Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde s’accorde sur un point : la transition énergétique est devenue nécessaire, voire inéluctable, pour répondre à l’augmentation continue du prix du pétrole et au réchauffement climatique. Ce débat, le deuxième sur ce sujet depuis le début de l’année, est donc le bienvenu.
Cependant, dès que l’on parle de transition énergétique, de nouvelles interrogations apparaissent. Quelle énergie, et au service de qui ? Une transition décidée par qui, comment, sur quels critères ? En combien de temps ?
Toutes ces questions révèlent des tensions entre enjeux et acteurs différents. Ainsi, nous devons trouver de nouveaux modes de développement, de vie et de déplacement, réduire nos besoins et trouver de nouvelles sources d’énergie, sans toutefois fragiliser nos tissus économiques et sociaux ni renoncer complètement à notre confort, tout en étant attentifs à nos factures. Voilà bien des contradictions !
C’est dans ce contexte que nous débattons de cette proposition de résolution.
D’un point de vue économique, il est plus aisé d’aborder tout changement lorsqu’on se sent fort et rassuré. Or, aujourd’hui, c’est plutôt la « précarité » énergétique qui se développe en France. Nous regrettons, chers collègues, que vous n’utilisiez pratiquement pas ce terme dans votre proposition de résolution. Pourtant, la paupérisation d’une frange importante de la population soustrait celle-ci à l’accès à ce bien de première nécessité qu’est l’énergie. En outre, se profile toujours le risque d’une remise en cause du droit pour chacun d’accéder à l’énergie : que l’on songe à la volonté avortée de mise en place d’un bonus-malus énergétique...
La question énergétique est politique et sociétale avant d’être technique.
Nous devons prendre garde à ne pas transformer le droit des usagers-citoyens en une question de solvabilité du client.
De plus, le secteur énergétique a été largement libéralisé. Or la concurrence et la production privée ne peuvent assurer, à elles seules, un droit égal pour tous à l’énergie. Elles ont, en revanche, contribué à des hausses tarifaires importantes. Seule l’existence d’un grand service public garantit ce droit. Mais, à aucun moment, cette option n’apparaît dans votre proposition de résolution.
Par ailleurs, au regard des travaux de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité, dont j’étais membre, nous ne souscrivons toujours pas au postulat d’une hausse inéluctable des tarifs de l’énergie qui guiderait les choix énergétiques de demain.
Le débat national organisé l’an dernier était, convenons-en, extrêmement complexe : sa seule organisation n’a-t-elle pas nécessité un document de 106 pages ?
Certaines questions n’ont pas été évoquées, entre autres celles des externalités et des hausses tarifaires. Or nos concitoyens doivent disposer d’un état des technologies disponibles, de leurs atouts, de leurs risques. Il est important d’avoir des informations précises et dépassionnées sur toutes les solutions possibles en matière de mix énergétique : par exemple, le bilan carbone des énergies renouvelables, le bilan des aides publiques indirectes et directes, une évaluation des perspectives en termes d’emploi, d’activité industrielle ou de filière.
Nous le savons, et vous le rappelez dans votre proposition de résolution, il y aura pénurie de pétrole dans un futur proche. Toutefois, la course aux hydrocarbures est loin d’être terminée. Certes, l’énergie nucléaire nous a assuré une certaine indépendance énergétique et nous a fait bénéficier de l’électricité la moins chère d’Europe. Mais, après le dramatique accident de Fukushima, nous avons des exigences encore plus élevées en termes de surveillance et de maintenance des centrales. Il nous faut abandonner la sous-traitance et rendre à l’opérateur historique son rôle majeur, dégagé des contraintes de rentabilité.
Nous devons, de plus, réduire progressivement la voilure, de manière réaliste et raisonnable, contrairement à ce que vous proposez dans votre texte.
L’hydroélectricité, que vous évoquez également, est la première ressource d’énergie renouvelable et stockable en France. Les investissements réalisés dans notre pays nous permettent de bénéficier d’une capacité d’énergie dont le coût de production est plus faible que celui tout autre moyen de production. Pourtant, la perte de son statut d’établissement public et la suppression du droit de préférence portent juridiquement l’idée d’une mise en concurrence des concessions hydroélectriques.
La France serait donc le seul pays à offrir au marché ses torrents, ses rivières, ses lacs et ses fleuves, alors que les autres États européens ont pris des dispositions protectionnistes ?