Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 26 février 2014 à 21h30
Lutte contre la contrefaçon — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Le texte vise à renforcer les moyens des douanes en leur apportant des facilités et en leur procurant de nouveaux outils juridiques, afin de lutter plus efficacement contre la contrefaçon. Je suis évidemment attachée, comme nous tous, à la sécurité des consommateurs, souvent mise en danger par les produits contrefaits, dont le respect des normes de sécurité est souvent douteux.

Nous, écologistes, sommes également attachés à la préservation de l’industrie française, dont la qualité des produits est reconnue dans le monde entier, ce qui a tendance à attiser les appétits des contrefacteurs. C’est pourquoi les écologistes ont voté cette proposition de loi en première lecture, après avoir obtenu du Gouvernement la promesse que ces nouvelles procédures ne seraient pas utilisées contre les agriculteurs.

Le texte, je le rappelle, ne s’attache pas directement à définir la contrefaçon, ce qui est sans doute un tort, même si je conçois qu’il aurait probablement été fort difficile pour une proposition de loi d’aller plus loin. Toutefois, il a ravivé les débats, déjà anciens, sur l’appropriation du vivant par des entreprises privées. Le débat n’est pas clos ; il se poursuivra lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les discussions à l’Assemblée nationale ayant déjà permis des avancées dans ce domaine.

Il faudra donc que nous approfondissions un jour les questions de propriété intellectuelle. Ce n’est pas, à mon avis, le rôle de la seule commission des lois. Il me semble en effet que la commission de la culture s’occupe déjà, et ce depuis longtemps, des questions relatives aux droits d’auteur et aux droits attachés aux œuvres culturelles. Son but est de protéger la création, tout en faisant en sorte que l’accès à la culture soit le plus large possible et concerne tous les publics.

Je pense que la commission des affaires économiques du Sénat devrait aussi s’intéresser à l’évaluation économique des droits de la propriété intellectuelle. Si la plupart des économistes s’accordent sur le fait qu’une protection de l’innovation est nécessaire pour préserver les investissements privés dans la recherche et le développement, il ne faut pas occulter les enjeux actuels relatifs aux nouvelles technologies. Les droits de propriété intellectuelle et les brevets deviennent des enjeux spéculatifs pour les grandes entreprises. Elles cherchent à acquérir des portefeuilles de brevets extrêmement fournis, afin d’entraver leurs concurrents par des procès interminables, aux enjeux financiers colossaux. J’en veux pour preuve la guerre ouverte à laquelle se livrent les deux géants des smartphones depuis trois ans – l’américain Apple et le coréen Samsung –, dont les enjeux financiers s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. On en arrive donc à une situation paradoxale, où la protection devient une entrave à l’innovation.

Enfin, je voudrais revenir sur un problème plus grave encore, celui des médicaments. Les sociétés pharmaceutiques maximisent leurs profits et, dans le monde entier, empêchent l’accès des plus démunis à un grand nombre de médicaments, alors que la recherche médicale est financée en grande partie par les États, notamment par l’éducation des futurs chercheurs. En France, la sécurité sociale elle-même peut contribuer au mouvement, en autorisant la mise sur le marché de nouvelles molécules au service médical rendu parfois insuffisant ou insuffisamment précisé.

Encore une fois dans cet hémicycle, les écologistes appellent à une réflexion sur notre modèle de développement culturel ou industriel. Nous sommes rejoints dans notre étude par le prix Nobel d’économie de l’année 2001, l’américain Joseph Stiglitz, que le président Sarkozy, dans sa grande sagesse, avait mandaté pour réfléchir à la rénovation des indicateurs de la croissance. Pour cet économiste, « le remplacement du modèle actuel par un système de récompense soutenu par l’État constituerait une solution à la fois au niveau élevé des prix et à la mauvaise orientation des recherches ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion