Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en premier lieu, de saluer l’initiative prise par Ladislas Poniatowski de présenter cette proposition de résolution relative à la transition énergétique, que je voterai, bien évidemment. L’examen de ce texte est pour moi l’occasion de vous poser un certain nombre de questions, monsieur le ministre.
Ce débat est essentiel, car il se situe au cœur des deux chantiers prioritaires annoncés en ce début d’année 2014 par le Président de la République : la compétitivité et l’emploi.
Ce débat est légitime, car il prend place au cœur des grandes missions d’analyse et de prospective que mène la Haute Assemblée.
Vous ne serez pas surpris que mon propos traite essentiellement de la filière nucléaire française. À ce sujet, je me permets de vous signifier ma totale incompréhension eu égard à vos récentes déclarations, prononcées à l’occasion de la nomination du nouveau délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim.
Notre filière nucléaire, faut-il vous le rappeler, est incontestablement créatrice d’emplois et de valeur ajoutée économique dans la compétition mondiale acharnée que nous vivons ; Jean-Pierre Chevènement l’a vigoureusement fait remarquer. Elle représente 125 000 emplois directs et 4 % de l’emploi industriel en France. La construction d’un EPR entraîne, quant à elle, la création de plus de 8 000 emplois pérennes.
Mieux encore, de grands groupes industriels mondiaux choisissent la France comme lieu stratégique d’implantation dans le cadre de leur développement européen, car le coût de leur production y est très compétitif ; Jean-Pierre Vial l’a rappelé tout à l'heure. Je parle, en matière de compétitivité, non pas de nos coûts sociaux, toujours très élevés, mais bien de ceux de l’électricité qui restent parmi les plus bas du monde grâce, précisément, à notre atout nucléaire.
Que dire encore de notre fleuron mondial EDF, qui vient de signer un accord historique pour la construction de deux EPR en Grande-Bretagne ? Le marché nucléaire d’outre-Manche est ainsi devenu le premier en Europe. Notre voisin est aussi annoncé comme étant le pays d’Europe où la croissance économique sera la plus forte à l’horizon 2020, devançant l’Allemagne elle-même. Faut-il y avoir une relation de cause à effet ? Il est permis de le penser.
Si la France a choisi, hier, d’avoir recours à l’énergie nucléaire, il ne faudrait pas aujourd’hui – Jean-Claude Lenoir le rappelait excellemment – fragiliser cette filière sous couvert d’une fausse modernité. Mais peut-être est-ce là le prix à payer d’un accord politique visant à assurer la cohésion ou la cohérence d’un équilibre gouvernemental bien fragile ?
Nous bénéficions, grâce à l’énergie nucléaire, d’un taux d’indépendance énergétique de 50 %, contre 20 % ou 25 % pour nos voisins allemands, italiens ou belges. Cette indépendance est allée de pair avec le développement du parc nucléaire en seulement dix ans, entre 1980 et 1990.
Monsieur le ministre, à l’heure où la balance commerciale française affiche des signes de faiblesse, pourquoi vouloir se priver d’une source d’énergie qui, mécaniquement, renforce les exportations françaises ?
Les exportations françaises en matière d’équipements et de services nucléaires représentent un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 6 milliards d’euros. Le solde des échanges d’électricité de la France avec ses voisins, essentiellement du nucléaire, est structurellement excédentaire de plus de 2 milliards d’euros par an en moyenne. Enfin, le recours au nucléaire permet d’éviter des importations additionnelles coûteuses d’hydrocarbures, qui contribueraient encore à dégrader la balance commerciale de notre pays.
Pourquoi, encore, vouloir se priver d’une source d’énergie qui joue un rôle majeur dans le maintien de notre industrie et, tout particulièrement, des gros consommateurs dits « électro-intensifs » ? Cet enjeu est si important que Louis Gallois, dans le rapport que lui a précisément demandé le Gouvernement et qui est devenu une référence, n’a pas manqué de retenir cette industrie au titre des priorités de l’avenir.
En outre, toute entrave à cette filière pour des considérations purement politiques ne saurait produire que des effets négatifs dans deux domaines pour lesquels l’excellence française est reconnue : la sûreté nucléaire et le développement du projet ITER, dont le choix d’implantation sur le site de Cadarache tient à la qualité de notre expertise scientifique et technologique. À cet égard, je suis persuadé que notre collègue Didier Guillaume partagerait ce point de vue.
Si l’énergie nucléaire est un formidable atout pour notre pays, nous devons, j’en conviens aussi, soutenir le développement des énergies renouvelables au travers de la transition énergétique. Et c’est précisément en maintenant, voire en développant, le nucléaire que l’on pourra mieux encore faire émerger le développement de ces énergies renouvelables.
Monsieur le ministre, notre collègue Jean-Claude Lenoir, avec un certain humour, vous a invité à « sortir de l’ambiguïté ». Aussi, pour vous y aider et ne pas vous laisser dans l’embarras, permettez-moi de vous poser, en conclusion, cinq questions.
Premièrement, soutenez-vous la position de votre collègue, le ministre du redressement productif, lorsqu’il déclare que le nucléaire est une filière d’avenir ?
Deuxièmement, êtes-vous d’accord avec le Président de la République, qui souhaite fermer d’ici à 2016 la centrale de Fessenheim ?
Troisièmement, où est la cohérence après que l’Autorité de sûreté nucléaire a délivré son avis sur la sécurité de ce site ?
Quatrièmement, quelle est votre définition de la transition énergétique ? Doit-elle s’appréhender sous le seul angle national ou, mieux encore, à l’échelon européen ?
Cinquièmement, enfin, l’ensemble du bouquet énergétique doit-il être corrélé malgré tout avec un marché du carbone ? Compte tenu de l’effondrement des prix, allez-vous repenser ce marché sous l’angle d’un marché d’anticipation au travers de la création d’une banque du carbone au plan européen ? §