Ayant pris mes fonctions hier après-midi, je ne saurais répondre à tout ! La gouvernance de l'Arjel est, par la loi, confiée à un collège, que je n'ai pas encore rencontré. Le président est l'exécutif. Mon prédécesseur a réformé l'organigramme en octobre dernier. La Cour des comptes a confié à Mme Malgorn une étude sur l'Arjel, mais son rapport n'est pas encore disponible. Bien sûr, je tiendrai compte de ses conclusions.
Comme vous le savez bien, ce n'est pas l'Arjel qui décide de l'assiette fiscale applicable aux secteurs des jeux en ligne. Je pense, cela dit, que la délicate question de la fiscalité ne peut pas être traitée indépendamment de celle du TRJ, les opérateurs liant, en réalité, l'instauration du PBJ comme assiette fiscale au déplafonnement du taux de retour aux joueurs. Rappelons d'ailleurs que la France est le seul État européen qui plafonne le TRJ. Or, comme nous l'avons écrit dans le Livre blanc, en nous fondant sur la littérature internationale et sur de nombreuses auditions, un TRJ élevé favorise les addictions par deux canaux : d'une part, les gains étant souvent remis en jeu, la durée de jeu est plus longue et, d'autre part, en gagnant souvent de petites sommes, le joueur est incité à penser qu'il maîtrise le hasard. Au total, c'est donc avec une grande prudence que j'aborde ces sujets qui relèvent de la compétence du législateur.
L'encadrement des paris sportifs est fondamental. L'Arjel a interdit les paris sur les matchs sans enjeu de compétition, car les risques de corruption y sont plus élevés. Je ne connais pas encore le détail des paris sur les phases de jeux. Mon prédécesseur s'en était déjà soucié et avait indiqué au comité consultatif des jeux, comme François Trucy s'en souvient certainement, qu'il convenait de prohiber les paris sur les éléments du match sans impact sur le résultat final.
Les chiffres d'affaires des réseaux physiques sont sans commune mesure avec ceux des jeux en ligne : 12 milliards d'euros pour la Française des Jeux, 10 milliards d'euros pour le PMU, quand les mises totales pour l'ensemble des jeux agréés en ligne s'élèvent à 8 milliards d'euros, et que leur produit brut, en 2012, fut de 686 millions d'euros. Nos poids économiques respectifs sont très différents. Faut-il aller vers une autorité de régulation unique ? Toute institution tend à se développer et ce pourrait être une tentation... Une autorité de régulation apparaît lorsqu'un monopole est supprimé. Elle est liée à un marché ouvert. J'ai siégé au comité consultatif des jeux, il supervise les programmes de jeux responsables et de lutte contre le blanchiment de la Française des Jeux et du PMU. Ceux-ci sont surveillés de très près et font l'objet d'un rapport annuel au ministre. Certes, les jeux en ligne offrent davantage de failles. Dans le réseau physique, la surveillance repose sur les détaillants qui, par exemple, refusent de vendre aux mineurs. Plus qu'une fusion, la priorité serait le partage des données et la coordination des actions.
L'ouverture des tables de poker à l'international a été écartée du projet de loi. Bien sûr, cela donnerait davantage d'intérêt au jeu, mais il y a, dans plusieurs pays, une criminalité organisée qui pourrait utiliser ce moyen pour blanchir de l'argent. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne est assez nuancée et considère que la gestion des jeux relève des États, laissés libres d'opter pour le monopole s'ils le souhaitent. Le principe de non-reconnaissance mutuelle des opérateurs constitue une exception au droit commun européen. La Cour a estimé toutefois, à propos du cas italien dans les années quatre-vingt-dix, qu'une gestion des jeux axée sur des objectifs commerciaux interdisait d'en limiter l'accès à d'autres opérateurs aussi strictement que lorsque prévalent les impératifs de sécurité publique de protection des consommateurs. Il faudrait donc soigneusement peser les éventuelles conséquences pour la France, de ce point de vue, d'une éventuelle ouverture à l'international du poker en ligne.
L'Arjel a déjà présenté un rapport sur les jeux d'adresse en ligne, qui soulignait les risques de fraudes - comment savoir qui joue en face, homme ou machine ? - et exprimait toutes ses réticences.
Certains opérateurs historiques qui interviennent sur le réseau physique proposent aussi des jeux en ligne. Vous l'avez rappelé, l'Autorité de la concurrence a distingué, concernant le PMU, entre les mises provenant du réseau physique et les mises en ligne, ce qui rétablira les conditions de concurrence avec les autres opérateurs. La Française des jeux n'est pas concernée, elle n'intervient pas dans les paris hippiques. C'est une décision importante !
Le nombre d'agréments a diminué au fil du temps, et nous sommes passés d'une trentaine d'opérateurs, lors de l'ouverture des jeux en ligne, à seulement dix-huit aujourd'hui. Ce mouvement de consolidation n'est pas sans rappeler ce que j'ai observé dans les télécoms, et il est bienvenu s'il donne aux opérateurs qui demeurent une assise suffisante pour envisager, sur le poker par exemple, une diversification des partenaires, qui n'est pas en soi une mauvaise chose...