Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 25 février 2014 à 21h30
Transition énergétique — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Je ne doute pas de recevoir des assurances sur ce point dans le débat qui va suivre !

Rien à dire, donc, sur les objectifs énoncés dans un premier temps. Mais j’ai bien peur que quelques désaccords, certes minimes, ne suivent, par exemple sur la manière de poser les additions.

Permettez-moi cette question : les caisses de l’État sont-elles à ce point pleines que l’on pourrait s’offrir le luxe d’investir massivement et dans la prolongation du parc nucléaire actuel, et dans la poursuite du programme EPR, et dans la recherche sur les réacteurs de quatrième génération, et dans l’efficacité énergétique, et dans le développement de filières renouvelables ?

L’UMP n’est pas en reste pour montrer du doigt la situation des comptes publics. Je m’interroge donc : d’où vient soudainement cette manne quasi illimitée ? Je me réjouis presque de cette capacité à s’émanciper de l’adage souvent frustrant pour les élus, selon lequel « gouverner, c’est choisir », mais je crains qu’il ne faille réduire l’addition finale.

Parlons d’abord de « cette filière scientifique et industrielle d’excellence » que serait le nucléaire. Il y a déjà deux ans, les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité nous ont un peu éclairés – je salue le président et le rapporteur de cette commission d’enquête, tous deux présents ce soir. Ils nous ont permis d’entendre de nombreux acteurs de l’énergie et de nuancer fortement certaines « vérités » assénées depuis plusieurs décennies. Je m’étonne donc de retrouver quelques dogmes anciens dans cette proposition de résolution, comme si nos cinq mois de travaux ne nous avaient pas fait progresser dans nos analyses !

Vous appelez à la prolongation du parc nucléaire actuel. Tout d’abord, nous n’avons aucune garantie sur le fait que l’Autorité de sûreté nucléaire autorisera la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs, bien au contraire ! Son président, Pierre-Franck Chevet, a déclaré, voilà quelques jours, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, que « la prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans n’est pas acquise au regard des objectifs majeurs de sûreté ». Il a également souligné que le coût du « grand carénage » annoncé à 55 milliards d’euros était revu à la hausse. D’autres spécialistes parlent aujourd’hui de plus de 100 milliards d’euros.

Vous demandez donc le remplacement partiel du parc actuel par des EPR – il y a une logique ! –, mais nous voyons bien aujourd’hui que le prix de revient du mégawattheure produit par un EPR ne sera jamais compétitif. Les plans financiers de la centrale de Hinkley Point, en Grande-Bretagne, le confirment : le mégawattheure est vendu à plus de 100 euros contre, par exemple, 80 euros pour le mégawattheure d’origine éolienne. Vous allez donc remplacer du « déjà cher » par du « encore plus cher » !

Il est alors paradoxal que cette proposition de résolution en reste à une vision non critique de ce célèbre conte sur la fée électricité bon marché, alors que le mégawattheure est vendu en dessous de son prix réel, comme l’avait clairement montré le rapport de la commission d’enquête.

Il est temps de ranger le « livre de contes » et de sortir un « livre de comptes » sur ce choix énergétique qui a affaibli la France, comme il est temps de réorienter massivement les investissements sur les filières renouvelables, point sur lequel je vous ai trouvés, chers collègues de l’UMP, plus timorés. Les chiffres de la Fédération européenne des producteurs d’électricité, Eurelectric, pour 2012 montrent bien que le nucléaire se marginalise en Europe, même au-delà de l’exemple allemand : 250 milliards d’euros d’investissements prévus dans les filières renouvelables d’ici à 2020, contre 16 milliards d’euros pour le nucléaire.

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