Intervention de Claire Quidet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 février 2014 : 1ère réunion
Prostitution — Audition de M. Grégoire Théry secrétaire général du mouvement du nid-france et de Mme Claire Quidet vice-présidente et porte-parole

Claire Quidet, vice-présidente et porte-parole du Mouvement du Nid-France :

Il faut vraiment insister sur le fait que la prostitution est un système de violence à tous les niveaux. Chaque parcours d'entrée dans la prostitution est particulier mais des invariants existent : la précarité économique et le besoin d'argent viennent en premier, dans un environnement, par ailleurs, fait, dans la plupart des cas, de violence physique, sexuelle ou psychologique précoce. Les personnes prostituées ont une image d'elles-mêmes détériorée, elles n'ont pas pu se construire, n'ont pas été respectées et ne se respectent pas : on n'arrive pas à la prostitution par hasard. La précarité favorise le basculement dans le système prostitutionnel, mais bien des éléments dans le parcours de ces personnes expliquent ce basculement. Toute réflexion sur le sujet doit en tenir compte.

La prostitution est faite, au quotidien, de violence : celle des réseaux, des proxénètes, des clients... Les témoignages sont nombreux qui dénoncent les insultes, les coups, les chantages et les menaces ainsi que les viols commis par les clients. La violence de la société, du regard d'autrui, n'est pas, non plus, à négliger. Les personnes prostituées ne sont plus vues que comme des prostituées, non pas comme des personnes.

Et quelle violence de subir des actes sexuels à répétition - non désirés même s'ils sont acceptés - par manque d'argent. Quand les prostituées calculent le nombre d'actes sexuels subis dans leur vie, elles donnent des chiffres effrayants. Du reste, qui a déjà été amoureux au point de faire l'amour quarante fois par jour ? Peut-on vraiment prétendre, comme le font certains, que la prostitution découle d'une prétendue liberté à disposer de son corps ?

Il faut se battre contre les postures intellectuelles et les fantasmes véhiculés par les médias. Le travail associatif fait état d'une réalité bien éloignée de la prétendue liberté à disposer de son corps qui, aux yeux de certains, justifierait la prostitution. Pour toutes ces raisons, la prévention doit commencer tôt. Une étude canadienne a révélé que le taux de mortalité des personnes prostituées était quarante fois supérieur à la normale et que 60 à 80 % d'entre elles souffraient de graves psycho-traumas, qui continuent à produire des effets destructeurs longtemps après. Cela aussi, il faut en parler !

La prostitution est une violence destructrice. Pour la supporter, il faut « tenir son corps à distance ». Cette dissociation a de lourdes conséquences sur la santé physique et psychologique. « Mettre son corps à distance », c'est, par exemple, renoncer aux soins pour éviter de se rendre chez le médecin. Lorsque ces personnes sortent de la prostitution et prétendent reprendre leur vie en main, la maladie physique ressort en proportion de leur faculté à supporter la souffrance. L'une de celles que nous avons rencontrées a souffert d'un abcès dentaire pendant deux ans sans s'en rendre compte : cette douleur, lui a dit le dentiste stupéfait, n'aurait pu être supportée par personne. La consommation d'alcool, de médicaments ou de drogue est souvent aussi un moyen d'oublier ces maux.

La prostitution s'inscrit dans un continuum de violences qui a pris différentes formes par le passé : droit de cuissage et viol faisaient partie des aléas de la condition des femmes... Il a fallu du temps pour faire admettre que ces comportements étaient répréhensibles - encore plus de temps pour le harcèlement sexuel au travail, les violences conjugales ou le viol au sein du couple. La prostitution s'inscrit bel et bien dans cette chaîne de violences.

D'aucuns estiment que les formes de violences sexuelles ont toujours existé. Il faut être cohérent : les violences légitimées par l'argent ne sont pas plus recevables que les autres. Les hommes ne doivent pas être regardés comme pouvant disposer du corps des femmes sans tenir compte de leurs désirs à elles.

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