Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 27 février 2014 à 15h00
Questions cribles thématiques — Laïcité

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en 2004-2005, Jean Baubérot, spécialiste de la laïcité, rédigeait une déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle, dans laquelle il énonçait trois principes fondamentaux : la liberté de conscience comme liberté publique, l’autonomie de l’État et des institutions publiques à l’égard de toute religion et conviction, l’égalité dans l’exercice des droits. Il définissait la laïcité comme « l’harmonisation » de ces trois principes.

Il écrivait : « Après avoir raconté la séparation des Églises et de l’État d’une manière uniquement conflictuelle, le discours social dominant effectue un virage à cent quatre-vingts degrés lors du centenaire de la loi en 2005. On insiste maintenant sur son irénisme ». De la promulgation d’une loi visant à soustraire l’État à toute ingérence du pouvoir des Églises et à permettre un vivre ensemble respectueux de la religion de l’autre, on est passé au culte d’un concept susceptible de régler tous les problèmes de la République et de rassembler tous les déçus de ses valeurs.

Une forme d’« intégrisme » laïc s’est trouvée ainsi relayée par une certaine vulgate républicaine, qui cherche à enfermer la France dans un schéma binaire opposant ses partisans érigés en bons Français et les autres, au premier desquels les musulmans, stigmatisés comme a priori rétifs à cette nouvelle religion qu’est devenue la laïcité pour d’aucuns. La machine à exclure est en marche ! Or la laïcité devrait être l’inclusion.

Au-delà de la neutralité, impérative, des services publics, on en est venu à exiger cette neutralité dans l’espace public lui-même, voire lors de l’exercice de certaines missions de service public pourtant assurées par le secteur privé, ou simplement des « nounous » de nos enfants.

Monsieur le ministre, serait-il vraiment sage que l’État en arrive à dicter les principes d’une laïcité abstraite à l’entreprise privée elle-même, alors que cette dernière semble parfois gérer beaucoup mieux la question religieuse, et ce sans fracas ni vaine polémique ?

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