Il est vrai que l’on ne peut pas dans le même temps préconiser, comme le font les auteurs de la proposition de résolution, la réduction de la part des énergies fossiles au profit de l’électricité et évoquer la nécessité d’exploiter les gaz de schiste qui sont eux-mêmes une énergie fossile. Qu’en pensent certains d’entre vous, mes chers collègues, qui semblent très favorables aux gaz de schiste ? Vous n’en avez pas parlé...
Cela étant, mieux adapter la production et la consommation, c’est aussi favoriser l’efficacité énergétique. Dans la proposition de résolution, il est souligné, à juste titre, que cela doit demeurer une priorité, dans un objectif d’indépendance énergétique comme de lutte contre la précarité énergétique. C’est bien de le réaffirmer ; c’est encore mieux d’agir.
Le Gouvernement a mis en place un service public de proximité pour la rénovation énergétique du bâtiment, avec un guichet unique et plus de 450 Points rénovation info service, une TVA à 5, 5 % pour cette rénovation, de nouvelles primes, un crédit d’impôt développement durable simplifié, les certificats d’économie d’énergie pour une nouvelle période, etc. Il prévoit aussi la création d’un fonds national de garantie de la rénovation thermique.
Mes chers collègues, la rénovation thermique est certainement le meilleur moyen de lutter contre la précarité énergétique, avec en complément, comme cela a été décidé, l’extension des tarifs sociaux à 8 millions de personnes et la mise en place de la trêve hivernale.
Bref, face à ces enjeux, que proposent les auteurs du texte qui nous est soumis ? Ils posent comme premier objectif le développement de la filière nucléaire. Je ne remets pas en cause le choix historique du nucléaire dans le troisième tiers du siècle dernier, mais je dois faire observer qu’il s’agissait d’abord d’un choix politique en faveur de l’indépendance nationale énergétique et économique.
Nos collègues critiquent ensuite le coût du soutien aux énergies renouvelables. Si le choix du nucléaire avait été fondé sur un tel calcul financier de court terme, nul doute que les 58 réacteurs nucléaires n’auraient jamais été construits ! Face à la transition énergétique, ne devons-nous pas faire preuve de la même audace en faveur des secteurs d’avenir ?
Les auteurs du présent texte préconisent aussi le renouvellement rapide des concessions hydroélectriques, comme si la mise en concurrence allait accroître le débit des rivières et la production des barrages ! Je considère que l’ouverture à la concurrence de ces concessions constitue une solution prématurée et ressemble à un bradage de notre patrimoine. Jean-Jacques Mirassou et Delphine Bataille, notamment, et moi-même avons déposé sur ce sujet une proposition de loi.
Pourquoi seule la France devrait-elle ouvrir l’hydraulique à la concurrence, et ce en l’absence de réciprocité avec les autres États membres ? Et quelle serait l’efficacité d’une telle décision, si le parc est coupé en morceaux ? On l’oublie trop facilement, les barrages constituent des biens publics nationaux financés par les consommateurs français. De surcroît, qu’en sera-t-il de la nécessaire coordination nationale en cas d’épisodes hydrométéorologiques extrêmes ? Qu’adviendra-t-il alors de la gestion coordonnée des réserves en eau exercée actuellement par EDF ? Enfin, qui peut assurer que l’intérêt patrimonial de l’État sera garanti dans la durée, que les promesses d’investissement seront tenues, qu’il n’y aura pas de perte d’optimisation à l’échelon national, que le Centre d’ingénierie hydraulique, qui compte 950 salariés, n’éclatera pas ?
Faut-il évoquer le devenir de l’ensemble des personnels non directement rattachés aux sites de production, ou encore la hausse mécanique des prix ? Jean-Jacques Mirassou reviendra plus en détail sur ce sujet.
Cela étant, la proposition de résolution ne mentionne les autres énergies renouvelables, celles qui ont un véritable potentiel, que pour critiquer le coût du soutien qui leur est apporté, ignorant la diminution de ce coût pour les nouvelles installations.
De plus, il est proposé de limiter le soutien aux « filières les plus compétitives ». Or une filière qui est déjà compétitive a moins besoin d’être soutenue ! Le soutien doit être apporté à des filières qui, sans être encore compétitives, présentent un potentiel environnemental et économique qui les rendra compétitives à terme : éolien maritime, hydrolien, biogaz...
Monsieur le ministre, j’apprécie que seize des trente-quatre plans industriels constituent également des réponses industrielles au défi de la transition écologique, tout comme j’apprécie la mise en place des contrats de filière dans le domaine des énergies renouvelables avec les objectifs suivants : la création de 125 000 emplois, une balance commerciale positive pour les équipements, une plus grande visibilité à l’égard des orientations, un soutien à l’exportation.
Enfin, aucune référence n’est faite aux nouveaux enjeux dans cette proposition de résolution. Je citerai, par exemple, l’autoconsommation, qui a fait l’objet d’un colloque au Sénat à l’automne dernier.
Il faudra favoriser la production d’énergies locales, que ce soit à l’échelle d’une maison, d’un quartier, d’une agglomération. Certes, je le reconnais, les enjeux sont complexes. Il faudra préserver le financement des réseaux et, sans doute, commencer par l’équipement des bâtiments tertiaires qui peuvent consommer l’électricité au moment où elle est produite par les panneaux photovoltaïques.
En conclusion, il est dommage que le texte qui nous est soumis laisse de côté tant d’enjeux essentiels. Loin de tracer le contour d’une transition énergétique, il tend en fait au maintien de la situation actuelle et ne permet pas à notre assemblée de définir une vision claire du système énergétique vers lequel devront se tourner notre société et notre économie d’ici à 2050.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste ne voteront pas en faveur de cette proposition de résolution. §