Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à dix heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan des 35 heures à l’hôpital, organisé à la demande du groupe UDI-UC.

La parole est à M. Jean Arthuis, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’hôpital est au cœur de notre système de santé. Son coût annuel, 65 milliards d’euros, est toujours l’objet d’interrogations, notamment à l’occasion des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Nous savons bien que les frais de personnel y prennent une place prépondérante. C’est pour cette raison que le groupe UDI-UC a souhaité dresser le bilan des 35 heures à l’hôpital. Plus globalement, il est peut-être temps de faire le point sur les 35 heures dans la fonction publique. La situation est suffisamment grave pour rompre avec les conventions de langage habituelles et sortir des clivages traditionnels qui nous ont cantonnés dans l’absence de décision et de réforme structurelle.

Il est symptomatique que nous débattions aujourd’hui des 35 heures à l’hôpital au moment où le Président de la République entend réduire de 50 milliards d’euros les dépenses publiques. Au surplus, nous devons avoir à l’esprit que les frais de personnel représentent de 65 % à 75 % du budget des hôpitaux et des établissements médicosociaux. Il n’y a là rien de comparable avec les autres secteurs.

C’est dans ce contexte exigeant que nous tentons enfin d’évaluer les bienfaits attendus et supposés de la grande réforme mise en œuvre par le gouvernement de Lionel Jospin dès son arrivée aux affaires : partager le travail, comme on partage un gâteau, pour que chacun trouve un emploi. Sans doute aussi pour tirer profit des gains de productivité. Ce faisant, nous braquons les projecteurs sur le régime de travail des seuls agents de la fonction publique hospitalière, c’est-à-dire 1, 15 million de personnes sur un effectif global de 6 millions de personnes employées directement ou indirectement par des institutions publiques.

S’agissant de l’hôpital, la situation est alarmante – madame la ministre, vous le savez bien – tant les dysfonctionnements sont multiples. Si l’industrie et le numérique ont vocation à libérer les hommes d’une partie du temps qu’ils consacrent à leur travail à proportion des avancées technologiques et de l’amélioration de la compétitivité qui en résulte, il n’en va pas de même dans le secteur de la santé et de l’assistance aux personnes. La présence, la disponibilité, l’attention et la relation humaine n’ont rien de commun avec les mécanismes qui traitent la matière.

Le constat est aujourd’hui aveuglant. Les agents des hôpitaux sont en souffrance, le malaise est profond et affecte avec la même acuité les établissements sanitaires, notamment ceux qui accueillent des personnes âgées dépendantes. La sécurité, dans nombre de services, est en danger. Les plaintes, les doléances se multiplient de la part des résidents et de leurs familles. Faute de temps, les agents espacent le rythme des toilettes corporelles, et le nettoiement des chambres devient sommaire. Le patient voit sa condition largement dégradée. Aurait-on oublié le facteur humain ?

L’heure est venue de prendre la mesure des conséquences de l’utopie qui a inspiré la réduction du temps de travail, véritable pari intellectuel destiné au secteur concurrentiel pour lutter contre le chômage. Il est éclairant de rappeler que certains économistes, ceux de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, avaient estimé qu’en réduisant la durée du temps de travail il deviendrait possible de créer 2 millions d’emplois. Leurs travaux avaient inspiré la proposition phare des candidats socialistes lors des élections législatives de juin 1997. C’est donc la loi qui met fin à toute démarche conventionnelle. Pari démagogique, convenons-en, puisque les salaires ne subissent aucune correction à la baisse. C’est « travailler moins pour gagner autant ».

La prévision mirifique a bien vite été revue à la baisse. Je me souviens à cet égard des propos tenus par le directeur de l’OFCE, le 7 janvier 1998, devant la commission d’enquête créée au Sénat, à ma demande, pour mesurer les conséquences prévisibles de la décision de réduire à 35 heures la durée hebdomadaire du travail. Voici ce que déclarait Jean-Paul Fitoussi lors de son audition : « En elle-même l’idée est généreuse. Elle revient à partager de façon beaucoup plus équitable le fardeau du chômage, sans le réduire globalement. On sent percer chez les économistes de l’OFCE qui ont procédé à l’étude une pointe de regret. La loi sur les 35 heures est crédible parce qu’elle est réaliste. Mais précisément pour cela, le partage du travail ne décrit plus l’utopie d’une société devenue si solidaire qu’elle fournit un travail à chacun et à laquelle ils avaient rêvé dans un précédent travail. En devenant loi, l’utopie devient réaliste, mais divise par presque cinq leurs espérances : 400 000 emplois au lieu des 2 millions auxquels ils avaient rêvé lors d’une précédente simulation. » Dans cet exercice, les emplois publics n’étaient pas visés, il s’agissait exclusivement du secteur concurrentiel.

Faisant fi de tous les arguments économiques et sociaux, ignorant les enjeux de compétitivité liés à la mondialisation, réfutant les risques de délocalisation d’activités et d’emplois, niant les signes d’accélération de la désindustrialisation, la majorité de l’époque a voté les 35 heures. Le gouvernement d’alors, tenant les promesses des candidats en campagne – c’était à son honneur –, a promulgué sa loi, faisant naître l’espoir de réduire significativement le chômage. La suite, hélas ! est connue : après une baisse éphémère, le chômage ne cesse de progresser et la France se marginalise. Les données publiées hier soir ne font que confirmer la tendance.

Mais revenons-en à 1998. Dans un premier temps, suivant en cela l’arbitrage du ministre du travail, Mme Martine Aubry, il n’était pas question d’étendre le dispositif aux agents de la sphère publique. Il est vrai que les simulations utopistes de l’OFCE, comme je viens de le rappeler, n’avaient pas pris en compte l’application des 35 heures dans la fonction publique. C’est par un décret d’août 2000 que la réduction du temps de travail a été étendue aux trois fonctions publiques. Les effectifs ont rapidement progressé, passant de 4, 83 millions en 1998 à 5, 36 millions à la fin de 2011.

La fonction publique hospitalière a suivi cette tendance, mais plus rapidement : aux mêmes dates, le nombre d’agents évolue de 930 000 à 1 130 000, soit une augmentation de 21, 5 %. Depuis 2011, la progression se maintient. Dès l’extension des 35 heures, les effectifs avaient bondi et les charges de personnel avaient progressé significativement.

Sur le terrain, les réponses ont été diverses, selon les cultures locales et la nature du dialogue social. Dans le centre hospitalier de Château-Gontier, en Mayenne, que je connais bien pour en présider depuis quelques années le conseil de surveillance, le directeur et les représentants du personnel avaient fait preuve d’un réalisme responsable. Le Gouvernement ayant alloué un supplément de ressources de 5 %, les recrutements ont été régulés à cette hauteur, ce qui a nécessité la mobilisation de toutes les marges de progression pour économiser de 5 % à 6 % du budget. Au même moment, le gel implicite des salaires, discrètement imposé, a permis de tenir à peu près le cap.

S’agissant de l’organisation du travail, il n’a pas été possible de réduire la durée quotidienne du temps de travail dans la proportion de 39 heures à 35 heures. Les 8 heures sont devenues 7 heures 45, afin de permettre la transmission des informations entre les équipes de soignants, pour faire le point sur la situation des malades pris en charge. Ce dispositif a abouti à la multiplication des journées de RTT, créant des perturbations dans les services du fait de la succession des interlocuteurs, au détriment des personnes hospitalisées et des agents eux-mêmes, dont les plannings sont bien souvent totalement bouleversés et peu cohérents.

Au-delà des hôpitaux, dans les maisons de retraite et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, dans les établissements sanitaires relevant de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, opérateurs de l’État ou des départements, accueillant des personnes handicapées ou âgées, dans les foyers d’hébergement de jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, les prix de journée ont atteint des niveaux difficilement supportables par les pensionnaires ou leurs familles.

Corrélativement, le recours aux finances publiques s’est considérablement alourdi.

Les gestionnaires de ces établissements tentent de contenir la masse salariale. C’est ainsi que se multiplient les contrats précaires : emplois d’avenir et contrats jeunes, sorte de sous-fonction publique dont souffrent nombre de jeunes. Faute de réforme du statut de la fonction publique ou de certaines conventions collectives – je pense à celle de l’UNIOPSS –, un espace de précarité s’est largement développé dans les établissements du secteur sanitaire.

Face aux impératifs de maîtrise des dépenses, les pressions se font vives pour réduire le nombre des journées de RTT. Il en résulte un climat de tension, d’incompréhension et de stress. Madame la ministre, si tous les droits acquis au titre des RTT – des millions d’heures – étaient comptabilisés dans les dettes des établissements, nombre de ceux-ci seraient déficitaires ou plus déficitaires encore qu’ils ne le sont en apparence. Autrement dit, la réalité des charges est masquée parce que les provisions qui devraient être constituées à la fin des exercices ne sont pas inscrites dans les bilans.

L’utopie des 35 heures n’a en aucune façon répondu à l’objectif de ses concepteurs dans le secteur marchand. La désindustrialisation s’est poursuivie, les délocalisations d’activités et d’emplois se sont accélérées et le chômage de masse explose. Je le répète, les données publiées hier soir confirment malheureusement cette tendance.

Non prévue à l’origine, l’extension à la fonction publique du dispositif des 35 heures a incontestablement créé des emplois : sans doute plus de 650 000 en tenant compte des effectifs des opérateurs de l’État et des opérateurs des départements dans le secteur médicosocial.

Toutefois, elle n’a fait qu’aggraver la dérive budgétaire ; faute, à mes yeux, accablante et comble de l’hypocrisie politique. Pis, les conditions de travail en milieu hospitalier et dans les établissements médico-sociaux se sont dégradées au point de mettre en péril la sécurité et le respect dû aux personnes. Bref, c’est à mes yeux un fiasco !

L’heure est venue pour le Gouvernement de sortir enfin du déni de réalité. Notre devoir impératif, nous l’avons bien compris, est de réduire de 50 milliards d’euros le montant des dépenses publiques. Nous devons également maintenir au meilleur niveau la qualité tant des soins dans les hôpitaux que de l’accueil dans les établissements sanitaires et sociaux.

Dès lors, les 35 heures ne peuvent rester en l’état. C’est une évidence à l’hôpital, mais la question doit être posée plus globalement pour l’ensemble de la fonction publique, à savoir également la fonction publique territoriale et la fonction publique d’État. L’enjeu global, madame la ministre, peut être évalué à une vingtaine de milliards d’euros. Le diagnostic étant posé, je souhaite que nous puissions renoncer au dogmatisme habituel, faire taire l’esprit partisan et avancer courageusement vers les réformes structurelles qui conditionnent le redressement de la France. Sans remise en cause des 35 heures, les 50 milliards d’euros d’économies annoncées par le Président de la République ne sont qu’un mirage.

Avant de conclure, je veux interroger le Gouvernement à propos de son projet de loi sur l’autonomie des personnes âgées, qualifié de « grand chantier du quinquennat », et dont l’examen et le vote sont annoncés pour la fin de l’année 2014. Les attentes sont vives et légitimes. Pour y répondre, de nouveaux moyens vont devoir être mobilisés. Combien de milliards ? Quel plan de financement ?

L’extension des 35 heures dans la fonction publique hospitalière est un échec, madame la ministre. Il convient donc d’y porter remède sans plus attendre. Le retour aux 39 heures ne peut plus être différé. Les modalités doivent faire l’objet de dialogues et de négociations. C’est désormais une affaire de lucidité et de courage, pour les responsables politiques comme pour les partenaires sociaux, qui doivent aussi penser à ceux qui n’ont pas de travail.

L’utopie, c’est l’idée que les 35 heures pouvaient résoudre le problème du chômage, et le mirage, c’est de croire que nous pourrons réduire de 50 milliards d’euros les dépenses publiques sans remettre en cause cette utopie des 35 heures. Eh bien ! l’utopie et le mirage ne peuvent plus longtemps masquer ce qui ne tardera pas à apparaître comme une marque de lâcheté politique.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai entendu le réquisitoire incisif que vient de prononcer Jean Arthuis sur l’application des 35 heures dans la fonction publique hospitalière, et vous comprendrez que je n’en partage pas la teneur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite, ayant accompagné récemment une personne soignée, porter témoignage du fonctionnement de l’hôpital public. À rebours du constat délétère que vous avez dressé, mon cher collègue, je tiens à souligner la compétence professionnelle de l’ensemble des personnels tant médicaux que paramédicaux, associée à des conditions d’accueil de grande qualité.

Mais je veux aussi signaler la demande très forte de reconnaissance de la part de ces personnels et leur souhait de retrouver les repères de leur parcours professionnel à l’intérieur de la communauté hospitalière. À cet égard, il est important d’agir, et c’est là une des priorités du futur projet de loi de réforme du système de santé.

Traiter du sujet de l’application des 35 heures à l’hôpital – et je m’en tiendrai à ce sujet – suppose de dissocier, d’une part, les médecins, d’autre part, le personnel paramédical et administratif. La réduction du temps de travail résulte de deux protocoles d’accord : celui du 27 septembre 2001, qui concerne l’ensemble de la fonction publique hospitalière, et celui du 22 octobre de la même année, relatif plus particulièrement au personnel médical.

Pour le personnel paramédical, il s’est agi le plus souvent de réduire le temps de travail quotidien à 7 heures 30, avec en outre l’attribution de quinze jours de repos compensateurs par an intégrés dans les cycles de travail. Une organisation plus rationnelle des soins était ainsi visée. Néanmoins, force est de constater que la mise en place de cette réforme n’a pas été évidente. Fin 2002-début 2003, participant à une mission parlementaire sur l’organisation interne des hôpitaux, présidée par René Couanau, alors député-maire, j’ai très souvent entendu le personnel hospitalier nous faire part des difficultés qu’il rencontrait dans la mise en place du nouveau dispositif d’organisation du travail.

Deux raisons, me semble-t-il, étaient à l’origine de ces difficultés.

La première tient à l’inadéquation entre, d’une part, les besoins, y compris quand des postes étaient créés, et, d’autre part, la demande, dès lors que les écoles d’infirmières, en particulier, ne formaient pas le nombre de personnel nécessaire.

La seconde raison est peut-être la plus déterminante : une demande d’application rapide de la réforme n’a pas permis une mise en œuvre qualitative qui, après évaluation fine du fonctionnement d’un service, aurait dû permettre de formuler des propositions prenant en compte une nécessaire complémentarité entre les différents professionnels.

Trop souvent, la réduction du temps de travail a été appliquée par filière pressionnelle, ce qui a pu engendrer des dysfonctionnements. Pour les personnels médicaux, la réduction du temps de travail a été mise en place de façon concomitante à la transposition de la directive européenne relative à leur temps de travail. Ainsi, depuis 2002, dans le cadre de mise en œuvre de la réduction du temps de travail, les praticiens bénéficient d’une réduction forfaitaire de la durée annuelle de travail de vingt jours ; ils peuvent ouvrir un compte épargne-temps et y affecter congés ou jours de RTT non pris ou jours de compensation des plages de temps de travail additionnel non indemnisées.

En effet, la transposition de la directive européenne sur le temps de travail a eu pour conséquence de comptabiliser les gardes comme du temps de travail effectif – cela me semble extrêmement important pour la prise en compte du parcours professionnel des praticiens hospitaliers –, de créer l’indemnité de sujétion versée pour chaque période de garde intégrée dans les obligations de service, de recourir à du temps de travail additionnel sur la base du volontariat, de considérer le temps de soins accompli durant les périodes d’astreinte à domicile comme du temps de travail effectif et indemnisé forfaitairement, et enfin de confirmer l’obligation de repos quotidien, au moins 11 heures consécutives par période de 24 heures. Ce dernier point est très important, et je parle en connaissance de cause pour avoir longtemps exercé comme praticien hospitalier anesthésiste dans un centre hospitalier : il était évidemment dangereux, après 48 heures de garde passées debout quasiment sans interruption, de reprendre son poste de travail, après le week-end, à 8 heures du matin.

La principale modification du temps de travail des médecins à l’hôpital ces dernières années est donc moins la mise en place de la réduction du temps de travail que l’intégration des gardes dans le temps de travail, associée à l’obligation de repos quotidien et à l’interdiction de cumuler des gardes successives.

Par ailleurs, la réduction du temps de travail a conduit à introduire de nouveaux outils de gestion, notamment le compte épargne-temps, déjà mentionné, dont le format s’est adapté au fil du temps. Ce compte a été créé pour permettre aux agents de la fonction publique hospitalière d’y porter une partie des jours de congés annuels non pris, ainsi qu’une partie des jours accordés et non pris au titre de la réduction du temps de travail, et des heures supplémentaires non récupérées et non indemnisées. Il permet également au personnel médical, je viens de l’indiquer, d’y porter une partie des jours de congés ou de temps additionnel non pris dans l’année.

Il faut reconnaître que le personnel paramédical a peu recours à cet outil. Les bilans successifs de l’application des 35 heures ont montré la nécessité de revoir le dispositif d’accumulation des jours de congé et des jours de réduction du travail non consommés. D’où le décret du 6 décembre 2012, qui prévoit notamment qu’un maximum de dix jours peut-être intégré chaque année dans le compte épargne-temps, avec un plafond maximal de soixante jours, le compte épargne temps ayant une durée illimitée.

Aujourd’hui, quel constat pouvons-nous tirer ? L’instauration des 35 heures dans la fonction publique hospitalière est unanimement plébiscitée, quel que soit le personnel concerné : médical, paramédical ou administratif. Pour autant, on ne peut ignorer les tensions qui existent, en particulier au regard de l’intensification des rythmes de travail. Celle-ci relève de facteurs internes mais aussi externes à l’hôpital.

Parmi les causes endogènes, on peut citer la nécessité pour les personnels d’adapter en permanence leur travail aux progrès de la médecine et celle de s’adapter aux changements d’organisation du travail à l’hôpital, avec, par exemple, le développement de la chirurgie ambulatoire, de l’hôpital de jour ou de l’hôpital de semaine.

À cela s’ajoute la demande qui est faite à l’ensemble du personnel de travailler sur tous les postes de travail, le matin, l’après-midi et la nuit, ce qui auparavant était principalement réservé aux services de soins intensifs. Ce mode d’organisation du travail est favorable à la prise en charge du patient quand ses temps de vie sont différents, le matin, l’après-midi et la nuit, mais il entraîne une pénibilité accrue pour le personnel, puisque les postes de jours et de nuits étaient antérieurement dissociés.

Les causes de tension sont aussi externes à l’hôpital. En effet, si celui-ci sert ordinairement de recours en cas de défaillance du système de santé, il lui est difficile d’en absorber les conséquences en permanence.

Je prendrai le seul exemple de la permanence des soins. Le constat des difficultés d’organisation du système de santé libéral conduit à l’augmentation continue de la fréquentation des services d’urgence, qui, par ailleurs, connaissent en aval des difficultés à admettre les patients dans des services de plus en plus spécialisés.

Madame la ministre, vous travaillez bien sûr activement à trouver des solutions à ces problèmes, et en particulier à la réorganisation de la médecine des premiers recours. Vous avez notamment proposé qu’une personne régule les entrées dans les services selon l’urgence des situations.

Pour remédier aux tensions résultant des problèmes de disponibilité des personnels, il est important d’établir un diagnostic fin, entre, d’une part, le manque structurel de personnel hospitalier, conséquence de réorganisations lourdes – et il faut dire que, depuis dix ans, on a subi de telles réorganisations –, et, d’autre part, l’obligation d’assumer les dysfonctionnements de l’organisation de notre système de santé.

Au nom de mon groupe politique, je veux exprimer notre attachement à l’application des 35 heures dans la fonction publique hospitalière, sans néanmoins méconnaître les difficultés réelles qui découlent de leur mise en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

J’ai envie de dire que, aujourd’hui, les 35 heures ne sont plus le sujet. S’il y a bien un secteur où elles sont légitimes, c’est celui de la fonction publique hospitalière, quand en particulier elles constituent l’une des réponses à la pénibilité tant physique que psychologique de l’ensemble des métiers hospitaliers.

Dans l’immédiat, nous avons à nous mobiliser sur la réorganisation des soins de santé primaires, sur la démocratie sanitaire, sur l’obligation de redonner sens et cohérence au service public hospitalier et d’adapter la gouvernance à l’hôpital.

Dans le rapport d’information sur la coopération entre professionnels de santé qu’Alain Milon et moi-même avons rédigé, nous proposons notamment de développer les possibilités d’évolution de carrière de soins afin de valoriser les professions socles. Les infirmières, par exemple, outre les promotions au statut de cadre administratif, pourraient se voir offrir la possibilité d’évoluer dans les métiers du soin, avec la création annoncée du statut d’infirmière-clinicienne.

De telles réformes, madame la ministre, sur lesquelles vous travaillez dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à la santé publique, sont attendues avec intérêt. Nous savons pouvoir compter sur votre engagement et votre détermination, comme vous pouvez compter sur notre soutien. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Et les 50 milliards d’économies, madame Génisson ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La suppression des allégements de charges pour les entreprises suffira !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout comme Mme Génisson, je ne suivrai pas le réquisitoire que nous venons d’entendre contre les 35 heures à l’hôpital. Les écologistes ont toujours été et demeurent pour la réduction du temps de travail tout au long de la vie. Nous préconisons d’ailleurs qu’une négociation sociale soit organisée d’urgence à ce sujet, afin d’encourager les employeurs et les salariés à progresser sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

L’hôpital est l’un des lieux de travail au sein desquels cette réforme peut prendre tout son sens. La charge physique et émotionnelle des personnes qui y travaillent est énorme, quel que soit leur poste, et les horaires y sont atypiques, car les patients doivent faire l’objet d’une attention continue.

De surcroît, les personnels hospitaliers ne peuvent pas un instant baisser la garde sur la qualité de leur travail, qu’il s’agisse de l’accueil des patients, de l’écoute qui doit leur être accordée ou, bien sûr, des soins qui leur sont prodigués, car ces trois aspects du travail à l’hôpital ont un impact direct sur l’état de santé des personnes qui sont amenées à y consulter ou à y séjourner. C’est bien pourquoi la réforme des 35 heures, qui est l’une des avancées sociales majeures du gouvernement de Lionel Jospin, avait un sens particulier à l’hôpital.

Cette réduction du temps de travail y a été mise en œuvre sur la base de deux protocoles, le premier, en date du 27 septembre 2001, qui concernait les personnels non médicaux, le second, en date du 22 octobre 2001, qui concernait les personnels médicaux.

Le protocole visant les personnels non médicaux prévoyait notamment d’améliorer les organisations de travail et les conditions de vie au travail, avec une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures et de 32 heures 30 pour les personnels travaillant de nuit, des heures supplémentaires limitées à 20, puis à 15 et enfin à 10 heures par mois. Il prévoyait aussi la création de 45 000 emplois non médicaux, répartis entre le secteur sanitaire – 37 000 –, et le secteur social et médico-social – 8 000.

Quant au protocole visant les personnels médicaux, il prévoyait le financement de l’intégration des gardes dans le temps effectif de travail, la rémunération d’une partie des plages additionnelles et la création de 3 500 emplois médicaux, ce qui correspondait à un objectif réaliste compte tenu des capacités de recrutement et de la démographie médicale, mais qui nécessitait un effort de rationalisation dans l’utilisation du temps médical.

Par la suite, au mois de janvier 2003, un contrat d’assouplissement a été conclu, qui introduisait la possibilité de payer des jours de congés non pris du fait de la montée en charge de la RTT, et élargissait les conditions d’utilisation des comptes épargne-temps.

En énumérant les conséquences de la réforme, on mesure l’avancée sociale qu’elle a constituée pour tous les personnels hospitaliers. Toutefois, pour être complet, il faut avouer que tout n’a pas été si simple ni si fluide.

De fait, les créations d’emplois non médicaux n’ont pas pu être effectives dès le mois de janvier 2002 : elles se sont étalées, du point de vue des autorisations notifiées aux établissements, entre 2002 et 2004. À ces délais s’est ajouté un laps de temps plus ou moins important, selon les établissements et les régions, en fonction du contexte de pénurie de personnel, avant que le recrutement soit achevé.

Par ailleurs, il semble que le nombre des emplois créés ait été inférieur aux chiffres initialement avancés : par exemple, au lieu des 37 000 emplois non médicaux supplémentaires prévus dans le secteur sanitaire, seuls 35 000 ont été créés. En outre, alors que la création de 3 500 postes médicaux était prévue pour combler les RTT des professionnels de santé, la totalité de ces postes n’a pas été pourvue, faute de candidats et surtout faute de crédits accordés aux établissements pour embaucher et compenser l’effet de la mesure.

De toute manière, la Cour des comptes a indiqué, dans son rapport de mai 2006 sur les personnels des établissements publics de santé, que le nombre de postes annoncés était déjà insuffisant pour compenser la baisse du temps de travail.

Au-delà des créations d’emplois, les 35 heures, associées à une maîtrise des effectifs, étaient supposées amener les services à effectuer des gains de productivité pour compenser la perte de volume horaire, grâce à la réduction, par exemple, des chevauchements d’équipes et la mise en commun des moyens. Au lieu de cela, la réforme a débouché, c’est vrai, sur une dégradation du service public à l’hôpital.

Pour limiter les dégâts et assurer la continuité du service public, un certain nombre de personnels, principalement les médecins, ont dû repousser la prise de leurs RTT. Entre 2002 et 2012, ce sont ainsi plus de 2 millions d’heures de RTT qui ont été stockées. Or les RTT ne peuvent être prises que dans un délai maximal de dix ans. En 2012, le choix a donc été laissé aux personnes concernées d’être payées au titre de ces RTT, de les convertir en points de retraite ou de prendre des congés, ce qui a engendré un surcoût pour les hôpitaux de près de 600 millions d’euros.

Les hôpitaux n’ayant pas tous provisionné les sommes nécessaires au financement de ces RTT retardées, des problèmes budgétaires se sont posés à un certain nombre d’entre eux. En 2012, les comptes épargne-temps ont, en conséquence, été modifiés de façon que la possibilité de stocker des congés soit réduite.

Quel bilan tirer finalement de la mise en œuvre des 35 heures dans les hôpitaux publics ? L’idée était bonne et salvatrice, mais sa mise en œuvre, forcément complexe, a connu des failles, des difficultés, parfois importantes, dont nous devons tirer les leçons rapidement afin de dégager des propositions.

Ce qui est sûr, c’est qu’il est vain, pour les gouvernements qui se sont succédé depuis la mise en place des 35 heures, de se rendre mutuellement responsables des problèmes qui ont surgi. En vérité, l’insuffisance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – figurant dans les projets de lois de financement de la sécurité sociale successifs ainsi que le déficit persistant des comptes sociaux ont, eux aussi, considérablement compliqué l’application de la réforme.

À nos yeux, la mise en place des 35 heures à l’hôpital n’était ni une utopie ni un objectif démagogique. Certes, sa mise en œuvre a entraîné de graves difficultés, mais les débats que nous aurons prochainement lors de l’examen du projet de loi de santé publique devraient nous permettre d’intégrer cette question dans le sujet plus vaste de la réforme de notre système de santé publique. Ils seront l’occasion d’articuler l’objectif de la réduction du temps de travail à 35 heures à l’hôpital, qu’il faut toujours chercher à atteindre, avec la diminution des déficits de l’assurance maladie, la lutte contre les inégalités dans l’accès aux soins, la volonté de placer davantage la prévention au cœur de notre politique, ainsi que l’amélioration du fonctionnement général de l’hôpital public, tout en développant la démocratie sanitaire.§

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier le groupe UDI-UC, et tout particulièrement Jean Arthuis, d’avoir permis ce débat, car il me paraît important, plus de dix ans après la mise en place de la réforme du temps de travail, que nous en établissions le bilan, sans fard ou ni mots convenus, car il ne fait pas de doute que cette réforme a profondément affecté non seulement l’hôpital public, mais aussi un certain nombre d’équilibres dans notre pays, au point de constituer l’un des facteurs de notre perte de compétitivité.

Je me permets d’ouvrir ici une courte parenthèse pour évoquer un sujet qui est étranger à l’hôpital mais qui mérite réflexion, tant il me semble révélateur des effets de cette réforme. En 2004, grâce à sa filière agroalimentaire, notre pays était placé en tête du classement européen. Il ne sera bientôt plus qu’à la quatrième place, derrière l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie. Il va bien falloir que nous prenions ces réalités à bras-le-corps, au-delà des options idéologiques des uns et des autres, car il y va de l’avenir de notre pays.

Je ferme cette parenthèse pour revenir à ce qui fait précisément l’objet de ce débat.

Plus de dix ans après son entrée en vigueur, la loi sur les 35 heures a très largement modifié la gestion du temps de travail à l’hôpital, et tout particulièrement l’organisation des soins.

Ses incidences ont été d’autant plus fortes qu’elles sont intervenues dans un contexte hospitalier caractérisé par une évolution marquée des modes de prise en charge, un ONDAM hospitalier faible, une pénurie d’infirmiers diplômés d’État – à partir de 2008 – et une pénurie de médecins hospitaliers dans certaines spécialités.

Quels sont donc ces impacts majeurs constatés pour les établissements hospitaliers et médico-sociaux et quelles pourraient être les pistes d’évolution ?

L’instauration des 35 heures a eu des impacts sociaux d’apparence positifs, avec des avantages certains sur le plan individuel, notamment en termes de jours de récupération et d’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Elle a aussi été un facteur de relative paix sociale et a surtout fourni l’occasion d’une large concertation sociale.

Mais la loi a fait de la durée du travail le cœur des discussions, au détriment de l’aménagement et de l’organisation du temps de travail, avec des accords trop souvent déséquilibrés – il n’est que de lire un certain nombre de rapports ! –, par souci de tranquillité sociale ou du fait d’enjeux politiques locaux, faute d’une révision suffisante des organisations du travail.

J’en viens au second impact majeur qui me paraît, lui, entièrement négatif, car il a mis en cause la continuité du service public à l’hôpital.

Je demande à chacun d’entre vous, mes chers collègues, de songer à ce qui s’est passé sur son territoire depuis 2002 : les fermetures de lits se sont généralisées pendant les congés d’été, les amplitudes horaires de travail ont diminué, faute de recrutements à la hauteur des besoins. Voilà la réalité !

Dès lors, la continuité des organisations est en fait utilisée comme variable d’ajustement.

Les 35 heures ont accentué les divergences d’organisation entre les établissements ; j’y reviendrai lorsque je formulerai quelques propositions.

Dans les établissements ayant accordé de nombreuses « RTT », le temps de travail a été arithmétiquement réduit sans pour autant que les organisations de travail soient, la plupart du temps, réellement modifiées. À activité constante, la création de postes médicaux et non médicaux a été alors insuffisante pour compenser la baisse du temps de travail liée au passage aux 35 heures.

Les effets organisationnels des 35 heures à l’hôpital sont particulièrement visibles, et frappants, si on les observe à travers le prisme des cadres de santé, qui sont en définitive les principales « victimes » des 35 heures. Plongés, noyés dans les plannings, les cadres de santé sont désormais perçus seulement comme des gestionnaires déconcentrés des temps de travail, non comme des animateurs d’une unité de soins, alors que c’est là leur fonction essentielle.

Ils doivent maintenant gérer aussi les effets des 35 heures sur la mentalité des agents, en ajustant l’organisation des temps de travail, des soins, des parcours de soins, ainsi que les modes managériaux pour répondre à ces évolutions.

Ils doivent tenir compte du changement de paradigme à l’hôpital, qui fait que le temps individuel prime dorénavant sur le temps collectif.

Mais il faut aussi parler finances !

Cela a été dit, la mise en place des 35 heures a conduit à la création de 35 000 postes de personnels non médicaux et de 3 500 postes de personnels médicaux. Ce « partage du temps de travail » s’est traduit en fait par un alourdissement sans précédent de la masse salariale des établissements.

La réduction du temps de travail a, au surplus, créé des charges financières de gestion des jours de RTT.

En outre, si la durée du travail de nuit, ramenée à 32 heures 30 par semaine pour le secteur public, est un élément d’attractivité certain, son coût est élevé pour les établissements.

À tout cela il faut ajouter que le cumul des RTT a engendré un stock de comptes épargne-temps très important : entre 2002 et 2012, 2 millions d’heures de RTT ont ainsi été stockées. Or les RTT de 2002 devant être prises au plus tard en 2012, les hôpitaux ont dû payer une partie des jours stockés, ce qui a induit un surcoût de 600 millions d’euros pour les finances hospitalières !

Enfin, si le recours à l’intérim paramédical a certes tendance à diminuer depuis quelques mois, l’intérim médical augmente sans cesse. Toujours est-il que, entre la rétribution des sociétés d’intérim – 67 millions d’euros – et les rémunérations versées aux contractuels – 700 millions d’euros –, qui sont finalement des intérimaires employés directement, la nécessité de combler le vide créé par les 35 heures à l’hôpital représente une facture annuelle de 767 millions d’euros !

Car cette diminution du temps de travail, censée inciter les établissements à mieux maîtriser leurs effectifs et à réaliser des gains de productivité, ne s’est pas réellement concrétisée. Les conséquences financières que je viens de décrire se sont donc accompagnées d’une dégradation des conditions d’exercice du service public à l’hôpital et d’un bouleversement du rapport des professionnels à la valeur travail.

Quelles évolutions paraissent souhaitables ?

Je n’entrerai pas ce matin dans le débat sur le temps de travail, même s’il s’agit d’un sujet essentiel, qui dépasse la seule fonction publique hospitalière, qui dépasse la fonction publique dans son ensemble, qui concerne en vérité tout le pays.

Il me semble d’abord qu’il est de la responsabilité du Gouvernement et des agences régionales de santé de soutenir les établissements dans la révision de leurs accords locaux.

Afin de rétablir quelque peu leurs équilibres budgétaires, nombre d’établissements ont procédé ou sont en train de procéder à la révision de ces accords locaux, certains étant très généreux. Ces démarches doivent être encouragées par les pouvoirs publics, car elles sont difficiles et parfois impopulaires. C’est une des conditions du redressement des finances hospitalières, objectif affiché par le Gouvernement. Il est essentiel que l’on ne procède pas, à cet égard, à une uniformisation au niveau national : cela doit se faire à l’échelon de chaque territoire, avec une réelle coordination entre les établissements d’un même territoire.

Il faut également centrer les processus organisationnels sur la prise en charge du patient.

Depuis douze ans, on planifie d’abord le temps de travail et ensuite les prestations de prise en charge, ensuite seulement ! Il faut recentrer le processus organisationnel autour du soin et remettre les processus de prise en charge au centre des préoccupations. Le cœur de l’organisation, ce qui la justifie au premier chef, ce doit être le malade !

Il convient donc, d’abord, d’évaluer les organisations requises par les prestations de soins à assurer, puis de planifier les temps de travail qui permettront de les réaliser.

L’enjeu est aussi de rapprocher au maximum les organisations du travail des personnels médicaux et non médicaux au sein de chaque établissement.

Il me semble également important d’utiliser l’annualisation du temps de travail pour mettre en place ce qui n’existe pas encore : une politique à destination des seniors.

Alors que les seniors travaillant à l’hôpital ne bénéficient pas encore de mesures spécifiques, l’annualisation du temps de travail doit être employée comme un levier d’accompagnement des populations soignantes dans la troisième phase de leur vie professionnelle. Elle doit permettre de développer une politique managériale des seniors.

Par ailleurs, un cumul des comptes épargne-temps sur les trois dernières années pourrait permettre des départs progressifs à la retraite. Ainsi, il serait possible d’agir sur la pénibilité tout en assurant un transfert de compétences vers de plus jeunes professionnels.

Il faut aussi revoir l’organisation hospitalière dans le cadre du service public territorial de santé.

Les démarches de renégociation des accords locaux doivent être conduites dans un cadre territorial, où les hôpitaux d’un territoire donné définiraient ensemble de nouvelles règles et de nouvelles organisations. Comment voulez-vous parler de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire s’il n’existe pas une certaine logique d’organisation garantissant la continuité ?

Parallèlement, il va falloir simplifier. Je dirai même, pour employer une expression à la mode, qu’il faut provoquer un « choc de simplification » de la réglementation du temps de travail.

Vous le savez, cette réglementation est complexe et abondante. Rappelons-nous les débats que nous avons eus sur les temps d’habillage, de déshabillage ou de passation de consignes ! On en finissait par oublier l’essentiel, c'est-à-dire l’activité professionnelle elle-même !

Il est capital que les acteurs de terrain bénéficient de plus de souplesse et d’autonomie pour gérer le temps de travail des personnels médicaux et non médicaux, afin de s’adapter aux réalités territoriales et aux besoins réels des organisations.

Voilà pourquoi cette simplification doit s’accompagner d’un système d’information performant, réduisant ce que j’appelle la « pénibilité d’application des 35 heures ».

Pour traiter ce sujet sous un angle positif, il faut réinventer ce qui n’existe que trop peu à l’hôpital public : le management des personnels. À mes yeux, il s’agit d’un point tout à fait fondamental, qui doit être au cœur de la stratégie des établissements publics. L’enjeu, c’est l’instauration d’une gestion des ressources humaines plus ouverte, plus « responsabilisante », fondée sur l’éthique des pratiques professionnelles et plus intégrée – j’y reviens – aux territoires.

Madame la ministre, il va bien falloir repenser le statut de l’hôpital, pour garantir la réactivité et la capacité d’adaptation de nos établissements aux enjeux de santé publique et aux réalités territoriales.

Cette évolution doit non seulement rassurer les professionnels mais aussi donner aux hôpitaux les moyens de mettre en place des organisations du travail modernes, adaptées aux besoins des patients, à leurs responsabilités territoriales, à l’extension de l’hospitalisation à domicile et aux réalités de la prévention. C’est la raison pour laquelle il faut garantir l’autonomie des acteurs, l’assouplissement et la simplification de la réglementation.

Voilà quelques mots clefs pour l’avenir de l’hôpital public.

Je l’avais déjà souligné lorsque, en tant que président d’une grande fédération des hôpitaux publics, j’avais débattu de ce dossier avec Mme Aubry et M. Kouchner : à mon sens, nous avons dangereusement affaibli l’hôpital public en y appliquant ainsi les 35 heures.

Que l’on se penche sur le temps de travail et sur l’organisation des services au sein de ces établissements me paraît nécessaire et, à ce titre, le débat qui a eu lieu à l’époque n’était pas totalement inutile. Cependant, on a considérablement alourdi la facture du système hospitalier, le mettant ainsi partiellement en péril, par exemple au regard de la continuité des soins.

L’hôpital doit continuer à s’adapter et à évoluer. On ne pourra pas conserver tous les plateaux techniques, maintenir des professionnels partout. Le véritable sujet est celui-ci : comment répondre, en respectant les impératifs de qualité et d’égalité, aux besoins de santé de tous nos compatriotes ? Voilà un défi pour le Parlement !

S’y ajoute un autre enjeu, que Jean Arthuis a bien rappelé : comment relever ce défi tout en économisant 50 milliards d’euros sur la dépense publique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Les dépenses de santé n’échapperont pas à cet impératif. Si nous voulons y répondre autrement que par la pénurie ou par le faux-semblant, il faut accepter de revoir l’organisation de nos hôpitaux. Cela passe aussi par notre capacité de réviser les temps de travail. Cette révision peut être menée de manière imaginative, non sous le seul angle de la contrainte, mais dans le cadre de négociations. C’est la tâche à laquelle nous devons nous atteler ! Si elle n’est pas accomplie, les réveils seront douloureux, car c’est la santé des Français qui en pâtira. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le bilan des 35 heures est globalement décevant, voire négatif, à l’hôpital, il est franchement préoccupant. Voilà pourquoi Jean Arthuis et les membres du groupe UDI-UC ont demandé la tenue de ce débat. Il est vrai que, au regard de la réduction du temps de travail, il existe une spécificité de l’hôpital : les 35 heures ont coûté cher, trop cher, et cela à tous égards.

Ce débat est également bienvenu parce que, au début de l’année 2012, le précédent gouvernement a mis en œuvre un plan d’apurement échelonné sur quatre ans. Nous sommes donc à mi-parcours et un bilan d’étape s’impose.

Quand on aborde cette question des 35 heures à l’hôpital, on est d’abord frappé par le vide en matière de sources. Mes chers collègues, tous les collaborateurs qui nous ont aidés à préparer ce débat pourront vous le dire : il est très difficile de trouver de la documentation sur le bilan, en 2014, des 35 heures à l’hôpital. On en vient à se demander si, face à l’ampleur du problème, une sorte de tabou ne s’est pas fait jour… §

Tout d’abord, de quel problème parle-t-on ? Il ne s’agit pas des 35 heures en général, c’est-à-dire de la réduction du temps de travail dans le secteur marchand. Sur ce plan, le bilan de la réforme est au mieux décevant, au pis négatif. Il est décevant si l’on considère le nombre d’emplois créés. Or tel était bien l’objet des lois Aubry : lutter contre le chômage, créer des emplois en partageant, en quelque sorte, l’emploi comme un gâteau.

À l’époque, j’avais organisé à l’Assemblée nationale, en tant que député de la majorité d’alors, un colloque intitulé : « Comment réussir les 35 heures ? » L’esprit de ma démarche était donc à la fois critique et constructif. À l’issue de ce colloque, auxquels avaient participé, entre autres, Martine Aubry, Gilles de Robien, des syndicalistes et des représentants du monde de l’économie, ressortait un constat très largement partagé : au-delà de ses apports dans d’autres domaines, la réduction du temps de travail ne pouvait constituer une recette miracle en matière de création d’emplois.

Ce colloque s’est tenu après l’adoption de la première loi et avant l’examen de la seconde. En bon soldat ayant voté le premier texte, tout en restant critique à bien des égards, j’espérais infléchir le texte à venir. Il s’agissait, au fond, de rendre la démarche concrète et pragmatique, en l’adaptant à la réalité. En tout cas, je n’avais pas d’a priori totalement négatif, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

… même si je restais circonspect.

Hélas ! ce n’est pas la voie de la prudence qui a été finalement empruntée.

Dans le secteur marchand, les 35 heures auraient créé 350 000 emplois. Cette évaluation fait consensus, mais elle est bien loin des chiffres mirobolants alors avancés par les promoteurs de la réforme, et qu’a rappelés Jean Arthuis : environ 2 millions d’emplois ! Le bilan est donc bien décevant.

En revanche, 650 000 emplois publics et parapublics ont été créés via la RTT, soit près du double. Ce chiffre est à la fois frappant et instructif. À l’origine, les 35 heures ne devaient pas être étendues à la fonction publique. C’est par un décret d’août 2000 qu’elles l’ont été. Pourquoi ? Pour des raisons politiques, bien sûr ! Des demandes en ce sens avaient été exprimées ici où là.

Toutefois, si le gouvernement d’alors a étendu les 35 heures à la fonction publique, c’est aussi parce qu’il savait que, dans ce secteur, elles créeraient à coup sûr des emplois. Généraliser la RTT était donc le seul moyen de concrétiser un tant soit peu les annonces mirifiques du départ. Bref, la RTT est principalement un instrument de création d’emplois publics et parapublics.

En résumé, les 35 heures présentent un bilan plus que décevant dans le secteur marchand et ont considérablement accru la charge de personnel dans le secteur public. §

Si l’on ajoute à cela des considérations liées à la compétitivité de nos entreprises, ce bilan pourrait passer de simplement décevant à franchement négatif. Je parle au conditionnel, car l’effet préjudiciable de la RTT sur la compétitivité nationale a certainement été quelque peu atténué par la loi Fillon du 17 janvier 2003, qui a assoupli les 35 heures.

Quoi qu'il en soit, les 35 heures ont créé un climat et façonné une image qui, à l’évidence, ne jouent pas en notre faveur.

Dans tout cela, quelle est la spécificité du secteur hospitalier ? En l’occurrence, il n’y a pas d’enjeu de compétitivité : c’est simplement une question d’effectifs et de coûts. Mais la problématique de l’hôpital ne se limite pas à l’application des 35 heures, les différents orateurs l’ont rappelé, notamment Gérard Larcher, qui s’est exprimé à l’instant avec la fougue qu’on lui connaît. Il reste que c’est un élément qui doit être pris en compte.

Commençons par le problème des effectifs. C’est en 2002 que la RTT a été instaurée dans les hôpitaux. Le gouvernement Jospin avait promis la création de 3 500 postes de médecins et de 45 000 postes non médicaux. Dans les faits, seule une partie de ces emplois a été créée : si, dans leur ensemble, les effectifs de la fonction publique hospitalière sont passés de 930 000 à 1, 13 million de personnes entre 2000 et 2010, soit une augmentation de plus de 21, 5 % en dix ans, les recrutements strictement médicaux ont été insuffisants. Le manque de personnels qualifiés, notamment d’infirmières, a empêché l’hôpital de s’adapter à la réforme comme il le fallait.

Autrement dit, la RTT a été imposée à l’hôpital sans avoir été préparée ni même accompagnée. Aucun relèvement du numerus clausus n’a été décidé. Cette logique a suscité nombre de dysfonctionnements dans l’organisation du travail à l’hôpital. De plus, les crédits destinés aux postes prévus ont souvent été gelés par les établissements, confrontés à des difficultés financières.

Ce constat me conduit au second problème : celui du coût.

Faute de pouvoir être remplacés, nombre de médecins et de cadres se sont vus dans l’impossibilité de prendre leurs jours. Ils les ont stockés dans des comptes épargne-temps qui, au fil des ans, n’ont cessé de gonfler. §Le chiffre a été cité : en 2012, on estimait à 2 millions le nombre de jours accumulés par les praticiens. Certains d’entre eux en avaient jusqu’à 150, voire 200 ! De leur côté, les personnels non médicaux, principalement les cadres, totalisaient environ 1, 2 million de jours.

Parce que la loi de 2002 prévoyait que les jours ainsi stockés devaient être soldés dans un délai de dix ans, un accord-cadre a été conclu le 23 janvier 2012 entre les syndicats de praticiens et le ministre de la santé de l’époque. Ce texte imposait que les vingt premiers jours stockés par un médecin soient pris sous forme de congés, le reste devant être soldé dans un délai de quatre ans.

Trois possibilités s’offrent dès lors au médecin. Primo, le praticien peut décider de prendre ses jours de congé ; dans ce cas, l’hôpital doit, en règle générale, rémunérer un remplaçant pour que le service puisse continuer à fonctionner. Secundo, le médecin peut opter pour des points de retraite supplémentaires ; mais, là encore, il en résulte un coût pour l’établissement, qui doit cotiser davantage au régime additionnel de retraite des praticiens. Tertio, le médecin peut obtenir le paiement des jours non pris ; chacune de ces journées est alors rétribuée à hauteur de 300 euros par son hôpital – 180 euros pour les personnels non médicaux.

Dans tous les cas de figure, c’est à l’hôpital de payer, de financer une politique de RTT qui n’a rien à voir avec sa mission première. Le surcoût est considérable : il a été estimé, en 2012, à 600 millions d’euros. Mais il est impossible d’établir une évaluation précise, car le chiffre dépend des choix des personnels concernés.

À titre d’exemple, je citerai l’hôpital de Mulhouse, que je connais bien pour présider son conseil de surveillance depuis vingt-cinq ans. Au sein de cet établissement, le coût du compte épargne-temps est estimé à 18 millions d’euros, soit 5 % du budget total, qui s’élève à 360 millions d’euros. Ce n’est pas rien !

À la fin de l’année 2011, les hôpitaux avaient mis, pour faire face à ces charges, environ 250 millions d’euros de côté. Cette somme était naturellement très insuffisante. Comble de l’ironie, on craignait que nombre d’établissements ne soient contraints de supprimer des emplois pour financer les 35 heures !

Madame la ministre, deux ans après l’accord-cadre du 23 janvier 2012, peut-on disposer d’un premier bilan de la mise en œuvre du dispositif défini ? Qu’ont choisi les personnels concernés ? Combien, en conséquence, la RTT a-t-elle coûté et coûtera-t-elle encore aux hôpitaux ? Comment ces derniers pourront-ils faire face à ces dépenses ? Certains d’entre eux ont-ils effectivement dû réduire leurs charges de personnel ?

Que des problèmes d’organisation se posent de toute façon, je ne le nie pas, car je ne veux pas être manichéen. Mais, si l’on s’en tient au sujet qui nous occupe aujourd'hui, les questions que je viens d’énumérer sont d’autant plus cruciales que, mécaniquement, durant toute la période de montée en charge des 35 heures, la situation financière de l’hôpital s’est fortement dégradée, et elle demeure préoccupante, pour de nombreuses raisons.

C’est à partir de 2006 que l’hôpital s’est retrouvé en déficit. Celui-ci ne se résorbe que lentement : alors qu’il avait atteint 710 millions d’euros en 2007, il était toujours, en 2010, de 488 millions d’euros. Ces chiffres sont étonnamment voisins du coût prévisionnel de la RTT…

Si le problème est flagrant à l’hôpital, que dire du secteur sanitaire et social ? Dans les maisons de retraite, dans les EHPAD – établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –, dans les établissements accueillant des personnes handicapées ou dans les foyers d’hébergement de jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, les prix de journée ont atteint des niveaux difficilement supportables pour les pensionnaires ou leurs familles. Et l’on prétend, dans ce contexte, faire la nécessaire réforme de la dépendance !

J’affirme que, si les 35 heures ont globalement été une fausse bonne idée, ou au moins une idée mal mise en œuvre, leur extension à l’hôpital a été une grave erreur, à certains égards irresponsable. Je veux le dire à mon tour, la compétence, l’engagement, le dévouement des personnels médicaux et non médicaux – et aussi des directions, souvent de qualité, qui font ce qu’elles peuvent pour résoudre les problèmes auxquelles elles sont confrontées et faire face à tous les enjeux de cette période–, permettent à notre système de santé de demeurer malgré tout un motif de fierté, capable de relever bien des défis. On sent bien, toutefois, qu’il a un fil à la patte, ou plutôt un boulet au pied, qui le freine dans l’engagement des réformes nécessaires.

Il s’agit d’une question majeure à laquelle il nous faut apporter des solutions. L’OFCE – observatoire français des conjonctures économiques – l’a dit, et la CFDT, pour citer l’exemple d’un syndicat qui recueille un nombre important de voix dans le personnel des hôpitaux, a dénoncé « une approche court-termiste, au seul service d’un message politique ». Lionel Jospin lui-même, invité à dresser le bilan des 35 heures, a confié qu’il s’agissait de son seul regret, reconnaissant qu’il aurait fallu étaler davantage la réforme dans le temps.

Au regard des objectifs d’économies, que plusieurs orateurs ont rappelés, nous devons savoir nous remettre les uns et les autres en question. Il ne s’agit pas de « mettre le bazar » dans les hôpitaux ni d’envoyer des messages négatifs à des personnels auxquels on demande beaucoup et qui, quelle que soit leur compétence, sont confrontés quotidiennement à de graves difficultés, notamment parce que de plus en plus de nos concitoyens ont recours à l’hôpital, faute d’autres solutions. Nous savons tout cela ! Tout cela rend, bien sûr, l’exercice très difficile. Il n’en est pas moins nécessaire.

D’une manière ou d’une autre, une remise à plat s’impose, et nous entendrons avec intérêt vos réponses, ainsi que les perspectives que vous tracerez, madame la ministre.

Il est à mon sens impossible d’occulter ce sujet en se contentant de renvoyer aux autres problèmes sérieux, comme celui de l’organisation, que rencontre le secteur et en niant que cette question se pose de manière lancinante.

Merci, madame la ministre, de vos réponses, que je souhaite tournées vers l’avenir, et non vers le passé. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat organisé à la demande du groupe UDI-UC sur l’application des 35 heures à l’hôpital nous apparaît comme l’occasion de réaffirmer l’immense qualité des professionnels médicaux, paramédicaux, administratifs et techniques qui œuvrent dans nos établissements hospitaliers. Alors que les conditions de travail y sont de plus en plus difficiles, ils et elles font face aux attentes importantes des patients et de leurs familles. Je tiens, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à les en remercier.

La majorité de nos concitoyens partagent ce constat : à leurs yeux, le service public hospitalier constitue encore aujourd’hui un pilier dans l’organisation publique de notre pays, comme le souligne le 10e baromètre de la Fédération hospitalière de France, publié en mai dernier, à l’occasion des Salons de la santé et de l’autonomie.

Les personnels des hôpitaux sont pourtant mis parfois à rude épreuve. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, comment croire que le niveau de saturation de certains services, notamment les urgences, peut rester sans conséquences sur eux et sur les patients en attente de soins depuis plusieurs heures ?

Cette pression constante confirme l’urgence d’embauches supplémentaires, à rebours de la poursuite des restructurations et des fusions dont il a été beaucoup question lors de la discussion de notre proposition de loi visant à instaurer un moratoire à cet égard.

La mise en cause des 35 heures touche à la conception même du service public et à son organisation. Au groupe CRC, contrairement à d’autres, nous sommes convaincus que la réduction du temps de travail peut constituer un levier permanent vers une société plus humaine. À l’inverse de notre collègue Jean Arthuis, nous ne considérons pas que cet objectif relève de l’utopie.

Malheureusement, au sein des établissements publics de santé, cette réduction du temps de travail n’a pas été suffisamment accompagnée et préparée avec les organisations syndicales. Les créations d’emplois, indispensables pour remplacer les agents publics sollicitant l’usage des heures de repos accumulées sur leurs comptes épargne-temps, étaient et demeurent manifestement insuffisantes.

Alors que la réduction du temps de travail était estimée à 10 %, seulement 5 % d’emplois en plus auraient été créés. Les principales organisations syndicales évoquent ainsi la création de 35 000 postes, quand l’application effective des 35 heures en exigeait 80 000.

Tout cela a conduit à ce que certains ont appelé la « crise de 2011 ». Pour mémoire, les comptes épargne-temps, sur lesquels étaient stockés les jours de RTT dus aux médecins et aux agents publics, devaient être apurés. Or, du fait de l’insuffisance du nombre de médecins dans les établissements publics de santé, près de 41 000 d’entre eux avaient accumulé six mois de congés au titre de la réduction du temps de travail. Pour l’ensemble des personnels hospitaliers, ce n’étaient pas moins de 3, 3 millions de journées de RTT accumulées pour lesquelles il fallait trouver une solution.

Le gouvernement de l’époque a finalement fait le choix d’un accord, considéré comme coûteux, favorisant la monétisation partielle de ces journées et la possibilité d’accumuler une partie des jours dus en vue d’un départ anticipé à la retraite.

Depuis, les choses n’ont pas réellement changé. Les agents publics auraient accumulé 10 millions de jours sur les comptes épargne-temps, et les médecins, plus de 2 millions supplémentaires. Ces jours, les agents publics et les médecins ne peuvent toujours pas en bénéficier, faute de personnel de remplacement. La tendance actuelle conduit plutôt au rappel des agents publics durant leurs jours de repos, de vacances ou de récupération, afin de pallier les absences de leurs collègues.

En réalité, l’application des 35 heures a, d’abord et avant tout, entraîné une pression plus forte sur les agents hospitaliers, pour qu’ils fassent plus en étant moins nombreux, plus vite en ayant plus de tâches à réaliser, et mieux avec des moyens matériels toujours plus insuffisants. Cela se traduit concrètement par une pression psychologique et physique qui abîme les corps comme les âmes et s’accompagne d’une augmentation significative des congés pour maladie ou des maladies professionnelles.

Dès lors, tant dans l’intérêt des personnels hospitaliers que pour assurer un bon fonctionnement des hôpitaux, la question de l’application des 35 heures doit être abordée avec à la fois audace et responsabilité.

En 2002, des budgets dédiés avaient été prévus pour financer des embauches. Cela nous conduit à vous interroger, madame la ministre, sur l’adéquation des aides prévues aux besoins réels en matière de création d’emplois. Ces aides ont-elles été véritablement destinées à la création des emplois associés à l’application des 35 heures ?

Nous devons également réfléchir pour aujourd’hui et pour demain. Force est de constater que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, sans embauches supplémentaires en nombre suffisant, la situation ne sera toujours pas apurée, les comptes continueront à amasser toujours plus de jours de RTT dus et les agents hospitaliers seront toujours contraints de subir un temps de travail hebdomadaire largement dérogatoire au droit commun.

Il faut donc embaucher, ce qui, dans le contexte d’une réduction jamais vue de l’ONDAM, est difficilement envisageable. Sans s’y résigner, mon groupe formule la proposition suivante : puisque, dans le secteur privé, les 35 heures se sont accompagnées d’exonérations de cotisations sociales, pourquoi ne pas envisager, de manière temporaire, une suppression ou une réduction de la taxe sur les salaires pour les établissements publics qui embaucheraient des personnels supplémentaires afin de faire face aux besoins nés de l’application des 35 heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Permettez-moi, mes chers collègues, d’élargir mon propos.

À mon sens, la question des 35 heures n’est sans doute pas, aujourd’hui, la plus importante pour l’hôpital. Mes collègues du groupe CRC et moi-même sommes beaucoup plus inquiets, par exemple, de la situation mise en lumière par le rapport du député Olivier Véran concernant le recrutement de médecins temporaires dans les hôpitaux. Comparés à des « mercenaires », ceux-ci coûtent extrêmement cher aux pouvoirs publics : plus du triple du coût normal d’une journée de travail pour un praticien hospitalier. Le coût global et national de ces recrutements avoisine les 500 millions d’euros, soit le montant du déficit des établissements publics de santé, tel qu’il est estimé par la Fédération hospitalière de France.

La tentation de certains directeurs d’établissement de mettre en œuvre la journée de travail de 12 heures constitue un autre sujet d’inquiétude pour notre groupe. Le lien entre cette mesure et les 35 heures tient évidemment à l’annualisation du temps de travail, mise en place en 2002 pour accompagner la réduction du temps de travail. Comment croire que ce mode d’organisation du travail n’emporte aucune conséquence sur la santé des agents hospitaliers ?

Madame la ministre, que pensez-vous de la généralisation de cette journée de 12 heures ? À nos yeux, une telle mesure est inacceptable !

En tout cas, cette affaire montre une nouvelle fois combien il est urgent de repenser la politique d’emploi dans la fonction publique hospitalière et de vivifier la démocratie sanitaire par des actes, pas seulement par des mots.

Les constats que je viens de rappeler illustrent le bien-fondé de notre opposition aux politiques d’austérité, qui déstabilisent les services publics et qui pèsent aussi bien sur les femmes et les hommes assumant ces missions que sur les patients.

Ce débat aura au moins eu le mérite de souligner la nécessité de mettre un terme à la politique de casse de l’emploi public. Elle découle de choix économiques dont je regrette qu’ils s’inspirent beaucoup, aujourd’hui encore, de ceux d’hier, voire en aggravent les conséquences. Cette nécessité nous conforte dans notre rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, manifestement insuffisant pour renforcer le service public hospitalier et répondre aux besoins humains exprimés par le personnel comme par les patients.

L’hôpital, selon nous, n’est pas une entreprise comme les autres. Les solutions avancées durant ce débat, qui tendent à alourdir encore le poids des gestionnaires, ne me semblent efficaces ni en termes d’économies, ni au regard de la continuité des soins, ni en ce qui concerne les réponses à apporter aux besoins des patients.

Examiner les 35 heures en dehors du contexte politique, économique et social, sans remettre en cause la loi HPST, relève d’une hypocrisie, que je veux dénoncer ici, monsieur Larcher ! Il nous revient de prendre en compte tous les éléments de ce contexte afin de faire en sorte que la politique de santé publique réponde réellement aux besoins, plutôt que de chercher à économiser quatre sous.

Enfin, il faudrait qu’on cesse, sur certaines travées, notamment à droite, de pleurer sur le manque de financements ! Sur ce point, je suis en désaccord avec les propositions du Gouvernement : nous devons avoir le courage de nous procurer des moyens, non pas au détriment des salariés des hôpitaux, mais bien en mettant un terme aux exonérations des patrons de grandes entreprises et en taxant davantage les profits !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Vous n’en sortirez jamais ! C’est le même disque qui tourne, toujours !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… mais je le préfère à l’obsession de l’UMP qui consiste à mettre continuellement la pression sur les salariés, en versant des larmes de crocodile sur la situation des hôpitaux sans proposer les mesures adéquates !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

La seule solution, c’est le retour aux 39 heures, point final !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cela ne vous plaît pas, mais il faut savoir faire preuve de courage politique ! Ce courage, le groupe CRC l’a. En tout cas, nous nous efforçons de contribuer, au sein de la majorité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… à faire émerger des solutions différentes. Revenir sur les 35 heures à l’hôpital, ce n’est certainement pas la solution !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Temps de parole dépassé d’une minute vingt-cinq !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Certes, mais j’ai tout de même été moins prolixe que Gérard Larcher, qui a dépassé le sien de trois minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que membre du conseil de surveillance d’un hôpital rural, dans le cadre du groupement hospitalier Aube-Marne, ainsi que du centre hospitalier universitaire de Reims, je souhaite vous faire part de mon témoignage. Celui-ci va confirmer ce qui a été largement exprimé par mes collègues Jean Arthuis et Gérard Larcher : l’application des 35 heures provoque des difficultés, notamment dans les zones rurales, caractérisées par le manque de personnel qualifié.

Je m’attacherai tour à tour aux questions organisationnelles et financières, puis j’ajouterai un volet relatif à l’absentéisme, thème qui n’a pas été abordé précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’organisation de la réduction du temps de travail a permis un gain de temps de 10 %, mais celui-ci n’a pas été compensé à une hauteur satisfaisante.

Dans le cadre de la dotation globale – puisque, à l’époque, la T2A, la tarification à l’activité, n’avait pas encore été mise en place –, le ministère des affaires sociales et de la santé avait autorisé les établissements à procéder à un recrutement supplémentaire à hauteur de 5 % environ, le reste devant être comblé grâce à la réorganisation du temps de travail, mais sans qu’il y ait de directive précise en la matière : il appartenait à chacun des établissements de trouver les modalités adéquates.

Ainsi, l’ensemble des organisations a été revu, les temps de transmission ont été réduits et la pose de journées de RTT a été particulièrement encadrée. D’ailleurs, compte tenu de la complexité du travail, les structures hospitalières ont bien souvent fait appel à des cabinets spécialisés. C’est finalement l’annualisation du temps de travail qui a vraiment permis de régler les difficultés.

Je me permets d’évoquer ici le témoignage d’une aide-soignante : elle commençait sa journée à cinq heures trente-huit pour la terminer à onze heures douze ou, d’autres jours, à douze heures trente-huit. C’était précis ! Elle devait respecter scrupuleusement son temps de travail, même si elle se trouvait, au moment de la fin de son service, au chevet d’un malade, en train de lui dispenser des soins. La personne qui lui succédait devait prendre le relais en plein milieu des soins ! La seule valeur prise en compte était la valeur comptable du temps de travail. §

Certaines équipes se sont constituées sur la base d’une durée de travail journalière de 8 heures, souvent de 10 heures pour les agents de nuit, voire 12 heures pour les personnels des urgences ou les sages-femmes, ce qui a entraîné des repos compensateurs mixtes dus au titre de la RTT ou d’heures supplémentaires diverses. Comme l’a relevé notre collègue Gérard Larcher, il en est résulté une refonte complexe de l’organisation temporelle du travail.

Celle-ci, fondée sur des bases uniquement horaires, et non fonctionnelles, s’est faite au travers d’accords locaux, largement déterminés par l’état des rapports de force avec les syndicats. Elle a, en fait, provoqué une désorganisation importante et, surtout, une hétérogénéité des situations, qui s’est ajoutée aux coûts non compensés, très variables d’une structure hospitalière à l’autre.

Des aménagements ont été apportés, tels que la réduction des temps de transmission, l’encadrement des RTT ou la mise en place des fameux repos compensateurs. Toutefois, cette situation a entraîné une diminution du temps d’échange, ce qui n’a fait qu’accentuer la position de défense des équipes du matin par rapport à celles de l’après-midi ou de la nuit. La mise en place des 35 heures a en effet augmenté la concentration de la charge de travail des infirmières et des aides-soignantes sur un temps de présence plus court, principalement pour les équipes du matin, qui doivent assurer une tâche beaucoup plus lourde dans la plupart des services.

De même, par manque de personnels soignants, certains établissements ont dû faire appel à des médecins ou des infirmières, venus éventuellement d’autres pays, ou encore à des intérimaires, à qui il a fallu quelquefois dispenser une formation courte. Tout cela a représenté un coût important pour les établissements.

Cela m’amène justement à aborder maintenant les conséquences financières de la réforme.

La mise en place des 35 heures a été, je l’ai dit, compensée à hauteur de 5 %. Ces compensations financières se discutaient directement avec le ministère. Ainsi, eu égard notamment aux forces politiques en présence dans les conseils d’administration, certains établissements ont peut-être, à l’époque, été davantage indemnisés que d’autres, ce qui a créé des inégalités budgétaires. En revanche, certains établissements ont été mieux pourvus lors du passage à la T2A. Les établissements les mieux dotés dans le cadre de la dotation globale ne sont pas toujours ceux qui ont été le plus avantagés avec la T2A.

La T2A a, certes, permis une amélioration, mais elle n’a pas conduit à une évolution du comportement des personnels, soignants ou non soignants. Elle a induit une vision un peu plus productiviste du soin, davantage liée à la progression des activités. Au vu des enseignements que nous pouvons en tirer aujourd'hui, il conviendrait peut-être de revoir certains aménagements.

Rappelons quelques chiffres indispensables à la réflexion sur notre modèle social, qui, il faut l’avoir à l’esprit, vit à crédit. Car on oublie trop souvent que nous empruntons pour préserver notre modèle social !

Tout d’abord, la France compte 17, 8 employés hospitaliers pour 1 000 habitants, un ratio parmi les plus élevés d’Europe, pour un taux de remplissage de 75 % en moyenne, l’un des plus faibles de l’Union ! Voilà qui devrait nous interpeller.

Au cours des deux dernières années, le Gouvernement a fait le choix de dégager 2, 5 milliards d’économies, un objectif tout à fait respectable. Mais il faut savoir que les établissements ont affiché un déficit de 400 millions d’euros, un déficit chronique imputable pour une bonne part aux 35 heures. Je rappelle que le coût de cette réforme pour les établissements hospitaliers s’élève actuellement à plus de 600 millions d’euros.

On parle de réduire les dépenses publiques : le chiffre de 50 milliards d’euros a été évoqué, mais, on l’a bien compris, sans que des domaines aient été ciblés ! Les dépenses de santé sont donc concernées et peuvent être directement mises en cause, madame Cohen.

Les témoignages que j’ai recueillis sont concordants : l’état d’esprit du personnel hospitalier a évolué avec le passage aux 35 heures. Auparavant, bon nombre de personnels soignants ne comptaient pas les heures, encore moins les minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Et puis, ils ont appliqué la loi au pied de la lettre, décomptant scrupuleusement leur temps travaillé. L’exemple le plus emblématique est celui des médecins et des cadres de santé, qui ont dû établir – tâche particulièrement complexe – des tableaux de service, en indiquant très précisément les heures travaillées, les jours de congé et les RTT : bref, un véritable casse-tête ! D’ailleurs, cela se fait souvent au détriment du malade. Où est l’avantage pour les patients, qui voient les personnels se relayer régulièrement à leur chevet ?

Deux questions se posent.

Premièrement, le personnel hospitalier a-t-il une meilleure qualité de vie au travail ? Pas forcément, me semble-t-il !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ils ont certes davantage de temps libre, mais ils se sentent moins investis sur le plan professionnel. Les temps conviviaux ont été réduits.

Deuxièmement, y a-t-il moins de souffrance au travail ? Je n’en suis pas certain du tout. Les statistiques, peu nombreuses en la matière, ne semblent pas probantes. À écouter le personnel hospitalier, les contraintes budgétaires, dont une part est, bien sûr, imputable au temps légal du travail, sont, fonctionnellement, souvent mal vécues.

Dès lors, deux problèmes se dégagent : la dette sociale, dont il faut bien parler, ainsi que l’engagement et l’implication des personnels.

Compte tenu de la demande supplémentaire, les 35 heures ont entraîné une pénurie d’infirmières et, donc, une pression sur les personnels en poste. Elles ont aussi contribué à créer une dette sociale pour les hôpitaux au travers des comptes épargne-temps. Or, rappelons-le, cette dette sociale n’est pas provisionnée. De fait, si l’ensemble des employés décidaient d’un seul coup de solder leur compte, l’hôpital se trouverait dans l’incapacité de régler les heures supplémentaires et les congés dus. Voilà un élément qui mérite aussi d’être pris en compte !

J’en viens à ce point dont il n’a pas été question jusqu’à présent : l’absentéisme. Celui-ci est évidemment lié à la question de l’engagement et de l’implication du personnel au sein d’une équipe.

On note que le taux d’absentéisme dans les hôpitaux est important : un jour sur huit, soit 12 % du temps de travail. C’est un indice significatif de la pénibilité du travail à l’hôpital. Force est d’en déduire que les 35 heures n’ont pas amélioré les conditions de travail des personnels hospitaliers.

La contrainte réside par défaut dans la notion de « présentéisme », pour laquelle les 35 heures ont eu un effet négatif. Il est, de fait, plus compliqué d’avoir des personnes solidaires les unes des autres ; les remplacements sont assurés tant bien que mal : on fait souvent appel aux mêmes personnes, en tout cas selon les témoignages de personnels soignants que j’ai recueillis.

Néanmoins, soyons réalistes, des améliorations ont été enregistrées avec la loi HPST, qui a prévu un renforcement du management de proximité, en redonnant du pouvoir aux chefs de pôle – c’est essentiel ! –, afin de permettre l’expression des personnels et de favoriser les échanges d’informations.

La réponse à l’absentéisme doit être triple.

Premièrement, il faut apporter une réponse institutionnelle, disciplinaire en cas de besoin, en faisant preuve d’une réelle fermeté face aux comportements abusifs, ne serait-ce que par respect envers ceux qui n’encourent aucun reproche.

Deuxièmement, il faut prévenir les maladies liées au travail, afin de diminuer notamment la pression exercée sur les personnes.

Troisièmement, enfin, il faut apporter une réponse managériale, en insufflant un sentiment d’équipe et en améliorant, dans la mesure du possible, les conditions de travail.

Au-delà des indicateurs de l’absentéisme, on constate un important turnover, qui traduit une accentuation des comportements individualistes.

Outre la mise en place des 35 heures, d’autres facteurs expliquent aussi cette situation.

La suppression du jour de carence ne contribue pas à faire régresser l’absentéisme. En 2012, le nombre d’absences d’une journée avait reculé de 41 % dans les hôpitaux, hors CHU. C’était la première baisse enregistrée depuis six ans ! De fait, toutes durées confondues, le nombre des arrêts de travail était retombé au niveau de 2007 dans les hôpitaux. En 2012, l’instauration du jour de carence avait permis d’économiser, rappelons-le, 63 millions d’euros dans les hôpitaux publics, ce qui est considérable.

Supprimer le jour de carence n’a pas été, me semble-t-il, un bon signe pour la fonction publique hospitalière, ni une bonne affaire pour les finances publiques.

Outre les changements organisationnels, les 35 heures ont induit une évolution individualiste des comportements humains. D’ailleurs, soulignons-le, aucun autre pays n’a mis en place cette durée légale du travail.

En conséquence, le rapport entre les avantages et les inconvénients n’est pas bon. C’est logique : la rigueur comptable domine au détriment de la motivation et de la vocation, des valeurs pourtant indispensables et reconnues des professions hospitalières.

Je ne veux pas ici remettre en cause les compétences des personnels hospitaliers. Mais cessons de les décourager en prenant certaines mesures.

Écoutons également les malades !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ceux-ci soulignent la dégradation régulière des conditions d’hospitalisation. Voilà la preuve, s’il en était besoin, que nos structures hospitalières sont confrontées à certaines difficultés !

Pour conclure, je ne dirai qu’un mot : lucidité. Notre modèle social arrive à bout de souffle.

Il est à bout de souffle sur le plan fonctionnel : le chômage ne cesse d’augmenter dans notre pays. La réalité est là, et il faut bien l’analyser !

Il est également à bout de souffle sur le plan financier, puisqu’il est budgété à crédit.

Soyons clairs, si nous voulons préserver ce modèle, il nous faudra prendre des dispositions importantes.

Enfin, comme je le fais régulièrement dans mes interventions, je veux encore rappeler ici, madame la ministre, que se pose, la question du numerus clausus.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le numerus clausus n’a pas suffisamment évolué au cours des années ; en témoignent les difficultés que rencontrent, notamment, les structures rurales. Les mentalités ayant évolué, il faut trois médecins là où deux suffisaient auparavant pour assurer le même service.

Prenons nos responsabilités en formant le nombre de médecins qui est nécessaire pour que tous les territoires soient logés à la même enseigne ! §

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je le reconnais bien volontiers, la réduction du temps de travail est sans doute l’une des questions les plus importantes sur le plan social, mais aussi sur le plan de l’organisation de la vie en société, auxquelles nous soyons confrontés depuis dix ans. En tout cas, au « hit-parade » des thèmes faisant le plus réagir l’opposition figure, sans nul doute, celui des 35 heures, souvent érigé en symbole du débat politique et de l’affrontement existant entre la droite et la gauche, pour des raisons qui, au fil du temps, apparaissent de plus en plus idéologiques.

À écouter avec une grande attention les intervenants qui se sont succédé, au premier rang desquels M. Arthuis, bien sûr, qui est à l’initiative de ce débat, j’ai eu le sentiment que les 35 heures apparaissaient encore une fois comme l’antienne de la droite, qui les accuse d’être à l’origine des dysfonctionnements de notre société, bien plus que comme une question qui, aujourd'hui, poserait certaines difficultés particulières, appelant des réponses spécifiques au sein de l’hôpital public.

Il n’est pas douteux que la réduction progressive du temps de travail hebdomadaire ait été au cœur des grandes conquêtes sociales qui ont rythmé l’histoire de notre pays. C’est dans la continuité de ce processus que le gouvernement de Lionel Jospin avait résolument choisi d’inscrire son action en abaissant la durée légale du travail à 35 heures.

Cette mesure a été associée, de façon assumée, à un projet de société consistant, selon les termes de la ministre de l’emploi et de la solidarité de l’époque, Martine Aubry, à « faire que le temps de la vie soit un peu plus le temps de la liberté ». Il s’agissait aussi de mieux équilibrer « le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres », tout en créant des emplois.

De mon point de vue, les 35 heures ne visent pas à partager le travail. Peut-être cette conception ne fera-t-elle pas l’unanimité, même au sein de la majorité, mais c’est la mienne : je ne pense pas que la réduction du temps de travail doive être regardée comme un moyen de partager le travail, comme si la quantité de travail ne devait pas s’accroître.

Pour moi, les 35 heures répondent avant tout à l’exigence de vivre mieux au travail : dans un pays où la productivité est l’une des plus élevées des pays développés, elles visent à mieux inscrire le temps de travail dans la vie quotidienne.

Au demeurant, la question de la réduction du temps de travail, qui a été posée au tournant des années 2000, n’est pas actuellement à l’ordre du jour, et aucun nouvel abaissement n’est envisagé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à l’aune du projet de société que je viens de rappeler qu’il convient de dresser le bilan des 35 heures à l’hôpital.

Les orateurs qui ont appelé de leurs vœux – de façon relativement nuancée, je dois le reconnaître – une révision des 35 heures à l’hôpital, et sans doute aussi ailleurs, n’apporteraient pas, en remettant en cause cette grande avancée sociale, une bonne réponse aux difficultés qui existent en effet, et qui nous conduisent à proposer un pacte de responsabilité ainsi qu’un important programme d’économies. À leur discours inutilement inquiétant je désire opposer un bilan objectif et apaisé.

Avant de m’y efforcer, je tiens à souligner que, si des réformes sont assurément nécessaires à l’hôpital et dans l’ensemble de notre système de santé, dont l’hôpital fait partie intégrante – du reste, certaines réorganisations y ont déjà été entreprises –, je ne crois pas que la remise en cause des 35 heures soit la bonne manière de relever les défis qui se présentent à nous pour améliorer le fonctionnement de notre système de santé et pour réaliser des économies.

Ces deux objectifs peuvent parfois se recouper, mais ils ne se superposent en aucun cas : en effet, les tenir pour équivalents reviendrait à considérer que l’ensemble des économies nécessaires dans notre pays doivent être recherchées au sein de notre système de santé, voire au sein du seul l’hôpital, ce qui n’a absolument aucun sens. L’hôpital n’est pas responsable de toutes les difficultés de notre système de santé, encore moins de toutes celles de notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les économies doivent être recherchées dans la fonction publique !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Avant d’élargir le débat, suivant le vœu de M. Arthuis, je tiens à affirmer que les professionnels de santé à l’hôpital se sont pleinement approprié les 35 heures.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Comme Mme Archimbaud l’a souligné avec force, ils les considèrent comme un indéniable progrès et les plébiscitent largement.

Au vrai, à l’hôpital au moins autant qu’ailleurs, voire plus qu’ailleurs, la réduction du temps de travail était une nécessité. En effet, les professionnels qui y exercent travaillent dans des conditions qui ne sont pas toujours faciles, et le rapport qu’ils entretiennent à leur temps de travail est marqué par l’engagement et la mobilisation. Plus que d’autres professionnels, ils doivent faire face à l’irrégularité de la charge de travail ; en particulier, les jours et les horaires alternés perturbent leur vie personnelle.

C’est pourquoi les professionnels de santé à l’hôpital sont nombreux à avoir vu dans les 35 heures une réponse nécessaire à leur situation.

Je veux saluer l’engagement, la mobilisation et le dévouement de l’ensemble de la communauté hospitalière, personnels soignants, dans leur diversité, et personnels non soignants. Monsieur Savary, je vous le dis avec courtoisie, mais fermeté : je ne peux pas vous laisser prétendre que les 35 heures leur auraient fourni un prétexte pour se démobiliser et se désengager.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce n’est pas ce que j’ai dit, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

C’est bien ce que vos propos laissaient entendre, monsieur le sénateur !

En ce qui concerne la question du numerus clausus, qui est sans lien direct avec les 35 heures, mais qui vous préoccupe beaucoup et que vous soulevez régulièrement, je veux tordre le cou à l’idée selon laquelle il suffirait de former davantage de médecins pour résoudre l’ensemble des difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans nos territoires, en particulier dans les territoires ruraux. Au demeurant, ces difficultés sont en voie d’être aplanies grâce aux mesures que j’ai mises en place, au nom du Gouvernement, depuis un peu plus d’un an.

En vérité, monsieur Savary, les médecins français n’ont jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui par rapport à la population : alors qu’il y avait dans notre pays, pour 100 000 habitants, 214 médecins au début des années 1990, on en compte aujourd’hui environ 300, soit presque un tiers de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Les spécialités sont plus nombreuses aujourd’hui !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Ainsi, le problème ne tient pas au nombre de médecins formés, mais à leur répartition et à leurs choix d’implantation. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d’encourager les professionnels à s’installer dans des territoires où, désormais, ils ne vont plus d’eux-mêmes, plutôt que de former davantage de professionnels qui grossiraient les rangs de ceux qui ouvrent ou rejoignent des cabinets en centre-ville.

Mais je reviens aux 35 heures. Pour les personnels, le passage à cette durée a été synonyme d’un meilleur équilibre des rythmes de travail et de vie. Pour eux, la plupart des jours de RTT ont été intégrés aux cycles de travail.

S’agissant des personnels médicaux, il faut se souvenir que les RTT ont été mises en œuvre en même temps que la directive européenne sur le temps de travail était transposée. Cette directive a notamment prévu la comptabilisation des gardes comme du temps de travail effectif et elle a confirmé l’obligation de repos quotidien : ce sont des mesures dont nous n’avons pas fini de gérer les conséquences sur le plan de l’organisation.

En réalité, c’est moins le passage aux 35 heures qui a pesé sur l’organisation du temps travail des médecins à l’hôpital que la transposition à peu près concomitante de cette directive européenne à laquelle nous avons dû nous soumettre. Les contraintes d’organisation sont aujourd’hui dépassées, pour l’essentiel, mais elles ont été réelles au début des années 2000.

Par ailleurs, la mise en œuvre des 35 heures a permis de créer des emplois : 37 000 emplois ont été créés dans le seul domaine sanitaire, et 8 000 dans le secteur médicosocial.

Je ne peux pas laisser dire qu’il s’agirait de sous-emplois et que les professionnels de l’hôpital seraient d’anciens emplois-jeunes sous-qualifiés. En effet, les emplois-jeunes ont été formés là où ils ont été recrutés : s’ils ont commencé à travailler il y a dix ans, on peut tout de même penser qu’ils ont acquis un savoir-faire !

En outre, à l’hôpital, les emplois-jeunes ont servi au recrutement de personnels administratifs, non de soignants, alors que les emplois créés grâce aux 35 heures ont été, pour l’essentiel, des emplois de soignants.

Il faut bien constater, néanmoins, que les spécificités de l’hôpital y ont rendu la mise en œuvre des 35 heures plus difficile que dans d’autres secteurs. De fait, si la présence médicale ou soignante doit être assurée 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il est souvent difficile de remplacer une infirmière ou une aide-soignante qui a accompagné un malade pendant plusieurs heures.

C’est la raison pour laquelle l’engagement des établissements hospitaliers a été décisif pour réorganiser le travail après la mise en place des 35 heures. Les établissements ont dû concentrer leurs efforts sur la réduction des chevauchements d’équipes, sur la mise en commun des moyens et sur la consolidation des relations entre les services cliniques et les services médico-techniques.

D’ailleurs, certaines de ces réorganisations ont été à la source de progrès pour les hôpitaux : c’est ainsi que l’application de la réduction du temps de travail à tous les personnels, sans exception, a permis un renforcement de la coordination des équipes médicales et non médicales.

La critique, au demeurant nuancée, que M. Larcher a adressée aux 35 heures ne saurait faire oublier que, dans certains établissements, comme celui de Rambouillet, l’accord visant à accompagner la mise en place des 35 heures a été extrêmement généreux pour les personnels.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

C’est la preuve que des solutions performantes ont pu être trouvées.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

La grande caractéristique de la fonction publique hospitalière est d’être une fonction publique d’établissements. Aussi bien, c’est établissement par établissement que les 35 heures ont été mises en place et que le dialogue social a été organisé. La réforme a donc été déclinée de manière variable selon les établissements, même si une convergence s’est progressivement dessinée.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

L’un des orateurs a préconisé de mobiliser les agences régionales de santé pour rendre le dialogue social plus actif. Je suis extrêmement attentive à la vitalité du dialogue social, mais j’estime qu’il doit se nouer au sein des établissements et tenir compte des réalités de chacun. Il appartient aux agences régionales de santé de s’assurer que le dialogue est effectif, mais les directeurs généraux des agences n’ont pas à se substituer aux directeurs des établissements pour l’organiser.

Afin d’assurer la mise en œuvre des 35 heures, nos hôpitaux ont également développé de nouveaux outils de gestion, comme les comptes épargne-temps, les CET, dont le format s’est adapté au fil du temps.

Ces dispositifs ont engendré des différences entre les établissements et les personnels. Les 35 heures se sont traduites de manière variée selon les catégories professionnelles : soit elles ont été intégrées dans les cycles de travail, soit elles ont donné lieu à des possibilités de récupération pour les professionnels médicaux, les cadres et les cadres supérieurs, qui bénéficient pour leur part d’un CET.

Ces différences peuvent avoir provoqué un certain nombre de dysfonctionnements. En effet, de nombreux personnels hospitaliers n’ont pas transformé leurs manières de travailler à la suite de la mise en œuvre des 35 heures, accumulant ainsi au fil des années des jours de congés non pris, dont le nombre peut atteindre 100, 200, voire 300 ! Une telle situation est susceptible de déboucher sur des dysfonctionnements, soit à court terme, soit à plus long terme. Par exemple, il n’est pas interdit d’imaginer que, à la fin de leur carrière, certains personnels hospitaliers puissent partir en retraite un an plus tôt que la date prévue.

C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix de mieux réguler ce qu’on a coutume d’appeler la « dette sociale », laquelle, indépendamment des mesures que j’ai prises, a été provisionnée, monsieur Savary, par les établissements hospitaliers.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

J’ai donc pris un certain nombre de décisions. Le décret du 6 décembre 2012 prévoit notamment qu’un maximum de dix jours peut être inscrit chaque année dans le CET. Il prévoit aussi que le plafond maximal de jours maintenus dans le CET est fixé à soixante, alors que la durée de vie du compte épargne-temps reste illimitée. L’ensemble des jours de congés maintenus dans les CET, qu’ils donnent lieu à une indemnisation ou à des congés, est désormais valorisé dans un compte de provision, qui peut être identifié, contrôlé puis rendu public dans le cadre des comptes financiers.

Vous qui appelez à la transparence, messieurs les sénateurs de l’opposition, mais ne l’avez jamais mise en œuvre au cours des dix dernières années, vous allez pouvoir vous réjouir qu’elle soit désormais au rendez-vous ! En effet, dans chaque établissement, on pourra dorénavant vérifier la manière dont les jours ou les heures ont été accumulés, dans le cadre des 35 heures. Par ailleurs, il y aura, pour la première fois, une « remontée » au niveau national de la réalité de chacun de ces comptes hospitaliers, de façon que nous puissions procéder à l’agrégation et à la comparaison des situations.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je ne doute pas que vous vous félicitiez de cette mesure, que vous auriez pu prendre au cours des dix années passées.

Pour ce qui concerne les personnels médicaux, un second décret a été publié, qui permet une meilleure régulation de leurs CET. Outre des dispositions similaires à celles qui sont prévues pour les agents de la fonction publique hospitalière, le texte prévoit une mise sous contrôle de l’utilisation des CET. Ainsi, le chef de pôle est désormais pleinement responsable de la gestion prévisionnelle des congés et des CET : l’objectif est de sensibiliser le corps médical à la prise régulière de jours de congé et à la régulation des CET.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au cours des dix prochaines années, la réduction des durées de séjour et le développement de l’ambulatoire transformeront encore en profondeur l’organisation du travail à l’hôpital.

Plusieurs questions se posent – Mme Cohen en a évoqué certaines –, notamment en termes d’organisation. Je pense en particulier au recours à des médecins intérimaires, parfois appelés « mercenaires ». C’est un sujet préoccupant, qui fera l’objet de dispositions spécifiques dans la prochaine loi de santé que je serai amenée à proposer, car nous ne pouvons pas laisser se développer et prospérer ce type de solutions.

Comme l’a indiqué Catherine Génisson, nous avons des progrès importants à réaliser concernant l’organisation de notre système de santé autour des parcours de soins. De même, une meilleure intégration de la médecine ambulatoire et de la médecine hospitalière est nécessaire. C’est là, monsieur Arthuis, le cœur des réformes structurelles que nous avons à promouvoir pour l’hôpital.

Je ne crois pas que ce soit par la suppression ou la remise en cause des 35 heures que nous parviendrons à maîtriser les dépenses publiques. Car cette maîtrise est désormais indispensable : nous devons, nous, régler ce problème puisque vous, ces dépenses, vous les avez laissé littéralement exploser – il n’y a pas d’autre mot – au cours de dix dernières années. Je crois, au contraire, que seules des réformes structurelles seront à même de produire des effets dans la durée.

S’agissant de l’autonomie, sur laquelle vous m’avez posé une question précise, le projet de loi qui viendra en débat au printemps devant le Parlement est d’ores et déjà intégralement financé. En effet, cela ne vous aura pas échappé, nous avons instauré une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, dite CASA – vous l’aviez contestée en son temps –, affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Ce prélèvement, qui représente environ 645 millions d’euros par an, permettra la mise en œuvre de ce texte relatif à l’autonomie. Vous le voyez bien, il n’y a là ni doute ni flou, contrairement à ce que vous avez indiqué.

Je terminerai en disant simplement que la réduction horaire du temps de travail doit aujourd'hui être complétée par une amélioration de la qualité de vie au travail ; Catherine Génisson et Laurence Cohen ont insisté sur ce point. J’ai en effet bien conscience que des tensions demeurent au sein de la communauté hospitalière. Pour y répondre, j’ai lancé plusieurs chantiers.

D’abord, le pacte de confiance pour l’hôpital a d’ores et déjà permis, au travers de la publication de décrets, de renforcer les compétences des comités techniques d’établissement, des commissions médicales d’établissement et des commissions régionales paritaires. Ces trois instances sont appelées à renforcer leurs échanges sur la gestion du temps de travail.

J’indique au passage que les tensions n’apparaissent pas plus importantes dans la fonction publique hospitalière qu’ailleurs et que, pour ce qui est de l’absentéisme, les différences sont plus nettes à l’intérieur des hôpitaux, d’un service à un autre, qu’entre les hôpitaux ou entre la fonction publique hospitalière et les autres fonctions publiques.

Par ailleurs, une négociation est actuellement en cours sur les conditions de travail des personnels hospitaliers. Elle devrait déboucher sur l’organisation d’un rendez-vous annuel consacré à cette question. Il s’agit de cibler des crédits qui permettront de relancer la dynamique des contrats locaux d’amélioration des conditions de travail, lesquels intègrent la thématique de la concordance des temps de travail entre personnels médicaux et non médicaux.

C’est dans ce cadre, en particulier, mais pas exclusivement, que la question de l’organisation du temps de travail par période de 12 heures peut être posée. Elle est aujourd'hui permise par les textes, mais à titre dérogatoire. À cet égard, des interrogations peuvent être légitimement se faire jour, compte tendu de la tendance à la généralisation de ce mode d’organisation, pourtant plébiscité par les jeunes générations. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que ce sujet fasse l’objet de débats au niveau du CHSCT central, c'est-à-dire au sein du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

Enfin, la ministre chargée de la fonction publique a entamé à la fin de l’année dernière des discussions sur le thème de la prévention de la pénibilité dans la fonction publique : elles devraient permettre de réaliser les progrès qui sont nécessaires en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en œuvre des 35 heures à l’hôpital a été, pour les centaines de milliers de Français qui y exercent au quotidien, une avancée sociale importante. Toutefois, le travail engagé pour parfaire l’organisation du travail hospitalier doit être poursuivi.

Le temps de travail, l’organisation du travail, la qualité de vie au travail : ces trois enjeux sont indissociables. C’est la raison pour laquelle nous menons les trois chantiers de front. La communauté hospitalière et l’ensemble des Français, usagers potentiels de notre secteur hospitalier, attendent que l’hôpital soit reconnu non seulement comme un lieu où le travail doit se dérouler dans les meilleures conditions possibles, mais aussi, plus largement, comme un lieu de vie.

Je veux dire aujourd'hui ma confiance – et non pas ma défiance, comme je l’ai parfois entendu ! – envers le personnel hospitalier et ma volonté de faire en sorte que leurs conditions de travail soient toujours améliorées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous en avons terminé avec le débat sur le bilan des 35 heures à l’hôpital.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à midi, est reprise à quinze heures.