Intervention de David Azéma

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 février 2014 : 2ème réunion
Mise en oeuvre de la nouvelle doctrine de l'état actionnaire — Audition de M. David Azéma commissaire aux participations de l'état directeur général de l'agence des participations de l'état

David Azéma, commissaire aux participations de l'État, directeur général de l'Agence des participations de l'État :

Nous observons les entreprises, nous nous forgeons une opinion sur le bon niveau de participation et nous adressons des recommandations, mais c'est le Gouvernement qui décide.

Dans l'opérations PSA, nous ne sommes pas les seuls, avec DongFeng, à accompagner l'augmentation du capital. Il fut il est vrai un temps envisagé, courant 2013, une augmentation de capital intégralement souscrite par DongFeng et l'État français. Les résultats de l'entreprise, l'arrivée de Carlos Tavares, l'existence d'un projet industriel commun entre DongFeng et Peugeot, la situation globale du marché ont permis, fin 2013, de rouvrir une hypothèse d'opération de marché, avec émission de droits préférentiels de souscription (DPS) pour les actionnaires. C'est le dispositif que nous avons retenu in fine. L'augmentation de capital réservée est de 1 milliard d'euros, partagée entre DongFeng et l'APE, à l'issue de quoi, des DPS seront distribués aux actionnaires, qui pourront soit souscrire de nouvelles actions, soit les céder à d'autres qui pourront souscrire à leur place. Les banquiers conseils des différents acteurs sont confiants dans la réussite de cette opération.

Les deux actionnaires entrants auront souscrit pour 500 millions d'euros dans l'opération réservée et se sont engagés à exercer leur DPS, ce qui porte l'engagement de chacun à 800 millions d'euros. La famille s'est engagée à exercer un nombre de DPS suffisant pour se recaler à 14 % du capital, au même niveau que les deux autres actionnaires stratégiques. Les engagements - les montants que je cite sont approximatifs - sécurisent ainsi 1,8 milliard d'euros sur les 3 milliards d'euros à lever ; le restant, 1,2 milliard d'euros, sera souscrit par une pluralité d'investisseurs. C'est un élément qui nous a permis de considérer que nous n'agissions pas sous le régime des aides d'Etat : c'est une opération normale d'un investisseur avisé. Nous avons porté notre analyse à la Commission européenne, qui considère que l'opération ne justifie pas une notification au titre des aides d'État.

Y a-t-il eu demande de contreparties ? Ce n'est pas le propre de l'opération en capital. Les ministères concernés sont, évidemment, aux premières loges des opérations industrielles et de restructuration au sein du groupe, et veillent à la préservation des intérêts nationaux. Cela s'est fait, se fait, se fera, comme je m'en suis expliqué tout à l'heure, indépendamment de la présence au capital. En tant qu'Etat investisseur, nous ne faisons qu'apporter du capital et nos co-investisseurs ne l'auraient pas compris autrement. Nos demandes étaient d'ailleurs les mêmes que leurs : une représentation au conseil, l'établissement d'un certain nombre de principes dans la gouvernance et puis c'est tout.

Il n'y aura pas un concert de contrôle, mais trois actionnaires de poids qui s'équilibrent. Ils peuvent d'ailleurs n'être pas toujours d'accord, et je pressens, au demeurant, une divergence de vues possible sur la rémunération des dirigeants, car les positions et doctrines de l'État français peuvent entrer en conflit avec celles d'autres investisseurs... Nous ne nous sommes pas engagés à rechercher un consensus entre les trois actionnaires stratégiques.

Je n'ai pas connaissance d'un recours et d'ailleurs, il n'existe pas d'acte, aujourd'hui, qui pourrait donner lieu à l'engagement d'un contentieux.

Notre présence concomitante dans PSA et Renault ? Mais c'est le cas de bien des investisseurs que d'être présents dans des entreprises concurrentes. Nous avons aussi, concomitamment, 84 % d'EDF et 36 % de GDF Suez, qui se vivent comme deux grands concurrents. La RATP et la SNCF, de même, sont deux établissements publics détenus à 100 % par la puissance publique. Nous nous sommes bien sûr donné des règles pour nous garder de tout mélange des genres : jamais un même administrateur dans deux entités concurrentes, jamais d'informations communiquées de l'un à l'autre. En revanche, outre que c'est une bonne chose pour l'État que d'avoir une compréhension de l'intérieur de certains secteurs, nous devons tirer bénéfice de notre présence dans plusieurs entreprises d'un même secteur pour faire remonter certaines préoccupations - je pense notamment à la politique de l'énergie.

Vous m'interrogez sur le partage des tâches entre l'APE et Bpifrance. Il y a un continuum dans notre action : nous ne sommes pas en rivalité ou en concurrence mais bien complémentaires. Nous possédons 50 % de Bpifrance, au conseil d'administration de laquelle je siège. Nous nous partageons les rôles au service de la politique actionnariale de l'État. Pour PSA - dossier complexe dans sa dynamique de négociation -, nos interlocuteurs chinois n'étaient pas entrés dans le détail de l'actionnariat public français, mais il nous a semblé qu'il serait préférable de négocier au niveau de l'APE, compte tenu de la conception chinoise des affaires, qui a coutume de remonter au niveau gouvernemental...

Si nous faisions entrer la Caisse des dépôts dans le périmètre de l'APE, Bpifrance serait à 100 % à l'État. La Caisse des dépôts est certes une entité publique, avec les mêmes considérations d'intérêt général que nous, mais nous restons bien distincts, y compris en termes de tutelle puisque seule la direction générale du Trésor est représentée à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Pour nous, la Caisse des dépôts est un organisme tiers, avec sa propre gouvernance. Reste que, du point de vue des autorités boursières étrangères, la Caisse des dépôts, c'est l'État. On l'a constaté sur le dossier EADS. D'où notre préoccupation de toujours veiller à consolider nos participations, pour ne pas franchir, dans des entreprises étrangères, les seuils d'offre publique obligatoires. C'est un impératif car notre lecture, héritée du XIXe siècle, n'est pas forcément celle de nos interlocuteurs étrangers.

J'en viens à la question de la rémunération - celle des dirigeants mandataires sociaux, sachant que les non mandataires ont un contrat de travail qui ne peut être défait par injonction gouvernementale. Dans les entreprises dont nous contrôlons le capital, le décret qui plafonne la rémunération, tous éléments confondus, à 450 000 euros, a été appliqué par anticipation au 1er octobre 2012 à tous les dirigeants mandataires sociaux. Dans les entreprises où notre participation est minoritaire, nous ne sommes souvent pas en mesure, ni dans les conseils d'administration, ni en assemblée générale, d'imposer nos vues. Nous avons néanmoins essayé de formaliser des principes à l'occasion du vote sur le « say on pay », cette disposition du code AFEP-MEDEF de gouvernement d'entreprise, dont les dispositions ont été reprises par 99 % des entreprises présentes dans le portefeuille de l'État, qui présenteront les rémunérations 2013 de leurs mandataires à leur assemblée générale, laquelle émettra un vote indicatif. Ce vote reste certes sans conséquences juridiques, mais la bonne pratique veut que, si les actionnaires manifestent leur désapprobation, le conseil d'administration doit se réunir pour en tirer les conséquences.

L'État a communiqué, en amont, sa position aux entreprises. Les niveaux de rémunération atteints par le passé méritent d'être reconsidérés et un effort de réduction de l'ordre de 30 %, par rapport à 2012 serait bienvenu. Il devrait, de même, être mis fin aux actions de performance et aux stock-options, ainsi qu'aux retraites chapeau, et les indemnités de rupture nouvellement décidées ne devraient pas être supérieures à douze mois de rémunération. Cette position déterminera notre vote sur le « say on pay » 2013.

Je ne suis pas en mesure, à ce jour, de fournir un bilan complet du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». En tout état de cause, nous sommes convenus de produire notre rapport sur l'État actionnaire non plus en octobre mais dès juillet, pour éviter un décalage excessif dans le temps.

Le comité stratégique de l'État actionnaire est en cours de constitution - les ministres étudient diverses propositions. Il sera composé d'agents publics, de fonctionnaires et de représentants de la société civile. Ce sera, pour l'APE, l'équivalent d'un conseil d'administration, dans sa fonction non d'administration mais de réflexion et de débat. Il est bon d'échanger de bonne foi avec un aréopage de personnes compétentes pour orienter la décision.

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