M. le garde des sceaux parle de progrès. Pour ma part, je suis convaincu qu'il s'agit, sans que l'on s'en aperçoive, d'un changement très profond de la justice pénale à l'échelon correctionnel.
Pour toutes les affaires répétitives avec identité de faits, je pense à la conduite en état d'ivresse où il s'agit simplement de savoir quel est le taux d'alcool dans le sang, nous disposons déjà d'un éventail de solutions pénales ; nous n'avons pas besoin de la CRPC.
C'est à la procédure de comparution immédiate qu'il faut apporter des changements, en opérant une distinction entre celui qui choisit la formule du plaider coupable et celui qui conteste. Dans le premier cas, on appliquerait une procédure sommaire.
Avec la CRPC, nous allons passer, dans un domaine quantitativement très important, d'une justice de jugement à une justice administrée. En effet, pour que ce type de procédure puisse fonctionner, il faudra établir une sorte de « tarification ». Lors de la comparution devant le procureur de la République, on donnera le choix au prévenu : si vous n'acceptez pas, ce sera le tribunal qui décidera ; en revanche, si vous acceptez, la peine sera moins lourde que celle qui est communément appliquée. Dès lors, l'avocat sera réduit à la fonction de suppliant.
Il ne restera plus au magistrat du siège qu'à examiner le dossier que lui enverra le procureur. Il sera moins qu'un juge de l'exequatur. Il ne pourra plus qu'accepter ou refuser, sans pouvoir déterminer la peine, sans apprécier la personnalité de l'accusé, sinon pour exercer son droit de veto, ce qu'il ne fera qu'avec hésitation, on le conçoit.
Les procédures pénales sont l'expression même des libertés dans un Etat de droit. Je comprends bien les raisons qui vous motivent : on ne peut plus faire face au flux des affaires. Mais faute de trouver des procédures meilleures correspondant aux exigences que j'évoquais tout à l'heure, faute d'avoir les moyens d'une véritable justice, vous nous proposez une justice à la mesure de vos moyens.