Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 27 février 2014 à 10h00
Débat sur le bilan des 35 heures à l'hôpital

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat organisé à la demande du groupe UDI-UC sur l’application des 35 heures à l’hôpital nous apparaît comme l’occasion de réaffirmer l’immense qualité des professionnels médicaux, paramédicaux, administratifs et techniques qui œuvrent dans nos établissements hospitaliers. Alors que les conditions de travail y sont de plus en plus difficiles, ils et elles font face aux attentes importantes des patients et de leurs familles. Je tiens, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à les en remercier.

La majorité de nos concitoyens partagent ce constat : à leurs yeux, le service public hospitalier constitue encore aujourd’hui un pilier dans l’organisation publique de notre pays, comme le souligne le 10e baromètre de la Fédération hospitalière de France, publié en mai dernier, à l’occasion des Salons de la santé et de l’autonomie.

Les personnels des hôpitaux sont pourtant mis parfois à rude épreuve. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, comment croire que le niveau de saturation de certains services, notamment les urgences, peut rester sans conséquences sur eux et sur les patients en attente de soins depuis plusieurs heures ?

Cette pression constante confirme l’urgence d’embauches supplémentaires, à rebours de la poursuite des restructurations et des fusions dont il a été beaucoup question lors de la discussion de notre proposition de loi visant à instaurer un moratoire à cet égard.

La mise en cause des 35 heures touche à la conception même du service public et à son organisation. Au groupe CRC, contrairement à d’autres, nous sommes convaincus que la réduction du temps de travail peut constituer un levier permanent vers une société plus humaine. À l’inverse de notre collègue Jean Arthuis, nous ne considérons pas que cet objectif relève de l’utopie.

Malheureusement, au sein des établissements publics de santé, cette réduction du temps de travail n’a pas été suffisamment accompagnée et préparée avec les organisations syndicales. Les créations d’emplois, indispensables pour remplacer les agents publics sollicitant l’usage des heures de repos accumulées sur leurs comptes épargne-temps, étaient et demeurent manifestement insuffisantes.

Alors que la réduction du temps de travail était estimée à 10 %, seulement 5 % d’emplois en plus auraient été créés. Les principales organisations syndicales évoquent ainsi la création de 35 000 postes, quand l’application effective des 35 heures en exigeait 80 000.

Tout cela a conduit à ce que certains ont appelé la « crise de 2011 ». Pour mémoire, les comptes épargne-temps, sur lesquels étaient stockés les jours de RTT dus aux médecins et aux agents publics, devaient être apurés. Or, du fait de l’insuffisance du nombre de médecins dans les établissements publics de santé, près de 41 000 d’entre eux avaient accumulé six mois de congés au titre de la réduction du temps de travail. Pour l’ensemble des personnels hospitaliers, ce n’étaient pas moins de 3, 3 millions de journées de RTT accumulées pour lesquelles il fallait trouver une solution.

Le gouvernement de l’époque a finalement fait le choix d’un accord, considéré comme coûteux, favorisant la monétisation partielle de ces journées et la possibilité d’accumuler une partie des jours dus en vue d’un départ anticipé à la retraite.

Depuis, les choses n’ont pas réellement changé. Les agents publics auraient accumulé 10 millions de jours sur les comptes épargne-temps, et les médecins, plus de 2 millions supplémentaires. Ces jours, les agents publics et les médecins ne peuvent toujours pas en bénéficier, faute de personnel de remplacement. La tendance actuelle conduit plutôt au rappel des agents publics durant leurs jours de repos, de vacances ou de récupération, afin de pallier les absences de leurs collègues.

En réalité, l’application des 35 heures a, d’abord et avant tout, entraîné une pression plus forte sur les agents hospitaliers, pour qu’ils fassent plus en étant moins nombreux, plus vite en ayant plus de tâches à réaliser, et mieux avec des moyens matériels toujours plus insuffisants. Cela se traduit concrètement par une pression psychologique et physique qui abîme les corps comme les âmes et s’accompagne d’une augmentation significative des congés pour maladie ou des maladies professionnelles.

Dès lors, tant dans l’intérêt des personnels hospitaliers que pour assurer un bon fonctionnement des hôpitaux, la question de l’application des 35 heures doit être abordée avec à la fois audace et responsabilité.

En 2002, des budgets dédiés avaient été prévus pour financer des embauches. Cela nous conduit à vous interroger, madame la ministre, sur l’adéquation des aides prévues aux besoins réels en matière de création d’emplois. Ces aides ont-elles été véritablement destinées à la création des emplois associés à l’application des 35 heures ?

Nous devons également réfléchir pour aujourd’hui et pour demain. Force est de constater que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, sans embauches supplémentaires en nombre suffisant, la situation ne sera toujours pas apurée, les comptes continueront à amasser toujours plus de jours de RTT dus et les agents hospitaliers seront toujours contraints de subir un temps de travail hebdomadaire largement dérogatoire au droit commun.

Il faut donc embaucher, ce qui, dans le contexte d’une réduction jamais vue de l’ONDAM, est difficilement envisageable. Sans s’y résigner, mon groupe formule la proposition suivante : puisque, dans le secteur privé, les 35 heures se sont accompagnées d’exonérations de cotisations sociales, pourquoi ne pas envisager, de manière temporaire, une suppression ou une réduction de la taxe sur les salaires pour les établissements publics qui embaucheraient des personnels supplémentaires afin de faire face aux besoins nés de l’application des 35 heures ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion