Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 26 février 2014 à 14h30
Débat sur l'épargne populaire

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Du financement de la dette publique jusqu’au financement de l’économie, un objectif est resté constant depuis plus d’un siècle : le financement du logement social.

Cette priorité donnée au logement social est l’esprit même de l’épargne populaire. C’est un cercle vertueux : l’épargne accessible aux plus modestes permet de financer à long terme la construction des logements sociaux. L’épargne populaire s’est ainsi imposée comme le vecteur historique de la solidarité entre des générations successives de locataires. Cette boucle vertueuse ne peut fonctionner que si sont réunies deux conditions sur lesquelles je centrerai mon propos : le progrès dans l’accessibilité bancaire et le droit au compte, ainsi que l’efficience du financement du logement social.

L’épargne populaire n’est véritablement populaire que lorsqu’elle peut devenir la chose de chacun. Aussi l’accessibilité bancaire et le respect du droit au compte sont-ils des principes essentiels pour que l’épargne populaire continue de jouer son rôle social.

D’importants progrès ont été réalisés depuis 2008. La loi de modernisation de l’économie, dite LME, en permettant la diffusion de l’épargne réglementée à toutes les banques a contribué à mettre l’épargne populaire à la portée de tous.

Je tiens notamment à souligner le rôle pivot joué depuis six ans par la Banque postale en la matière, puisque celle-ci doit respecter des obligations qui ne s’imposent pas aux autres banques. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la Banque postale doit ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande, effectuer gratuitement et sans limite les opérations de dépôt et de retrait à partir de 1, 5 euro – au lieu de 10 euros pour les autres établissements bancaires –, accepter les domiciliations de virements et de prélèvements de certaines opérations, notamment au profit des minima sociaux, octroyer gratuitement et sans limite des chèques de banque ou encore effectuer gratuitement des virements sur le compte à vue du titulaire du livret A.

Les derniers chiffres mis à disposition par l’Observatoire de l’épargne réglementée font état du succès remporté par cette politique volontariste. À la fin de l’année 2012, la Banque postale disposait de plus de 19 millions de livrets A sur les 64 millions qui existent en France. Or près de 54 % de ces livrets présentent un encours inférieur à 150 euros. Le livret A étant ouvert à tous, il reflète l’état de la société française, avec ses inégalités, au travers de la collecte de l’épargne populaire.

Il existe néanmoins des produits destinés à faciliter l’accessibilité bancaire et réservés à ceux de nos concitoyens qui connaissent les situations financières les plus fragiles : je pense notamment au livret d’épargne populaire.

Le nombre de LEP ouverts est resté stable depuis 2002, alors que la crise a durement frappé nos concitoyens. Les critères d’éligibilité au LEP sont effectivement restrictifs, dès lors qu’il faut nécessairement être exonéré de l’impôt sur le revenu pour pouvoir en bénéficier. Or le LEP est rémunéré plus généreusement que le livret A, le taux servi étant supérieur de 0, 5 point.

L’effet redistributif du LEP devrait être amplifié à la suite de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu. Un important débat sur ce sujet a eu lieu à l’Assemblée nationale, pendant l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013 : l’éventualité d’ouvrir l’accès au LEP à plus de 7 millions de foyers supplémentaires en retenant comme critère le revenu fiscal de référence, et non plus l’impôt effectivement payé, avait alors été évoquée.

L’accessibilité bancaire est donc l’une des vocations de l’épargne populaire. Elle l’enrichit tant en alimentant ses encours qu’en lui donnant une vocation sociale, et donc finalement populaire.

En ce qui concerne le financement du logement social, le rapport Camdessus de 2007 était relativement pessimiste quant à sa pérennité. C’était avant la relance de la dynamique de la collecte par la loi de modernisation de l’économie de 2008.

Les objectifs de financement ont-ils été remplis six années après l’amorce de ces réformes ? À en croire le dernier rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée, les capacités des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations sont devenues excédentaires par rapport aux objectifs fixés.

Le régime de centralisation des encaisses mis en place par la LME de 2008 et définitivement entré en vigueur en 2011 permet désormais aux fonds d’épargne de disposer de près de 65 % de l’ensemble de la masse de l’épargne réglementée, soit plus de 255 milliards d’euros à la fin de l’année 2012. Ce levier a permis à la Caisse des dépôts et consignations de démontrer, une fois de plus, que la politique de soutien au logement social constitue le cœur de ses activités.

Le montant des prêts signés en 2012 au profit du logement social et de la politique de la ville s’est élevé à 14, 9 milliards d’euros. Ces crédits ont été consentis sous forme de prêts directs, à hauteur de 12, 4 milliards d’euros, ou indirects, à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, via le refinancement d’établissements bancaires consentant des prêts locatifs sociaux, des prêts locatifs intermédiaires et des prêts sociaux location-accession.

Au-delà du caractère abstrait de ces chiffres, l’effort d’épargne trouve une traduction concrète au service de la collectivité. Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations a ainsi financé, en 2012, d’après les données les plus fermement établies, la construction ou l’acquisition de plus de 105 000 logements, au lieu de 120 761 en 2011, et a contribué au financement de la réhabilitation de plus de 210 000 logements.

Parmi ces 105 000 logements, plus de 22 000 relèvent de l’habitat spécifique. Nous parlons ici de centres d’hébergement, de résidences ou de foyers d’accueil. Cet effort historique de la Caisse répond ainsi à des besoins non couverts par le marché du logement.

Il est certain que ces résultats, s’ils sont probants, ne sont pas au niveau des objectifs fixés par le Gouvernement lors de la présentation, en 2013, du « plan d’investissement pour le logement », qui prévoyait la construction de 150 000 logements sociaux par an. Or, depuis le début des années 2000, il est apparu comme une constante que ces plans ont toujours contribué à tirer la construction et l’évolution du parc locatif social vers le haut.

Ce parc, qui compte actuellement 4 400 000 logements, croît en moyenne de 1, 5 % par an, selon les données fournies par la Caisse. En 2011, la croissance nette du parc a été de l’ordre de 73 000 logements, avec plus de 100 000 logements produits et 27 000 logements sortis du parc. Parmi ces derniers, 19 000 ont été démolis, mais 8 000 ont été vendus aux particuliers.

La politique du logement social appuyée par l’épargne populaire, c’est certes la construction, mais c’est aussi l’entretien, la rénovation, la modernisation ainsi que l’accompagnement des locataires vers l’accession à la propriété – n’oublions pas non plus l’adaptation des logements pour les personnes handicapées.

De nombreux efforts restent à fournir. La décollecte observée à l’automne dernier, couplée à la crise du mal-logement, tend à remettre en cause la boucle vertueuse de l’épargne populaire. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment du Parlement, de veiller à ce que l’épargnant puisse toujours contribuer, par son effort, à cette grande entreprise de progrès social qui profite aux banques, à l’État, à la collectivité, mais aussi, et surtout, aux épargnants eux-mêmes.

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