Intervention de Delphine Bataille

Réunion du 25 février 2014 à 21h30
Transition énergétique — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Delphine BatailleDelphine Bataille :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, il convient de souligner que les membres du groupe UMP ont choisi de déposer, au mois de décembre dernier, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, alors même qu’un projet de loi de programmation sur la transition énergétique était en cours d’élaboration.

Il s’agit donc sans doute pour nos collègues de réaffirmer leurs positions avant de disposer du texte du Gouvernement qui devrait être soumis prochainement au Parlement. Espérons qu’il ne s’agisse pas, à ce titre, de fermer la porte à tout débat, avant même de connaître le contenu de ce projet de loi !

Vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste ne voteront pas cette proposition de résolution, qui prend acte de divers choix en matière de politique énergétique avant même que nous soit soumis le projet de loi qui décidera de l’avenir énergétique de la France.

Ce texte en préparation a donné lieu à de nombreux travaux préalables, notamment dans le cadre de la dernière conférence environnementale et des huit groupes de travail du Conseil national sur la transition énergétique, installé à la fin de l’année 2012.

Chaque groupe a ainsi remis un rapport sur un thème circonscrit, tels que les orientations en matière d’efficacité énergétique, la trajectoire permettant d’atteindre le mix énergétique, les choix concernant les énergies renouvelables, ou encore les coûts et le financement de la transition énergétique.

La présente proposition de résolution vise deux objectifs que nous pouvons partager : la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et la limitation des rejets de gaz à effet de serre.

Elle accorde la priorité à la production d’électricité et soutient donc la prolongation de la durée d’exploitation du parc nucléaire et la poursuite du programme EPR comme du programme relatif aux réacteurs de quatrième génération.

Pour préserver l’indépendance de notre pays tout en diversifiant nos sources d’énergie, il ne paraît pas opportun de diminuer nos capacités de production électrique. L’objectif de réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans le mix énergétique d’ici à 2025 semble, dans ce contexte, difficile à atteindre.

Dans le même temps, il faut favoriser la montée en puissance des énergies renouvelables, en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur. C’est bien ce qu’a décidé le Gouvernement, monsieur le ministre, puisque vous soutenez les filières industrielles innovantes.

Toutefois, la Commission européenne a décidé de réévaluer les aides d’État dans le secteur de l’énergie, et a suggéré plusieurs pistes de réforme, dont les lignes directrices devraient entrer en vigueur au mois de juillet prochain.

Elle souhaite limiter le financement public accordé aux énergies renouvelables au strict nécessaire, afin que les mécanismes de soutien soient mieux ciblés, prennent en compte le degré de maturité des différentes technologies et se transforment progressivement en primes, plus respectueuses des mécanismes de marché.

Dans ce contexte, vous avez engagé, monsieur le ministre, une large consultation à propos des outils de soutien aux énergies renouvelables. Cet effort, qui est réalisé en association avec le ministère du redressement productif et qui constitue également un enjeu des trente-quatre plans industriels, a été réorienté en fonction de la situation des filières, accordant la priorité à l’éolien maritime, à l’hydrolien, au biogaz, ou encore à l’hydrogène.

Nous devons aussi tenir compte du rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective publié au moi de janvier dernier, qui est très critique quant à la politique énergétique européenne, et en dénonce toutes les incohérences. Selon ce document, le monde ne s’est toujours pas mis en ordre de marche pour préserver le climat de la planète.

Le recours au charbon s’est accru, notamment chez nos voisins allemands, qui ont fortement augmenté leurs émissions de gaz à effet de serre en 2012. Il en va de même pour le lignite, qui est un charbon plus polluant, mais dont l’Allemagne dispose de réserves pour trois cents ans. Elle utilise donc ses propres ressources, même si celles-ci émettent du CO2, et remplace les centrales nucléaires par des centrales au charbon ou au lignite.

La politique européenne n’a pas permis de conférer de la visibilité au sujet du prix du carbone et de fournir ainsi aux industriels un cadre propice aux investissements de long terme. Il s’agit d’un lourd échec, emportant la perte de gisements d’emplois dont nous avons tant besoin à l’échelle de l’Europe.

Il est confirmé par les hausses des prix de détail de l’électricité que les ménages européens ont subies de plein fouet, notamment depuis cinq ans : 27 % d’augmentation environ. En Allemagne, les tarifs ont doublé en dix ans, et constituent, comme en Espagne, un problème politique majeur.

En effet, si la recherche sur les énergies renouvelables doit être soutenue et le développement de celles-ci encouragé, ces énergies ne sont, aujourd’hui, pas suffisamment compétitives pour remplacer nos ressources existantes. L’Allemagne en a fait l’expérience : malgré les efforts qu’elle a fournis, les énergies renouvelables n’y occupent qu’un rang modeste, inférieur, d’ailleurs, à celui du nucléaire, ce qui contribue à renchérir le coût de l’électricité domestique.

Finalement, le rapport précité souligne que ni la sécurité d’approvisionnement, ni la préservation de la compétitivité européenne, ni la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre grâce à une meilleure efficacité énergétique et au recours aux énergies renouvelables ne sont assurés. À vrai dire, la politique européenne de l’énergie apparaît condamnée à l’échec si elle ne s’appuie que sur les mécanismes de marché.

Nous avons besoin d’une véritable politique de l’énergie qui permettra d’engager l’Union européenne vers la transition énergétique, tout en assurant le haut niveau d’investissement requis et en garantissant des perspectives d’emploi. La France et l’Allemagne y travaillent et ont décidé de coordonner les processus de transition énergétique qu’elles ont mis en œuvre, afin d’accroître la compétitivité de leur système énergétique, d’engager leur décarbonisation progressive et de renforcer leur sécurité d’approvisionnement, de même que celle de l’Europe.

Certes, la France, grâce à ses choix énergétiques, peut encore aujourd’hui garantir les tarifs les plus bas du marché européen. Elle reste toutefois dans une situation de dépendance quasi totale vis-à-vis des fournisseurs extérieurs en pétrole et en gaz. En 2013, la facture énergétique de notre pays, atteignant 66 milliards d’euros, a battu un record.

La production française de pétrole représente actuellement un peu plus de 1 % de la consommation nationale et la production de gaz correspond à 1, 4 % de la consommation. Cette situation doit amener notre pays à s’orienter vers le développement des énergies qui relèvent de son fait et à privilégier les énergies n’émettant pas de CO2, afin d’éviter les rejets dans l’atmosphère.

Enfin, on ne peut contester la priorité accordée à la maîtrise de la consommation d’énergie dans la présente proposition de résolution. Cette nécessité de réduire la consommation finale d’énergie doit conduire à mobiliser tous les leviers de la transition énergétique. À cette fin, il convient, notamment, d’améliorer l’efficacité énergétique des processus de production, des biens de consommation, ainsi que des secteurs du bâtiment et des transports.

Le Gouvernement a engagé, à cet effet, un plan de rénovation énergétique de l’habitat : les passeports de la rénovation énergétique et le fonds de garantie des prêts sont en cours d’élaboration, le programme d’investissements d’avenir consacrera 2, 3 milliards d’euros à de nouvelles actions, et le dispositif des certificats d’économie d’énergie sera reconduit.

En conclusion, la question complexe de la transition énergétique ne peut être réduite aux seuls effets écologiques. Si la réduction de la consommation et la lutte contre le réchauffement climatique constituent des enjeux majeurs, nous devons également considérer la dimension économique, la conservation de l’emploi et la réduction des déficits publics.

On ne peut cantonner, surtout, la transition énergétique à une dimension seulement nationale. Notre pays comptant 65, 5 millions d’habitants alors que la population mondiale s’élève à 7 milliards, nous devons convaincre les grandes puissances et les grands pays émergents de réaliser cette transition, faute de quoi nos efforts produiront peu d’effets sur le phénomène planétaire du réchauffement climatique.

Agissons d’abord à l’échelon niveau européen ! Un véritable volontarisme politique est nécessaire pour consolider l’Union européenne et lui permettre de mettre en œuvre ses choix pour l’avenir. §

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