Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 27 février 2014 à 10h00
Débat sur le bilan des 35 heures à l'hôpital

Marisol Touraine :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je le reconnais bien volontiers, la réduction du temps de travail est sans doute l’une des questions les plus importantes sur le plan social, mais aussi sur le plan de l’organisation de la vie en société, auxquelles nous soyons confrontés depuis dix ans. En tout cas, au « hit-parade » des thèmes faisant le plus réagir l’opposition figure, sans nul doute, celui des 35 heures, souvent érigé en symbole du débat politique et de l’affrontement existant entre la droite et la gauche, pour des raisons qui, au fil du temps, apparaissent de plus en plus idéologiques.

À écouter avec une grande attention les intervenants qui se sont succédé, au premier rang desquels M. Arthuis, bien sûr, qui est à l’initiative de ce débat, j’ai eu le sentiment que les 35 heures apparaissaient encore une fois comme l’antienne de la droite, qui les accuse d’être à l’origine des dysfonctionnements de notre société, bien plus que comme une question qui, aujourd'hui, poserait certaines difficultés particulières, appelant des réponses spécifiques au sein de l’hôpital public.

Il n’est pas douteux que la réduction progressive du temps de travail hebdomadaire ait été au cœur des grandes conquêtes sociales qui ont rythmé l’histoire de notre pays. C’est dans la continuité de ce processus que le gouvernement de Lionel Jospin avait résolument choisi d’inscrire son action en abaissant la durée légale du travail à 35 heures.

Cette mesure a été associée, de façon assumée, à un projet de société consistant, selon les termes de la ministre de l’emploi et de la solidarité de l’époque, Martine Aubry, à « faire que le temps de la vie soit un peu plus le temps de la liberté ». Il s’agissait aussi de mieux équilibrer « le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres », tout en créant des emplois.

De mon point de vue, les 35 heures ne visent pas à partager le travail. Peut-être cette conception ne fera-t-elle pas l’unanimité, même au sein de la majorité, mais c’est la mienne : je ne pense pas que la réduction du temps de travail doive être regardée comme un moyen de partager le travail, comme si la quantité de travail ne devait pas s’accroître.

Pour moi, les 35 heures répondent avant tout à l’exigence de vivre mieux au travail : dans un pays où la productivité est l’une des plus élevées des pays développés, elles visent à mieux inscrire le temps de travail dans la vie quotidienne.

Au demeurant, la question de la réduction du temps de travail, qui a été posée au tournant des années 2000, n’est pas actuellement à l’ordre du jour, et aucun nouvel abaissement n’est envisagé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à l’aune du projet de société que je viens de rappeler qu’il convient de dresser le bilan des 35 heures à l’hôpital.

Les orateurs qui ont appelé de leurs vœux – de façon relativement nuancée, je dois le reconnaître – une révision des 35 heures à l’hôpital, et sans doute aussi ailleurs, n’apporteraient pas, en remettant en cause cette grande avancée sociale, une bonne réponse aux difficultés qui existent en effet, et qui nous conduisent à proposer un pacte de responsabilité ainsi qu’un important programme d’économies. À leur discours inutilement inquiétant je désire opposer un bilan objectif et apaisé.

Avant de m’y efforcer, je tiens à souligner que, si des réformes sont assurément nécessaires à l’hôpital et dans l’ensemble de notre système de santé, dont l’hôpital fait partie intégrante – du reste, certaines réorganisations y ont déjà été entreprises –, je ne crois pas que la remise en cause des 35 heures soit la bonne manière de relever les défis qui se présentent à nous pour améliorer le fonctionnement de notre système de santé et pour réaliser des économies.

Ces deux objectifs peuvent parfois se recouper, mais ils ne se superposent en aucun cas : en effet, les tenir pour équivalents reviendrait à considérer que l’ensemble des économies nécessaires dans notre pays doivent être recherchées au sein de notre système de santé, voire au sein du seul l’hôpital, ce qui n’a absolument aucun sens. L’hôpital n’est pas responsable de toutes les difficultés de notre système de santé, encore moins de toutes celles de notre pays !

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