Intervention de Karel Lannoo

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 février 2014 : 1ère réunion
État d'avancement et perspectives d'évolution de l'union bancaire — Audition conjointe de Mm. Corso Bavagnoli sous-directeur des banques et du financement d'intérêt général à la direction générale du trésor frédéric visnovsky secrétaire général adjoint de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution acpr karel lannoo directeur général du centre for european policy studies ceps pierre de lauzun directeur général délégué de la fédération bancaire française et Mme Laurence Scialom professeure d'économie à l'université paris-x

Karel Lannoo, directeur général du CEPS :

C'est un plaisir de m'exprimer devant vous. J'étudie ces questions depuis vingt ans. L'union bancaire est une étape critique pour l'intégration européenne, aussi critique, pour certains, que l'était l'union économique et monétaire. Ce n'est pas faux. L'ampleur de la crise qui a frappé le secteur bancaire imposait de créer urgemment un système plus intégré. La décision n'a été prise qu'en octobre 2013. Donnons à la BCE le temps de réaliser ce travail titanesque. Humainement d'abord : elle a déjà prévu d'embaucher près de 800 personnes. Méthodologiquement ensuite : l'harmonisation des données bancaires, dont les définitions sont encore nationales, sera un chantier majeur. La création de la BCE elle-même a pris cinq années. Si cela ne tenait qu'à moi, je lui donnerais davantage qu'un an pour mettre en place l'union bancaire.

En effet, beaucoup reste à faire. Le marché intérieur fonctionne depuis vingt ans, mais certaines questions n'ont toujours pas été tranchées. L'harmonisation des règles prudentielles n'est pas totale - certaines règles issues de la directive CRD4 unifiant les définitions du capital des banques ne sont connues que depuis août dernier. De même pour les règles de reporting par les banques, ou celles relatives aux prêts non performants ou douteux, dont la définition repose sur la durée d'impayé - trois, six ou neuf mois selon les pays. La BCE ne pourrait harmoniser ces règles unilatéralement, car l'impact sur le cycle du crédit serait trop brutal et pénaliserait les entreprises.

Autre source de difficultés pour la BCE : de nombreuses compétences sont restées dans les mains des États membres, les ratios de capital par exemple. La BCE a affirmé il y a deux semaines que les autorités de régulation nationales participant au MSU devaient la solliciter sur toute mesure prise dans ce domaine : nous verrons comment cela s'applique. Les normes comptables sont également de la compétence des États membres, comme la fiscalité ou la réglementation des prix de transfert. La BCE devra relever le défi d'imposer son système de supervision. Cela durera sans doute un certain temps.

À long terme, l'ambition est de créer une culture européenne de supervision bancaire. Pour ce faire, la BCE constituera des équipes multinationales, afin d'écarter tout risque de biais dans ses contrôles. A raison de quarante ou cinquante personnes par équipe, la supervision de 130 banques sollicitera des effectifs énormes. Là encore, cela demandera du temps.

Avons-nous découplé le risque bancaire et le risque souverain ? Nous avons d'abord renforcé la réglementation sur les fonds propres des banques. Si ces fonds propres ne suffisent pas, le mécanisme de résolution prévoit ensuite une procédure de renflouement - ou bail-in - obligatoire jusqu'à 8 % du passif des banques, ce qui est énorme et n'existe pour l'heure qu'en Suisse. En outre, chaque État membre doit constituer un fonds de résolution national, doté à hauteur de 0,8 % de ses dépôts bancaires. Enfin, le mécanisme de garantie des dépôts disposera également d'un montant égal à 0,8 % des dépôts. Les États membres disposaient déjà d'un mécanisme de garantie, mais il n'était financé, pour certains, qu'a posteriori.

À Bruxelles, les critiques portent essentiellement sur la complexité de la procédure de décision, sur l'insuffisance du fonds et sur le fait qu'il ne sera opérationnel qu'en 2026. Je ne suis toutefois pas inquiet. Le MES fait office de prêteur en dernier ressort. En attendant le MRU, la contagion du risque bancaire au risque souverain n'est pas exclue, mais dans dix ou douze ans, le système sera beaucoup plus intégré et le risque amoindri.

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