Intervention de Corso Bavagnoli

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 février 2014 : 1ère réunion
État d'avancement et perspectives d'évolution de l'union bancaire — Audition conjointe de Mm. Corso Bavagnoli sous-directeur des banques et du financement d'intérêt général à la direction générale du trésor frédéric visnovsky secrétaire général adjoint de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution acpr karel lannoo directeur général du centre for european policy studies ceps pierre de lauzun directeur général délégué de la fédération bancaire française et Mme Laurence Scialom professeure d'économie à l'université paris-x

Corso Bavagnoli, sous-directeur des banques et du financement d'intérêt général, direction générale du Trésor :

Ma première intervention sera brève et laissera certaines questions en suspens en attendant la fin du tour de table. Depuis juin 2012, la mise en place de l'union bancaire est une priorité de l'agenda européen. En mettant fin au cercle vicieux entre risque souverain et risque bancaire, surtout dans les États périphériques de la zone euro, elle est indispensable à la reprise de l'activité économique.

L'union bancaire était déjà en filigrane dans le traité de Maastricht, qui envisageait de doter la BCE, le moment venu, de compétences de supervision. Début 2011, sur les préconisations du rapport de Jacques de Larosière, une autorité bancaire européenne, une autorité européenne des marchés financiers et une autorité européenne des assurances ont été mises en place, et le paquet CRD4/CRR a instauré un corpus unique de règles en matière de surveillance bancaire. Une étape décisive a été franchie en juin 2012, lorsque le Conseil européen a pris une position de principe en faveur de la création de mécanismes de supervision et de résolution uniques, ainsi que de la mise en place d'un système unifié de garantie des dépôts.

Les marchés européens sont, en effet, de plus en plus intégrés, mais la responsabilité de la supervision et de la résolution est demeurée essentiellement nationale. Il était urgent d'agir sur le canal par lequel l'érosion de la confiance des marchés aboutissait à exporter les difficultés de financement aux États souverains, comme ce fut le cas en Espagne avant le Conseil européen de juin 2012. Ce cercle vicieux a conduit à renationaliser les marchés financiers et compliqué, en dernière instance, les conditions de financement de l'économie réelle en périphérie de la zone euro. En juin 2012, les chefs d'États et de gouvernements ont décidé d'autoriser le mécanisme européen de stabilité (MES) à recapitaliser directement les banques de la zone euro lorsqu'un mécanisme de supervision unique (MSU) aura été établi car, dès lors que les ressources des contribuables européens étaient sollicitées, il fallait simultanément créer une responsabilité commune de prévention des risques bancaires.

Sur le fondement du règlement adopté à l'automne 2013, le MSU est en cours de mise en oeuvre, et devrait être opérationnel en novembre 2014. Les responsables de son conseil de supervision ont été nommés. Les chantiers prioritaires seront la revue des actifs conduite par le MSU et les tests de résistance, menés par l'Autorité bancaire européenne. À terme, la BCE sera responsable de la supervision de toutes les banques européennes. Cette supervision sera directe pour les 128 plus grands établissements, qui ne sont pas tous systémiques, représentant 85 % des actifs de la zone euro, et indirecte pour les autres. Le secteur bancaire français, plus concentré que dans les autres pays, sera contrôlé directement à 95 %.

Le deuxième étage du système est constitué du mécanisme de résolution unique (MRU), encore en discussion. Un règlement européen et un accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au fonds unique de résolution formeront sa base juridique. Le Conseil européen a trouvé un accord, le 18 décembre dernier, sur un projet de règlement, et les discussions avec le Parlement européen ont commencé. Son périmètre sera plus large que celui du MSU, car la responsabilité directe de l'autorité européenne de résolution concernera toutes les banques de la zone euro, dès lors qu'elles ont une activité transfrontalière. Le MRU sera administré par un conseil de résolution restreint, afin d'assurer la rapidité de ses décisions, qui associera étroitement les autorités nationales concernées. Les décisions prises seront soumises sur proposition de la Commission européenne à l'approbation du Conseil européen, qui disposera de vingt-quatre heures pour rendre sa décision.

Le fonds unique de résolution européen de 55 milliards d'euros, soit 1 % des dépôts garantis de la zone euro, sera créé au sein du MRU, et financé par les établissements de crédit sur une période transitoire de dix ans. Des compartiments nationaux seront utilisés en résolution, mais de manière dégressive, à mesure que progressera la mutualisation. Au bout de dix ans, le fonds unique, totalement mutualisé, bénéficiera d'un filet de sécurité public européen commun. Le système sera alors totalement fédéralisé.

Ces instruments résultent de compromis, mais il ne faut pas sous-estimer leur ambition. Le champ du MRU est large, ce qui incitera la BCE à étendre celui de sa supervision. Le fonds unique sera opérationnel dès 2015, sa mutualisation progressive et sa capacité, importante, permettra de faire payer au secteur bancaire ses propres crises.

Le mécanisme européen de garantie des dépôts sera le dernier pilier de l'union bancaire. Des progrès importants ont déjà été accomplis, puisqu'une nouvelle directive d'harmonisation sera adoptée en trilogue au printemps, après accord du Conseil Ecofin. Elle unifiera le mode de financement des garanties des dépôts en Europe, et accélèrera le remboursement des particuliers et des entreprises bénéficiaires. À terme, il faudra aller plus loin, et mettre en place une mutualisation de la garantie des dépôts pour tous les États membres participant à l'union bancaire. Cela permettra d'obtenir un même niveau de protection pour tous les déposants au sein de l'union bancaire.

L'union bancaire, qui est un défi considérable a, pour l'heure, fait l'objet de progrès extraordinairement rapides. Il reste à conclure, d'ici au printemps, les négociations sur l'accord intergouvernemental et, avec le Parlement européen, sur le règlement où ce dernier a un pouvoir de codécision, afin que le mécanisme soit opérationnel dès 2015.

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