voyons rien venir dans ce domaine, alors même que ces concessions font perdre de l’argent à l’État, accessoirement, mais aussi aux départements et aux communes sur lesquelles sont implantés ces équipements.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Peut-être, mais les propriétaires d’une maison située sous un barrage sont eux aussi concernés : ils auront plus de difficultés que d’autres à vendre leur bien.

Ce fait non négligeable me conduit à affirmer que l’État serait bien inspiré de renouveler ces concessions. Bien qu’ils entretiennent d’excellentes relations avec lui, les départements et les communes seraient parfaitement fondés, selon moi, à attaquer l’État pour manquement à la loi, et ils ne voudraient pas en arriver là.

Pour un certain nombre de départements et de communes, les sommes en cause ne représentent pas des queues de cerise ! Il s’agit de 500 000 ou 600 000 euros ! Or ils ne peuvent pas se le permettre, par les temps qui courent !

Enfin, on ne peut pas se satisfaire de voir EDF, l’un des fleurons de notre industrie et sans doute le groupe français qui dégage le plus de bénéfices, tailler des croupières à ses concurrents sur le plan européen mais refuser de se lancer dans la concurrence en France. Malgré nos excellentes relations avec EDF, la loi doit être appliquée ! Monsieur le ministre, et nous nous accorderons sur ce point, l’État se doit d’être exemplaire ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en premier lieu, de saluer l’initiative prise par Ladislas Poniatowski de présenter cette proposition de résolution relative à la transition énergétique, que je voterai, bien évidemment. L’examen de ce texte est pour moi l’occasion de vous poser un certain nombre de questions, monsieur le ministre.

Ce débat est essentiel, car il se situe au cœur des deux chantiers prioritaires annoncés en ce début d’année 2014 par le Président de la République : la compétitivité et l’emploi.

Ce débat est légitime, car il prend place au cœur des grandes missions d’analyse et de prospective que mène la Haute Assemblée.

Vous ne serez pas surpris que mon propos traite essentiellement de la filière nucléaire française. À ce sujet, je me permets de vous signifier ma totale incompréhension eu égard à vos récentes déclarations, prononcées à l’occasion de la nomination du nouveau délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim.

Notre filière nucléaire, faut-il vous le rappeler, est incontestablement créatrice d’emplois et de valeur ajoutée économique dans la compétition mondiale acharnée que nous vivons ; Jean-Pierre Chevènement l’a vigoureusement fait remarquer. Elle représente 125 000 emplois directs et 4 % de l’emploi industriel en France. La construction d’un EPR entraîne, quant à elle, la création de plus de 8 000 emplois pérennes.

Mieux encore, de grands groupes industriels mondiaux choisissent la France comme lieu stratégique d’implantation dans le cadre de leur développement européen, car le coût de leur production y est très compétitif ; Jean-Pierre Vial l’a rappelé tout à l'heure. Je parle, en matière de compétitivité, non pas de nos coûts sociaux, toujours très élevés, mais bien de ceux de l’électricité qui restent parmi les plus bas du monde grâce, précisément, à notre atout nucléaire.

Que dire encore de notre fleuron mondial EDF, qui vient de signer un accord historique pour la construction de deux EPR en Grande-Bretagne ? Le marché nucléaire d’outre-Manche est ainsi devenu le premier en Europe. Notre voisin est aussi annoncé comme étant le pays d’Europe où la croissance économique sera la plus forte à l’horizon 2020, devançant l’Allemagne elle-même. Faut-il y avoir une relation de cause à effet ? Il est permis de le penser.

Si la France a choisi, hier, d’avoir recours à l’énergie nucléaire, il ne faudrait pas aujourd’hui – Jean-Claude Lenoir le rappelait excellemment – fragiliser cette filière sous couvert d’une fausse modernité. Mais peut-être est-ce là le prix à payer d’un accord politique visant à assurer la cohésion ou la cohérence d’un équilibre gouvernemental bien fragile ?

Nous bénéficions, grâce à l’énergie nucléaire, d’un taux d’indépendance énergétique de 50 %, contre 20 % ou 25 % pour nos voisins allemands, italiens ou belges. Cette indépendance est allée de pair avec le développement du parc nucléaire en seulement dix ans, entre 1980 et 1990.

Monsieur le ministre, à l’heure où la balance commerciale française affiche des signes de faiblesse, pourquoi vouloir se priver d’une source d’énergie qui, mécaniquement, renforce les exportations françaises ?

Les exportations françaises en matière d’équipements et de services nucléaires représentent un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 6 milliards d’euros. Le solde des échanges d’électricité de la France avec ses voisins, essentiellement du nucléaire, est structurellement excédentaire de plus de 2 milliards d’euros par an en moyenne. Enfin, le recours au nucléaire permet d’éviter des importations additionnelles coûteuses d’hydrocarbures, qui contribueraient encore à dégrader la balance commerciale de notre pays.

Pourquoi, encore, vouloir se priver d’une source d’énergie qui joue un rôle majeur dans le maintien de notre industrie et, tout particulièrement, des gros consommateurs dits « électro-intensifs » ? Cet enjeu est si important que Louis Gallois, dans le rapport que lui a précisément demandé le Gouvernement et qui est devenu une référence, n’a pas manqué de retenir cette industrie au titre des priorités de l’avenir.

En outre, toute entrave à cette filière pour des considérations purement politiques ne saurait produire que des effets négatifs dans deux domaines pour lesquels l’excellence française est reconnue : la sûreté nucléaire et le développement du projet ITER, dont le choix d’implantation sur le site de Cadarache tient à la qualité de notre expertise scientifique et technologique. À cet égard, je suis persuadé que notre collègue Didier Guillaume partagerait ce point de vue.

Si l’énergie nucléaire est un formidable atout pour notre pays, nous devons, j’en conviens aussi, soutenir le développement des énergies renouvelables au travers de la transition énergétique. Et c’est précisément en maintenant, voire en développant, le nucléaire que l’on pourra mieux encore faire émerger le développement de ces énergies renouvelables.

Monsieur le ministre, notre collègue Jean-Claude Lenoir, avec un certain humour, vous a invité à « sortir de l’ambiguïté ». Aussi, pour vous y aider et ne pas vous laisser dans l’embarras, permettez-moi de vous poser, en conclusion, cinq questions.

Premièrement, soutenez-vous la position de votre collègue, le ministre du redressement productif, lorsqu’il déclare que le nucléaire est une filière d’avenir ?

Deuxièmement, êtes-vous d’accord avec le Président de la République, qui souhaite fermer d’ici à 2016 la centrale de Fessenheim ?

Troisièmement, où est la cohérence après que l’Autorité de sûreté nucléaire a délivré son avis sur la sécurité de ce site ?

Quatrièmement, quelle est votre définition de la transition énergétique ? Doit-elle s’appréhender sous le seul angle national ou, mieux encore, à l’échelon européen ?

Cinquièmement, enfin, l’ensemble du bouquet énergétique doit-il être corrélé malgré tout avec un marché du carbone ? Compte tenu de l’effondrement des prix, allez-vous repenser ce marché sous l’angle d’un marché d’anticipation au travers de la création d’une banque du carbone au plan européen ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les excellentes interventions de Roland Courteau et Delphine Bataille, dont je partage complètement – cela n’étonnera personne ! – l’analyse. Je m’attarderai, pour ma part, sur une question qui, pour des raisons géographiques, me paraît cruciale, à savoir le renouvellement des concessions hydroélectriques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Le gouvernement précédent avait décidé d’autoriser une mise en concurrence « brutale » – c’est le mot ! – des concessions intéressant les plus grands ouvrages hydroélectriques. Comme s’il n’existait qu’une seule possibilité, le processus envisagé était fondé sur un scénario de mise en concurrence avec appel d’offres, concession par concession.

Cette libéralisation, sans condition, de 20 % de notre parc hydroélectrique risquait d’aller à contre-courant – n’y voyez là aucun jeu de mots !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Ces derniers appartiennent en effet au patrimoine national. Leur construction et leur entretien ayant été financés par l’ensemble des Français, c’est une raison suffisante pour ne pas subir le dogme de la concurrence.

Certes, la Cour des comptes a interféré dans ce débat en adressant, au mois de juin 2013, un référé aux ministres concernés, dans lequel elle faisait observer que « la mise en concurrence constitue un moyen adapté pour ne pas abandonner aux concessionnaires la rente hydroélectrique » et « permet de valoriser au mieux l’actif que représentent les grandes installations hydroélectriques, propriété de l’État. »

Ce faisant, la Cour des comptes est dans son rôle – nous y sommes habitués ! –, mais son expertise est purement comptable. D’ailleurs, qui pourrait le lui reprocher ?

Pour autant, dans l’hypothèse de cette mise en concurrence, la question de savoir au bénéfice de qui elle se ferait mériterait d’être sérieusement posée puisque, en la matière, la réciprocité semble plus qu’aléatoire, comme l’ont souligné nos collègues députés Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann dans leur rapport d’information.

Constatons, en effet, que, seule, la France, sur l’initiative du gouvernement Fillon, a décidé, en 2010, de lancer cette mise en concurrence, qui constitue, je le répète, une perte de souveraineté sur notre patrimoine hydroélectrique national.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Et c’est cette solution qui semble manifestement avoir la préférence de nos collègues du groupe UMP.

Les bénéficiaires de cette ouverture seraient à tous les coups les nouveaux concessionnaires étrangers, qui pourraient exploiter des ouvrages amortis et revendre une électricité extrêmement compétitive dans des conditions très avantageuses, y compris pour les clients étrangers.

Cette appropriation de la rente hydraulique ne pourrait donc se faire mécaniquement qu’au détriment de la compétitivité de nos industriels et du pouvoir d’achat des consommateurs français.

De multiples autres pistes ont été examinées dans le rapport d’information précité, dont certaines méritent à tout le moins de retenir notre attention.

En tout état de cause, ce dont nous avons besoin, c’est d’une véritable politique de l’hydroélectricité qui ait du sens et trace des perspectives industrielles, tout en préservant l’intérêt général, ce qui constitue, vous en conviendrez, mes chers collègues, un choix véritablement politique.

Pour ce qui me concerne, je reste persuadé que la solution optimale consisterait à prolonger de vingt-quatre ans la durée des concessions, conformément à la proposition de loi que j’ai cosignée avec mes collègues Roland Courteau et Delphine Bataille, notamment, et qui a été déposée l’an dernier.

Cette période de prolongation pourrait être mise à profit pour exiger des exploitants les investissements nécessaires à la modernisation des barrages et au développement des capacités de production d’hydroélectricité, et ce conformément, par exemple, à de nouvelles exigences environnementales, tout en assurant l’intérêt de l’État et des collectivités territoriales. Elle aurait encore l’avantage de lever les incertitudes qui pèsent sur le sort pouvant être réservé à l’ensemble des personnels, notamment ceux qui ne sont pas rattachés aux sites de production et qui, légitimement, se posent des questions sur leur avenir.

Cette manière de procéder, bien plus simple que la méthode dite des « barycentres », présenterait l’avantage de ne pas créer d’imbroglio juridique supplémentaire. Elle n’ajouterait pas non plus de nouveaux coûts liés aux indemnisations nécessaires en cas de raccourcissement de la durée de concession. Dans la conjoncture actuelle, je pense très sincèrement que la Cour des comptes y trouverait… son compte – c’est le cas de le dire ! §

Monsieur le ministre, nous savons que vous avez l’intention d’intégrer dans le futur projet de loi de programmation sur la transition énergétique des dispositions relatives à l’avenir de l’hydroélectricité. Je ne doute pas que votre réforme permettra de faire bénéficier les ménages et les entreprises de la rente hydraulique.

Telle est la contribution que je souhaitais apporter à ce débat. Il n’aura échappé à personne que mon intervention vise, là comme ailleurs, à garantir l’intérêt général, tout en préservant le patrimoine national, deux raisons qui me conduisent à ne pas voter cette proposition de résolution, qui tourne manifestement le dos à cette double préoccupation. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Boog

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de nombreux mois, le grand débat national sur la transition énergétique n’a pas encore abouti au dépôt du projet de loi promis, qui a été repoussé de l’automne 2013 au mois de janvier 2014, puis au lendemain des élections municipales.

Pourtant, la transition énergétique est un sujet hautement important pour notre pays, et ce à deux titres. Tout d’abord, il nous faut préparer le système énergétique de demain. Ensuite, la France est en pointe en matière de production et de distribution de l’énergie.

Concernant les questions du mix énergétique, de la priorité de s’orienter vers un réseau de distribution intelligent et de l’effort à fournir avant tout dans le domaine des économies d’énergie, je rejoins les propos de notre collègue Ladislas Poniatowski, auteur de cette proposition de résolution.

Cependant, en tant que parlementaire alsacienne, je souhaite m’attarder plus particulièrement sur le débat que suscite la centrale nucléaire de Fessenheim.

Bien évidemment, cette centrale devra fermer, mais le bon sens voudrait que cette fermeture soit motivée par des éléments fondés et non pour des raisons uniquement politiciennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Boog

En effet, j’ai l’impression que toutes les déclarations successives du Gouvernement en matière de politique énergétique n’ont qu’un seul objectif : consolider l’accord de gouvernement conclu avec la frange écologiste de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Boog

Pour ce faire, le Gouvernement est prêt à tout, même à prendre des engagements incompréhensibles d’un point de vue économique, financier et énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Boog

Le 16 avril 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire a rendu son rapport annuel sur l’état de la sûreté des centrales en France.

Dans ce rapport, cette instance, dont la compétence technique et l’indépendance sont unanimement reconnues, précise que la centrale nucléaire de Fessenheim est l’une des centrales les plus sûres de France.

La qualité du travail réalisé par EDF et les salariés de la centrale pour améliorer encore et toujours la sûreté des installations est indiscutable.

À cet égard, je vous rappelle que 280 millions d’euros ont été investis ces dernières années. En 2012, les agents ont bénéficié de plus de 100 000 heures de formation. Et pourtant, le Gouvernement continue de jouer avec la peur, pour faire accepter l’idée d’une fermeture de la centrale. Rassurez-vous, la population n’est pas dupe !

Les habitants du village dont je suis maire et qui est situé à moins de quinze kilomètres de la centrale ne seraient-ils pas les premiers à exiger l’arrêt du fonctionnement de celle-ci s’il existait un risque du point de vue de la sûreté ?

La décision de fermer Fessenheim ne repose sur rien de concret et s’oppose, au contraire, à toute logique cohérente en matière d’évolution de la politique énergétique de la France.

Pourquoi fermer une centrale sûre et rentable ? Pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Rien ne le justifie.

D’ailleurs, pourquoi vouloir à tout prix arrêter une centrale, alors qu’elle pourrait continuer de produire une énergie peu chère pendant plusieurs années encore ? Cette énergie pourrait permettre de compenser une hausse du prix de l’électricité liée à l’apparition de nouvelles sources d’énergie dites « renouvelables », mais dont les coûts de production sont plus élevés.

En France, nous bénéficions du prix de l’électricité le moins cher d’Europe, ce qui est bon pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens et, bien entendu, pour nos entreprises.

La filière nucléaire crée de nombreux emplois dans notre pays. Elle est l’un des principaux secteurs exportateurs. Elle constitue une fierté industrielle et technologique de notre nation.

Comment imaginer que cette filière puisse rester compétitive et attrayante à l’exportation si nous en doutons, par simple calcul politicien, sur notre propre territoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Boog

Bien sûr, les agents d’EDF se verront proposer une mutation ; mais ils se verront aussi déraciner de notre région, où ils ont acheté leur maison et sont engagés dans les associations. En vérité, leur départ déstabilisera tout le territoire et fera chuter son attractivité.

Quant aux 1 200 sous-traitants de la centrale, ils seront purement et simplement licenciés.

Qu’adviendra-t-il aussi des nombreuses entreprises électro-intensives qui se sont installées en Alsace, attirées par la sécurité de l’approvisionnement en électricité garantie par la centrale de Fessenheim ? Elles n’auront d’autre choix que de se délocaliser, peut-être même pas en France compte tenu de notre déficit croissant de compétitivité.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas imaginer accomplir la transition énergétique sans la filière nucléaire. Aussi bien, plutôt que de cibler une centrale en particulier, choisie de surcroît sur un critère aléatoire – celle contre laquelle les militants de l’extrémisme écologique sont le plus mobilisés –, prenons le temps de la réflexion et envisageons la transition énergétique dans son ensemble.

Au moins, attendons les résultats de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire.

En effet, cette commission disposant de six mois pour rendre ses conclusions, elle travaillera en même temps que le Parlement examinera, sans doute à partir de l’automne, le grand projet de loi d’orientation énergétique. Il serait bon que les dispositions relatives au nucléaire, qui seront l’un des aspects les plus importants de ce texte, puissent s’inspirer des travaux de cette commission d’enquête ! §

Debut de section - Permalien
Philippe Martin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, tout d’abord, à remercier les membres du groupe UMP du Sénat, en particulier M. Ladislas Poniatowski, de nous donner l’occasion de débattre de la transition énergétique, car c’est une question dont chacun mesure l’importance et qui est au cœur de notre actualité.

Monsieur le sénateur, en lisant l’exposé des motifs de votre proposition de résolution, j’ai songé que nous partagions de nombreuses analyses. Après tout, n’avez-vous pas raison lorsque vous affirmez : « La raréfaction des énergies fossiles, l’insécurité dans l’approvisionnement de ces sources d’énergie, la hausse de la facture énergétique, la détérioration de l’environnement dont l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre est l’une des principales manifestations, tous ces phénomènes impliquent que la France conduise une politique de l’énergie empreinte de vision et de responsabilité » ? À la vérité, je ne saurais dire mieux !

Je ne saurais non plus mieux dire lorsque vous ajoutez : « La réduction de notre consommation en combustibles fossiles doit aussi être au cœur de la politique publique énergétique française pour les prochaines décennies. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les enjeux de la transition énergétique ?

Au début de votre propos, monsieur Chevènement, vous avez notamment souligné que l’époque était à la transition.

Je me souviens de l’époque où il m’arrivait, jeune plume militante œuvrant à vos côtés, d’utiliser un mot qui alors comptait beaucoup et que vous employiez souvent : le mot « projet ». Monsieur Chevènement, vous étiez un homme de projets ; peut-être d’ailleurs l’êtes-vous demeuré. Eh bien, la transition énergétique, c’est un projet !

Ce projet doit devenir un atout pour la compétitivité de nos entreprises. En effet, en anticipant les évolutions du contexte énergétique mondial, nous nous doterons d’un indéniable avantage compétitif.

La transition énergétique est aussi un projet climatique. À cet égard, les estimations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, sont, hélas, plus inquiétantes que prévu : nous ne saurions attendre davantage pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, qui proviennent à 70 % de la combustion d’énergies fossiles.

La transition énergétique est, comme Mme Schurch l’a signalé, un projet social. De fait, si nous ne faisons rien, un renchérissement du prix de l’énergie se produira ; il est prévisible et même prédictible. Aussi, il importe d’accompagner les Français en améliorant l’efficacité énergétique des lieux où ils vivent et travaillent. Il convient aussi de lutter contre la précarité énergétique – pour ma part, j’emploie l’expression – qui touche les plus modestes d’entre eux.

Monsieur Poniatowski, vous avez ironisé sur le nombre d’interlocuteurs vers lesquels nos concitoyens peuvent se tourner pour ce qui concerne la rénovation énergétique. Dois-je vous rappeler que, dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l’habitat que nous avons lancé, Cécile Duflot et moi-même avons mis en place un guichet unique ? Au demeurant, celui-ci fonctionne bien puisque les demandes de financement qui lui sont adressées dépassent de beaucoup nos prévisions ! Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons obtenu une mesure qui n’était pas tout à fait à l’ordre du jour sous la précédente majorité : un taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation thermique.

M. Ronan Dantec acquiesce.

Debut de section - Permalien
Philippe Martin

La transition énergétique est aussi un projet industriel, car de nos choix dépendra la capacité de la France à se doter de filières d’avenir robustes et compétitives à l’échelon mondial, dans le domaine du nucléaire comme, demain, dans celui des énergies renouvelables.

La transition énergétique est enfin, ce que l’on dit moins, un projet de santé publique, eu égard notamment à la qualité de l’air que nous respirons.

Changer notre manière de produire, d’aménager le territoire, de nous loger, de consommer et de nous déplacer : tel est le projet global de la transition énergétique, dont le cap a été fixé par le Président de la République et le Premier ministre lors de la deuxième conférence environnementale, au mois de septembre 2013. Je vous rappelle que ce cap consiste à diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, par rapport au niveau de 1990.

Le premier volume du cinquième rapport du GIEC nous a, une fois de plus, placés devant nos responsabilités. Or la responsabilité de la France est d’autant plus grande que, comme vous le savez, notre pays accueillera en 2015 la vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Notre cap consiste aussi à réduire de 50 % notre consommation finale d’énergie d’ici à 2050 ; à un horizon plus proche, il consiste à réduire de 30 % notre consommation d’hydrocarbures d’ici à 2030.

Nous nous sommes également donné pour objectif de diversifier le mix électrique : en particulier, nous entendons ramener la part du nucléaire à 50 % à l’horizon de 2025, afin de garantir dans la durée la diversification de notre production d’électricité.

M. Poniatowski a cité le chiffre de 420 térawattheures de production nucléaire. M. Lenoir, qui connaît bien les chiffres, a parlé de 400 térawattheures. Cette seconde donnée est la bonne, la première correspondant à la production potentielle. Il faut savoir, du reste, qu’EDF limite sa production à 400 térawattheures parce qu’elle n’a pas intérêt à aller au-delà, ne pouvant pas exporter. Toujours est-il que 20 térawattheures représentent la production de quatre ou cinq réacteurs nucléaires.

Enfin, notre cap consiste à bâtir la communauté européenne de l’énergie. En effet, s’il ne saurait être question de remettre en cause la souveraineté nationale de la France et de chaque État en matière d’énergie, il faut adopter, comme l’a souhaité le Président de la République, une vision européenne de la transition énergétique, qui doit être fondée notamment sur un rapprochement franco-allemand.

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

Je serai de nouveau à Berlin demain pour inciter les acteurs européens à travailler ensemble, afin d’être plus forts face à la concurrence internationale. Le sommet franco-allemand qui s’est tenu le 19 février a marqué, en matière énergétique, un rapprochement entre nos deux pays qui sera utile et nous rendra plus forts en Europe et ailleurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez les objectifs européens du premier paquet énergie-climat, qui ont été acceptés par la précédente majorité : à l’horizon de 2020, 20 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, une efficacité énergétique améliorée de 20 % et 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, les États membres débattent au sujet d’une nouvelle échéance ; la Commission européenne a présenté, le 22 janvier dernier, des propositions qui résultent d’un compromis issu des premières discussions.

Depuis plusieurs mois, la France défend un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 %. Par ailleurs, elle soutient, avec l’Allemagne, un objectif d’au moins 27 % au niveau européen pour ce qui concerne la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie en 2030. Ce qui ne nous empêchera pas d’inscrire dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique un objectif probablement plus ambitieux encore.

La fixation, le plus tôt possible, d’un nouveau paquet européen énergie-climat donnera aux industriels et au monde économique en général la prévisibilité nécessaire à l’optimisation de leurs choix d’investissements. Elle permettra surtout à l’Europe de parler d’une seule voix lors des négociations préalables au sommet sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015.

Pour revenir à nos choix nationaux, la réflexion sur la transition énergétique s’est beaucoup focalisée sur la question du nucléaire ; le débat de ce soir en est l’illustration.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons clairs : à une époque particulière de notre histoire, des ingénieurs exceptionnels, des techniciens motivés et des ouvriers patriotes ont fait la renommée de notre filière nucléaire, en particulier sa réputation internationale en matière de sécurité ; de tels professionnels continuent aujourd’hui de maintenir cette réputation.

Croyez bien, madame Boog, que je suis sensible à la situation de votre région, d’autant plus que le département dont je suis originaire et dont je suis l’élu, le Gers, entretient avec l’Alsace des liens historiques très forts : Fessenheim est jumelée avec une ville du Gers et le canton dont je suis l’élu est jumelé avec la ville de Rixheim ; des jumelages existent aussi avec la ville de Saint-Louis.

Pendant la guerre, en effet, de nombreux compatriotes alsaciens sont venus trouver refuge dans le Sud-Ouest, notamment dans le Gers, par exemple à Fleurance, la ville de Raymond Vall. C’est pourquoi, madame la sénatrice, je suis particulièrement sensible à tout ce qui touche à l’Alsace ; je vous annonce d’ores et déjà que je recevrai personnellement les élus de la région de Fessenheim pour examiner avec eux l’avenir du territoire.

Vouloir passer d’un peu plus de 75 % d’énergie électrique d’origine nucléaire, ce qui est la situation actuelle, à 50 % à l’horizon de 2025 n’est en rien une marque de défiance à l’égard des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers dont j’ai parlé. C’est encore moins le résultat de je ne sais quel accord politicien : l’opposition nous rebat les oreilles avec un prétendu accord, mais cela n’a rien à voir avec la réalité !

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

Notre décision est industrielle, économique et énergétique ; elle est à la fois rationnelle et responsable.

Elle est indispensable pour garantir dans la durée notre sécurité d’approvisionnement et pour éviter à nos successeurs de se trouver face à un mur d’investissements. En vérité, nous commettrions une faute en agissant différemment, car il serait irrationnel et irresponsable de laisser aux générations futures le fardeau de ces investissements.

De fait, la mise à jour de nos centrales, dont la plupart, vous le savez, ont été construites au cours de la même décennie, nécessitera des investissements extrêmement lourds, à supposer même que l’Autorité de sûreté nucléaire leur donne son aval.

En se tournant résolument vers l’avenir, en étalant dans le temps les investissements nécessaires et en choisissant d’encourager le recours à une part croissante d’énergies renouvelables, nous faisons le choix de la responsabilité économique et de la sécurité d’approvisionnement.

Du reste, monsieur Bizet, ce rééquilibrage n’est pas contradictoire avec la volonté du Gouvernement de maintenir l’excellence de la filière nucléaire, notamment en achevant l’EPR de Flamanville ou en soutenant nos industriels à l’exportation. Lorsque j’accompagne le Président de la République ou le Premier ministre à l’étranger, nous parlons parfois du nucléaire avec nos interlocuteurs, par exemple turcs ou britanniques. Or il arrive que ceux-ci voient dans l’excellence française en matière de démantèlement et de stockage des déchets un atout de nos entreprises. En effet, il est très important pour ces pays de savoir non seulement qu’une centrale sera construite et exploitée, mais aussi que les déchets seront stockés et le site démantelé dans de bonnes conditions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette stratégie s’inscrit dans une logique de progrès continu sur le plan de la sûreté nucléaire ; à cet égard, nos réacteurs ont tous subi les stress tests, en même temps que l’Autorité de sûreté nucléaire intégrait dans ses évaluations les enseignements de l’accident survenu à Fukushima.

Le rééquilibrage de notre mix électrique doit nous conduire à développer les énergies renouvelables, pour lesquelles nous avons pris du retard, du fait des politiques erratiques menées avant 2012.

Les énergies renouvelables thermiques, notamment, sont essentielles. Elles assureront, à terme, la part la plus élevée des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Leur développement est par conséquent prioritaire.

Je l’ai dit et je le répète, les énergies renouvelables ont beaucoup souffert des soubresauts de la politique de soutien des gouvernements précédents. Depuis la fin de l’année 2013, la stabilisation menée par le gouvernement actuel a permis d’insuffler une reprise, que ce soit pour l’éolien ou le photovoltaïque. Savez-vous que, fin 2013, nous arrivions à retrouver un rythme d’installation équivalent à 1 000 mégawatts par an ? Il faut poursuivre le soutien à toutes ces filières renouvelables. Nous lancerons, à la fin du mois de mars, un appel d’offres pour les installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts, avec un objectif d’au moins 800 mégawatts installés à l’horizon 2017.

Puisque la question de la compétitivité de l’éolien et du photovoltaïque a été évoquée, et même si Ronan Dantec l’a excellemment expliqué, je redis comme lui que le photovoltaïque revient à un peu moins de 100 euros du mégawattheure. Ce pourrait être, en 2025, moins de 80 euros. Quant à l’éolien, son prix de revient est aujourd'hui de moins de 80 euros le mégawattheure ; et ce pourrait être moins de 70 euros. Comparativement, l’EPR, dont nous sommes heureux qu’il soit construit avec des entreprises françaises à Hinkley Point, au Royaume-Uni, produira une énergie estimée à 109 euros le mégawattheure. Soyons donc prudents lorsque nous évoquons la fameuse compétitivité différenciée de ces diverses sources d’énergie !

Pour ce qui concerne les nouvelles filières marines, nous avons lancé un second appel d’offres pour l’éolien offshore au début de l’année 2013 et, à l’automne dernier, un appel à manifestation d’intérêt pour des fermes-pilotes hydroliennes, à Cherbourg. Ce soutien correspond à un objectif clair : placer les industriels français, sur ces technologies, en position de leader aux niveaux européen et international.

Pour inscrire le développement des énergies renouvelables dans la durée, j’ai lancé deux consultations.

La première vise la nécessaire évolution des modalités de soutien aux énergies renouvelables. Un peu partout en Europe, y compris en Allemagne, se pose en effet la question d’un tel soutien et de l’intégration progressive des énergies renouvelables aux marchés. D’ailleurs, la Commission européenne s’intéresse beaucoup à la façon dont l’Allemagne a soutenu ces énergies, notamment en privilégiant les entreprises, aux dépens des ménages.

La seconde consultation porte sur l’autoconsommation, c'est-à-dire le fait de consommer soi-même l’énergie que l’on produit.

Il s’agit d’assurer la mise en place de bonnes résolutions et d’éviter toute décision hâtive, qui pourrait être préjudiciable à nos industriels dans la mise en œuvre de principes vertueux.

Le soutien aux énergies renouvelables passe aussi par la consolidation de leur cadre législatif et réglementaire, ainsi que par la simplification des procédures administratives.

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

L’idée est non pas de réduire les exigences en matière de protection de l’environnement, mais de rationaliser les procédures, afin de supprimer les redondances, de diminuer les délais et d’assurer une plus grande sécurité juridique à des projets qui sont bons pour la transition énergétique, notre souveraineté et notre redressement économique.

C’est dans cet esprit que mon ministère a lancé des expérimentations prévues dans la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Ainsi en est-il de l’expérimentation concernant la mise en place d’une autorisation unique ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement – pour les éoliennes et les installations de méthanisation. Le projet de loi de programmation sur la transition énergétique contiendra aussi des mesures allant dans le sens de la modernisation du droit et de la simplification des procédures.

Pour les filières moins matures – je pense notamment à l’hydrolien –, mais tout aussi nécessaires à la transition énergétique, le Gouvernement a mis en place un second volet des investissements d’avenir, qui permettra de soutenir le développement de solutions de stockage innovantes, nécessaires à la meilleure intégration des énergies renouvelables.

M. Courteau a évoqué l’autoconsommation. Quant à Mme Schurch, elle est revenue, comme elle le fait souvent, sur les compteurs intelligents. Pour ce qui concerne le compteur Linky, la phase d’instruction est en cours. S’agissant du compteur Gazpar, plusieurs entreprises ont été sélectionnées et nous allons entrer dans une phase décisionnelle. Je rappelle que plus d’un millier d’emplois sont en jeu dans le cadre de la production de ces compteurs intelligents.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2013 aura été l’année du débat national sur la transition énergétique, un débat utile qui n’avait jamais eu lieu en France. Cela nous permet d’aborder l’année 2014 avec l’examen du projet de loi de programmation sur la transition énergétique, qui constituera la traduction des pistes évoquées à cette occasion.

Permettez-moi de vous donner quelques informations sur ce texte, qui comprendra six titres. Le titre Ier concernera les objectifs et les orientations générales. Le titre II sera centré sur la stratégie de développement des énergies « bas carbone ». Nous y traiterons de la gouvernance, notamment du rôle des collectivités locales. À cet égard, monsieur Lenoir, il n’a jamais été question d’une autonomie des régions sur la question énergétique. Tout cela se fait dans un cadre national, sur le fondement d’une solidarité avec les politiques menées par les régions, auxquelles nous devons faire confiance. Puisque nous sommes entre nous ce soir, je vous ferai une confidence : même si Colbert se tient derrière moi et vous fait face, surplombant cet hémicycle, je lui ai toujours préféré, personnellement, Defferre, considérant qu’il fallait, pour le développement économique, faire confiance à la décentralisation, aux régions et à la capacité des collectivités territoriales de s’inscrire dans des démarches permettant d’aller plus vite et plus loin dans le développement des énergies.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

À la condition de ne pas remettre en cause la péréquation, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

Absolument, vous avez raison ! Vous le savez, la péréquation est une question centrale posée par la Commission européenne, laquelle, sous la patte du commissaire à l’énergie, M. Oettinger, voudrait remettre en cause, notamment, les aides d’État, qui existent en France et en Allemagne. Dans notre pays, celles-ci nous permettent de mettre en place une péréquation tarifaire et de nous préoccuper de nos outre-mer ainsi que des tarifs sociaux. En effet, c’est aussi grâce à cette péréquation, nous avons tendance à l’oublier, que nous parvenons désormais à faire bénéficier quatre millions de foyers des tarifs sociaux.

Le titre III du projet de loi précité traitera de la maîtrise de la demande et de l’efficacité énergétique ; le titre IV s’intéressera aux énergies renouvelables et le titre V à la sûreté nucléaire. Quant au titre VI, il regroupera diverses dispositions.

À plusieurs reprises, le Président de la République a rappelé que ce projet de loi, qui fait le lien avec les questions relatives à la qualité de l’air et au climat, sera l’un des textes les plus importants de son quinquennat.

Permettez-moi d’ajouter un mot sur un sujet important à vos yeux. Il a d’ailleurs été évoqué, notamment, par MM. François Fortassin et Jean-Jacques Mirassou, dont je connais l’intérêt pour cette question. Il s’agit des dispositions concernant le secteur historique des grands barrages, avec la mise en œuvre de solutions de renouvellement des concessions, à la fois conformes aux règles européennes de la concurrence, que l’on sait libre et non faussée, et protectrices des spécificités françaises d’intégration de ces moyens de production dans nos territoires et de préservation de la compétitivité des industries électro-intensives.

Les solutions proposées seront moins brutales que celles qui avaient été voulues par le précédent gouvernement. Vous le savez, c’est un sujet auquel j’attache beaucoup d’importance. Je me suis battu pour faire en sorte que le patrimoine national que constituent ces petits barrages puisse être préservé. Certes, en la matière, l’État s’intéresse aux redevances dont il peut bénéficier. Mais surtout, il s’agit de faire en sorte, en lien avec les collectivités locales, de préserver des emplois qui revêtent, dans certaines vallées, une grande importance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de ce débat, qui aura été utile, du moins pour moi, je voudrais remercier tous ceux qui en ont été les initiateurs. Si je ne souhaite pas l’adoption de cette proposition de résolution, ce n’est pas en raison du manque d’intérêt du texte soumis à notre examen, mais parce que nous examinerons dans quelques mois, ici même, un projet de loi de programmation sur la transition énergétique, que j’aurai l’honneur de défendre et qui mérite toute votre attention.

J’ai beaucoup apprécié la belle démonstration de M. Lenoir, qui a fait étalage de sa grande connaissance d’un secteur, à propos duquel nous avons parfois quelques différends. Certes, j’ai eu l’impression, de temps à autre, qu’il souhaitait piloter le mix énergétique en regardant un peu trop vers le passé. J’ai également apprécié les propos de M. Chevènement sur les époques et la transition.

Toutefois, j’ai le sentiment, et ce n’est pas faire injure à tous ceux qui se sont exprimés ce soir, que le débat sur la transition énergétique dépasse tout cela. Il doit nous faire choisir entre un monde ancien, dans lequel on répéterait sans fin ce qui a été fait jusqu’à présent, et un monde nouveau, dans lequel nous nous préoccupons de l’avenir de nos petits-enfants. J’ai la fierté et le plaisir d’être un militant de ce nouveau monde. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Considérant que le développement de la filière nucléaire a permis à la France de répondre aux priorités de la politique énergétique que sont la sécurité de l’approvisionnement et l’indépendance énergétique, de bénéficier de l’énergie la moins chère et la moins carbonée d’Europe, de contribuer simultanément à la compétitivité de l’appareil productif, à l’emploi, à la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et à la prévention du changement climatique, et enfin de développer une filière scientifique et industrielle d’excellence ;

Considérant que la production française d’énergie décarbonée s’appuie également sur l’exploitation d’un important potentiel hydroélectrique et sur une incontestable maîtrise technologique en ce domaine ;

Considérant que, dans le cadre de ses engagements internationaux et européens et à la suite du Grenelle de l’environnement, la France s’est fixé, à l’horizon 2020, des objectifs ambitieux en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique et de développement de la part des énergies renouvelables dans la production d’énergie, objectifs qui gardent tout leur intérêt ;

Considérant toutefois que l’expérience acquise dans le cadre de l’effort important consenti, entre 2005 et 2011, pour accroître la production d’énergies nouvelles d’origine renouvelable a mis en évidence que cet effort achoppe sur des technologies encore peu matures, aussi bien en ce qui concerne la production de ces énergies que la maîtrise de leur intermittence et leur intégration dans le système électrique ;

Considérant que le renouvellement de notre capacité de production énergétique exigera, quels que soient les choix retenus, un effort important d’investissement, et qu’il importe, tout particulièrement dans le contexte économique et financier actuel, de pouvoir échelonner dans le temps cet effort, pour que son impact sur le prix de l’énergie demeure soutenable et pour permettre à la France d’acquérir dans de nouvelles filières de production d’énergie la même maîtrise technologique que dans les secteurs de l’énergie nucléaire et de l’hydroélectricité ;

Considérant que la recherche de l’efficacité énergétique doit demeurer une priorité, en particulier pour réduire notre dépendance à l’égard des importations d’énergie fossile et pour lutter contre le développement de la précarité énergétique ;

– Se prononce en faveur de la prolongation de la durée d’exploitation du parc nucléaire actuel, sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, afin, d’une part, d’éviter de consacrer des dépenses à la destruction d’emplois et d’un outil de production rentable et sûr et de bénéficier, d’autre part, des délais nécessaires pour effectuer des choix qui nous engageront pour plusieurs décennies ;

– Souhaite la poursuite du programme de remplacement partiel des générateurs nucléaires de deuxième génération par des EPR ainsi que celle du programme de recherche sur les réacteurs de quatrième génération ;

– Souligne que le maintien de l’excellence industrielle et du niveau de recherche français dans le secteur de l’énergie nucléaire, outre le bénéfice qu’en retirera notre pays en termes d’indépendance énergétique et de production d’une énergie de base durablement compétitive, contribuera aussi, à travers le rayonnement des technologies nationales, à soutenir l’effort international de lutte contre le changement climatique et à promouvoir la recherche du plus haut niveau de sûreté de la production d’énergie nucléaire ;

– Rappelant que l’hydroélectricité est la première source nationale d’énergie renouvelable et qu’elle présente un intérêt tout particulier en termes d’ajustement de l’offre et de stockage de l’énergie, insiste sur la nécessité d’un renouvellement rapide des concessions hydroélectriques, pour permettre de moderniser l’outil de production et d’optimiser la valorisation de la ressource hydraulique, mais aussi pour faire bénéficier les collectivités publiques d’une redevance représentative de la rente des concessions amorties ;

– Estime nécessaire de prendre en compte les interrogations relatives au coût du soutien accordé au développement de nouvelles filières de production d’énergie issue de sources renouvelables et aux modalités de son financement, d’examiner ce coût à l’aune de son impact sur le prix de l’énergie, sur la construction de nouvelles filières industrielles, sur l’emploi, sur l’équilibre de la balance commerciale, et en fonction de l’apport potentiel de ces nouvelles filières à notre indépendance énergétique ;

– Juge souhaitable de cibler l’effort nécessaire sur les filières les plus compétitives et de soutenir par ailleurs la recherche pour développer des technologies nouvelles et favoriser l’émergence de solutions innovantes et compétitives aux problèmes du stockage de l’énergie et du développement de réseaux intelligents ;

– Souhaite également que soit soutenu l’effort de production de chaleur renouvelable et que soit mise à profit l’expertise développée en ce domaine par les collectivités territoriales ;

– Estime en tout état de cause indispensable, pour éviter les pointes de consommation et dans la perspective du développement d’énergies intermittentes, de mettre en place le plus rapidement possible le mécanisme de capacité prévue par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation des marchés de l’énergie ;

– Préconise une orientation prioritaire de la politique de maîtrise de la consommation d’énergie vers l’amélioration de l’efficacité énergétique des processus de production, des biens de consommation, des secteurs du bâtiment et des transports, afin que cette politique contribue aussi à la croissance économique, à la compétitivité, au développement des territoires et à l’emploi en s’appuyant sur l’innovation, la mise en place de filières industrielles, la formation professionnelle et l’information des consommateurs ;

– Attire l’attention sur la nécessité de prendre en compte les charges résultant pour les collectivités territoriales et les ménages de l’effort d’équipement nécessaire à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments et des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 159 :

Le Sénat a adopté. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 26 février 2014 :

À quatorze heures trente :

1. Désignation des trente-trois membres de la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.

2. Débat sur la situation des outre-mer.

À dix-sept heures :

3. Débat sur l’épargne populaire

À vingt et une heures trente :

3. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (335, 2013-2014) ;

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (382, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 383, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.