Intervention de Pierre Vimont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 décembre 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Vimont secrétaire général exécutif du service européen pour l'action extérieure seae

Pierre Vimont, Secrétaire général exécutif du service européen pour l'action extérieure :

Je voudrais rappeler, tout d'abord, le cadre dans lequel s'est mis en place le Service européen pour l'action extérieure, qui est lié à la mise en oeuvre du traité de Lisbonne, et qui présente plusieurs spécificités.

Ce service, prévu par le traité de Lisbonne, a été installé un an après la mise en oeuvre de celui-ci, le temps de prendre les décisions nécessaires. En effet, après les référendums français et néerlandais de 2005, les institutions européennes étaient devenues très prudentes et avaient préféré attendre que les vingt-sept États membres aient tous ratifié le traité de Lisbonne avant de rien engager en la matière.

La première particularité de ce service, qui n'est pas une institution mais une administration de l'Union européenne - j'insiste sur ce point -, est de n'appartenir ni à la Commission ni au Conseil des ministres, mais de travailler en étroite liaison avec ces deux institutions et de relever, selon les domaines concernés, de l'une ou l'autre de ces institutions. Il se situe entre les deux, dans un effort de synthèse et d'innovation institutionnelle, qui n'a pas peu contribué à augmenter les difficultés de sa mise en place. Nous avons essuyé les plâtres, aux côtés de nos collègues de la Commission et du Conseil. On aurait pu imaginer de créer une agence dotée d'une autonomie financière et de règles propres concernant son personnel, mais cette idée a été rejetée, tant elle suscitait de fortes oppositions, notamment de la part de la Commission européenne. Le SEAE est donc soumis au régime de droit commun, ce qui est légitime dès lors que l'on respecte dans le même temps les spécificités liées au caractère particulier de ce service. Il s'agit en réalité d'un service diplomatique commun, qui regroupe une administration centrale à Bruxelles, mais aussi - ce que l'on a souvent tendance à oublier - des délégations de l'Union européenne auprès des organisations internationales ou de pays tiers, présentes dans 140 pays et organisations environ. Le SEAE gère, en effet, le réseau des délégations européennes, qui ont remplacé les délégations de la Commission européenne. Ces délégations remplissent la fonction de véritables ambassades de l'Union européenne même si elles n'en portent pas le nom de peur de froisser certains États membres. Elles ont à leur tête pour un grand nombre d'entre elles des diplomates issus des États membres.

Sa seconde caractéristique est de répondre à la notion d'« approche globale » ou d'« approche intégrée » contenue dans le traité de Lisbonne, qui vise à assurer une meilleure coordination des différentes institutions dédiées à l'action extérieure de l'Union européenne. Cette action sollicite à la fois les instruments traditionnels de la Commission européenne - l'action commerciale, humanitaire, énergétique, de développement et de coopération ou de transport -, et les instruments des États membres et du secrétariat du Conseil - l'action diplomatique, politique, de sécurité et de défense. L'objectif du SEAE est de donner un cadre général à tous ces instruments afin de leur assurer une efficacité maximale, notamment en période de crise. Le SEAE, en coordonnant l'action des différents instruments de l'Union européenne, met donc en oeuvre une approche intégrée.

Celle-ci n'allait pas de soi dans l'Europe d'avant Lisbonne, où chacun agissait de son côté, qu'il s'agisse du commissaire chargé des relations extérieures, du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) - M. Javier Solana - ou encore de la présidence tournante qui, tous les six mois, présentait un programme différent et des priorités nouvelles.

Le SEAE a la spécificité d'accueillir, en son sein, à la fois des fonctionnaires issus de la Commission, d'autres issus du secrétariat du Conseil et des diplomates issus des États membres. Au total, le service européen pour l'action extérieure comprend environ 3 500 agents, dont 1 500 fonctionnaires à Bruxelles et environ 2 000 au sein des délégations, auxquels s'ajoutent environ 4 000 fonctionnaires issus des différentes directions générales de la Commission européenne, comme les directions générales chargées du commerce, du développement, de l'environnement ou des transports, selon les priorités géographiques. Les fonctionnaires relevant du SEAE ne représentent donc en moyenne qu'environ un tiers des effectifs des délégations de l'Union européenne dans les pays tiers. Sur les 3 500 agents qui relèvent du SEAE, les fonctionnaires de catégorie A, les fonctionnaires AD pour reprendre la terminologie communautaire, représentent environ 900 postes. 60 % environ de ces 900 fonctionnaires de catégorie A sont issus de la Commission européenne, entre 10 et 15 % proviennent du secrétariat général du Conseil, et autour de 28 % (soit 270 à 275) sont des diplomates nationaux détachés. L'objectif est de voir ces derniers représenter d'ici à la mi 2013 un tiers des effectifs, conformément à l'objectif fixé lors de la création du SEAE. Ils apportent au SEAE la culture diplomatique des États membres. Il convient toutefois de relever qu'au sein des délégations de l'Union européenne, les agents issus des diplomaties nationales représentent déjà plus d'un tiers des effectifs du SEAE, autour de 35 %, alors qu'ils sont moins bien représentés au sein de l'administration centrale à Bruxelles. On distingue, en effet, trois grandes fonctions qui peuvent être occupées par des agents du SEAE au sein des délégations de l'Union européenne, celle de chef de la délégation, soit l'équivalent de l'ambassadeur, celle de chef de la chancellerie politique, et celle de chef du service administratif.

Les diplomates nationaux sont détachés par leur administration d'origine au sein du SEAE pour une période de quatre ans, renouvelable éventuellement pour une période supplémentaire de quatre ans, pouvant encore être prolongée de deux ans. Ils sont rémunérés par le budget de l'Union européenne. Alors qu'ils pourraient donc théoriquement rester dix ans, la plupart des secrétaires généraux des ministères des affaires étrangères des Etats membres nous ont indiqué qu'ils ne souhaitent pas de manière générale prolonger les détachements de leurs diplomates, afin d'encourager une véritable mobilité des agents entre leur administration et le SEAE. A partir de 2013, le recrutement du service pourra s'élargir à d'autres sources, notamment en provenance des fonctionnaires ou anciens élus du Parlement européen, qui pourront accéder à l'ensemble des fonctions de catégorie A.

Quel bilan peut-on tirer du service européen pour l'action extérieure, deux ans après sa mise en place ?

En ce qui concerne les aspects positifs, le premier élément que l'on peut mentionner est que le service a pu commencer à fonctionner rapidement.

Le traité de Lisbonne a retiré à la présidence tournante tout rôle propre en matière de politique étrangère et de sécurité et une seule personne, le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, actuellement Lady Ashton, a remplacé à la fois le commissaire chargé des relations extérieures et le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. Lady Ashton est actuellement à la fois Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité mais aussi Vice-Président de la Commission européenne chargé de coordonner les différents volets des relations extérieures au sein de la Commission européenne. Elle est à ce titre présidente du Conseil des ministres des affaires étrangères, du Conseil des ministres de la défense et du Conseil des ministres chargés du développement.

Le service européen pour l'action extérieure préside par ailleurs la plupart des différents groupes de travail relevant du Conseil des affaires étrangères, du Conseil Défense et du Conseil chargé du développement, ainsi que le Comité de politique et de sécurité (COPS).

Le SEAE a accueilli en son sein les différentes entités qui constituaient le secteur de la politique de défense et de sécurité : le comité militaire, l'état-major, avec notamment la Direction de la planification et de la gestion de crises - CMPD pour Crisis Management and Planning Directorate - et la Capacité civile de planification et de conduite - CPCC pour Civilian Planning and Conduct Capability. La France en particulier s'était demandé si ces différents services devaient être intégrés dans le SEAE, tout en reconnaissant qu'on ne pouvait pas plaider pour une approche globale et en écarter la dimension militaire. C'est pourquoi ces services ont été finalement intégrés comme éléments d'un ministère de la défense à l'intérieur d'un service qui se conçoit comme un ministère des affaires étrangères, ce qui est assez novateur. De ce fait, le SEAE a désormais la capacité d'intégrer immédiatement la dimension militaire dans les efforts consentis pour développer la gestion de crise.

En définitive, la machine s'est mise en place rapidement et la plupart des Etats membres sont plutôt satisfaits de la manière dont cela s'est passé, en particulier en ce qui concerne les délégations de l'Union européenne auprès des pays tiers. Ainsi, comme j'ai pu moi-même le constater en tant qu'ambassadeur de France, à Washington, la délégation de l'Union européenne est considérée aujourd'hui par les Américains comme l'interlocuteur naturel pour toutes les questions qui relèvent de l'Union européenne.

De plus, sur les grands dossiers internationaux où l'Union européenne est en première ligne, le SEAE a poursuivi le travail commencé avec succès par Javier Solana et a démontré une réelle « valeur ajoutée ».

Ainsi, concernant les Balkans occidentaux, nous avons ainsi contribué à la mise en place d'un dialogue entre Belgrade et Pristina, qui a pu être engagé malgré la victoire des nationalistes aux élections en Serbie et qui a déjà permis de réaliser certaines avancées.

S'agissant du programme nucléaire militaire de l'Iran, l'Union européenne dirige le groupe des six ou 3 + 3 et, à défaut d'obtenir des concessions de la part de l'Iran, a réussi à maintenir son unité face à l'Iran et à renforcer les sanctions, alors que la Russie et la Chine ne sont pas entièrement sur notre ligne.

Sur un dossier aussi complexe que le processus de paix au Proche Orient, l'Union européenne a conservé sa place au sein du « Quartette », même si ce groupe est de plus en plus contesté.

Comme vous l'avez souligné dans votre propos liminaire, il est vrai que les deux premières années de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne se sont accompagnées d'une baisse de rythme dans le domaine de la sécurité et de la défense européenne. Durant ces deux années, aucune nouvelle opération n'a été lancée, tant en matière civile que militaire, alors que dans la période précédente, sous Javier Solana, jusqu'à deux opérations étaient lancées chaque année, pour atteindre un total de vingt-trois. Il faut noter qu'à la mise en place de la nouvelle organisation se sont ajoutés les effets d'une crise financière et économique très forte, qui a paralysé l'action des États membres. Faisant le point des opérations existantes, notamment en Géorgie, au Kosovo ou en Afghanistan, nous avons observé que les contributions annoncées ne s'étaient pas entièrement concrétisées. Ainsi, sur les 150 observateurs prévus en Géorgie, moins d'une centaine est encore en place. Au Kosovo, quatre grandes unités de police avaient été annoncées dans le cadre de l'opération Eulex : elle n'en comprend à l'heure actuelle qu'une seule, essentiellement assurée par la Pologne, les autres pays ayant rapatrié leurs renforts pour des raisons de politique intérieure. Il a donc fallu dans un premier temps se réorganiser.

Toutefois, le mouvement est reparti dans le bon sens depuis quelques mois. Il en est ainsi, dans la Corne de l'Afrique, où, en complément au soutien financier apporté par l'Europe à la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) - l'Europe en est le premier donateur - et à la Mission européenne de formation des soldats des forces somaliennes (EUTM Somalia), nous mettons en place une troisième opération, Eucap Nestor, qui vise à renforcer les capacités maritimes notamment de Djibouti et du Kenya, en accompagnement de la mission militaire « Atalanta » de lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe d'Aden et dans l'océan Indien, et à aider ces États à se doter de l'appareil sécuritaire et juridique leur permettant de lutter contre la piraterie et, au-delà, de renforcer la sécurité maritime le long de leurs côtes. L'opération, qui en est au stade du concept opérationnel, est conduite par l'amiral français Launay.

Nous avons par ailleurs installé au Niger une mission civile et militaire, qui sera renforcée dans les mois à venir en cas d'opération au Mali. Il s'agira d'une opération de formation de l'armée malienne. Nous préparons également une opération dans la République du Soudan du Sud, autour de l'aéroport de Djouba, la capitale.

Vous avez mentionné le cas de la Libye et les difficultés de coordination entre la représentation des Nations unies, qui a été désignée comme chef de file pour l'aide internationale, et la représentation de l'Union européenne. Il est vrai que nous avons peut être sous-estimé au départ, tant les Nations unies que l'Union européenne ou les pays membres, les difficultés rencontrées par les autorités libyennes pour mettre en place de nouvelles institutions et pour se doter d'une administration efficace, et que nous avons peut être trop attendu. On a demandé à l'Union européenne de s'occuper dans un premier temps de la société civile, avant de réaliser l'importance des questions de sécurité pour les nouvelles autorités de ce pays. Nous réfléchissons donc actuellement avec nos partenaires libyens à une opération de l'Union européenne visant à renforcer les contrôles frontaliers, notamment au Sud mais aussi à l'Est, notamment en assurant la formation de la police des frontières. Les autorités libyennes, qui se mettent lentement en place, sont demandeurs en la matière. L'Europe a donc de nouveau la volonté politique d'aller de l'avant. Nous avons d'ores et déjà envoyé une mission exploratoire à Tripoli, à Benghazi et dans le Sud. Le principe d'une opération de l'Union européenne a été accepté par les autorités libyennes. Un concept de gestion de cette opération devrait être adopté prochainement par le Conseil. Les États membres devront évidemment y contribuer sur les plans humain et financier - nous dépendons d'eux pour monter de telles opérations -. D'ores et déjà, plusieurs Etats membres, comme la France, le Royaume-Uni ou l'Italie, ont encouragé le SEAE à aller de l'avant et ont indiqué qu'ils seraient disposés à contribuer à cette opération. Il y a urgence car la sécurité des frontières est une vraie préoccupation pour le gouvernement libyen.

Nos réflexions portent également sur les capacités de l'industrie d'armement européenne et sur la possibilité de mutualiser les efforts des Etats Membres pour combler les carences observées dans l'appareil militaire européen, carences que l'intervention militaire en Libye a révélées, qu'il s'agisse des avions ravitailleurs, qui ont fait largement défaut, de la formation et de l'entraînement des pilotes d'hélicoptères ou des hôpitaux de campagne. Il convient de travailler de manière conjointe - le pooling and sharing en langue bruxelloise - pour concevoir dès l'origine les programmes que nous pourrions lancer comme des programmes européens, complémentaires de ceux que l'OTAN mène dans le cadre de l'initiative de Smart Defence, lancée lors du sommet de Chicago. Nous travaillons à cette fin en étroite liaison avec l'OTAN.

Cette volonté d'avancer dans le domaine des capacités sera discutée lors du Conseil européen du mois de décembre prochain. Les chefs d'État et de gouvernement viennent en effet de confier une telle mission pour 2013 au SEAE, à la Commission et à l'Agence européenne de défense, sans oublier les autres entités du secteur de la sécurité et de la défense. Un rapport sera remis à la fin de l'année prochaine aux chefs d'État et de gouvernement qui valideront, ou non, les orientations qui auront été définies dans le cadre de cette mission.

De plus, Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services, a monté une task force chargée d'examiner du point de vue des compétences de la Commission européenne la manière de renforcer l'industrie des armements. Il s'agira, notamment, de faire tomber les obstacles subsistant au sein du marché intérieur pour permettre aux industries de la défense de mieux travailler entre elles et de renforcer l'impact des programmes de recherche et technologie vis-à-vis du secteur de la défense.

Un deuxième motif de satisfaction tient au fait que l'action du SEAE est saluée par les partenaires extérieurs de l'Union européenne. Il est d'ailleurs frappant de constater que, si le SEAE suscite souvent des critiques de la part des Etats membres, des think tanks ou des journalistes, à l'inverse, ses meilleurs avocats sont les diplomates issus de pays étrangers, à l'image des partenaires stratégiques de l'Union européenne, comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou le Brésil, qui considèrent que la mise en place du SEAE leur permet d'avoir un interlocuteur unique et bien identifié à Bruxelles pour les questions qui relèvent de l'Union européenne. Ces diplomates comprennent très bien la distinction entre le SEAE et les diplomaties nationales. Par ailleurs, les partenaires stratégiques et les organisations régionales, comme l'ASEAN, sollicitent de plus en plus souvent le SEAE. Contrairement à une idée répandue, selon laquelle il y aurait un conflit presque structurel entre l'Union européenne et les diplomaties nationales, et qu'il serait difficile pour le SEAE de trouver sa place, les partenaires extérieurs savent très bien distinguer ce qui relève de l'Union européenne et ce qui relève des Etats membres.

S'agissant des points de faiblesse, je mentionnerai d'abord les relations avec les autres institutions, comme le Conseil ou la Commission européenne, qui ont vu partir vers le SEAE un certain nombre de leurs fonctionnaires et de leurs attributions et qui ont pu légitimement nourrir un certain ressentiment à l'égard du SEAE. Il faut donc rebâtir patiemment une nouvelle relation de travail, une meilleure synergie et une plus grande coordination entre le SEAE, le Conseil et la Commission.

La deuxième difficulté tient à la nécessité d'aller vers une véritable culture diplomatique commune. Aujourd'hui encore au sein du SEAE, on peut immédiatement deviner l'administration d'origine du rédacteur d'une note, savoir s'il est issu de la Commission européenne, du secrétariat général du Conseil ou bien des diplomaties nationales, tant les différences de culture sont encore très fortes entre ces trois catégories d'agents. Dans un service encore largement dominé par la culture de la Commission européenne, où l'approche est traditionnellement axée sur les aspects économiques et d'aide au développement, il faut parvenir avec le temps à introduire davantage de diplomatie régalienne, telle qu'elle est pratiquée par les diplomaties nationales. Par ailleurs, il est très important que l'administration centrale travaille plus étroitement avec les délégations de l'Union européenne auprès des pays tiers, ce qui n'était pas le cas précédemment.

Enfin, la troisième et dernière difficulté tient à la nécessité de dépasser le travail quotidien pour essayer d'élaborer une vision stratégique, au moins sur les trois ou quatre prochaines années, des relations de l'Union européenne avec ses principaux partenaires. Je pense par exemple à l'avenir des relations de l'Union européenne avec des partenaires stratégiques, comme la Russie, la Chine ou les Etats-Unis, ou encore de l'attitude de l'Europe à l'égard des pays méditerranéens après le « printemps arabe ».

Vous m'avez également interrogé, Monsieur le Président, sur le vote récent à l'assemblée générale des Nations unies sur le rehaussement du statut de la Palestine et l'attitude des pays européens. Certes, d'un côté l'Union européenne est apparue divisée, puisque, en dépit de nos efforts visant à ce que les pays européens se limitent à deux positions de votes, soit le vote « pour », soit l'abstention, un pays - la République tchèque - a préféré au dernier moment voter « non » au statut d'Etat observateur de la Palestine à l'assemblée générale des Nations unies. Malgré ces différences, l'Union européenne a adopté, le même jour et à l'unanimité, une forte déclaration rappelant ses positions par rapport aux objectifs du processus de paix, c'est-à-dire une solution fondée sur la coexistence pacifique de deux Etats, contenant une ferme condamnation de la politique israélienne d'implantations illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et un appel à la réconciliation inter-palestinienne.

Sans aller jusqu'à parler d'une seule voix, nous nous efforçons ainsi de ne pas mettre en avant nos désaccords et de privilégier au contraire ce qui nous rassemble.

Ainsi, sur le dossier du Sahel et du Mali, nous parvenons à avancer en préservant l'unité des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne, malgré nos différentes sensibilités. Sur le plan de la sécurité, l'Union européenne monte, pour le début de l'année prochaine, une opération de formation et d'entraînement des troupes maliennes. Une force africaine d'intervention, qui pourrait s'installer à la limite séparant le nord et le sud du pays, est par ailleurs prévue. Un tel schéma rappellera celui qui a présidé à la sortie de crise en Somalie, où une force africaine, l'AMISOM, est épaulée par une force européenne de formation et d'entraînement, l'EUTM, la complémentarité de ces deux initiatives ayant permis de ramener progressivement un début de stabilité en Somalie, où le pays a retrouvé ses institutions - un président désigné par le Parlement et un gouvernement -, même si la situation demeure, il est vrai, fragile du fait de la présence persistante des rebelles à la frontière avec le Kenya. Au Mali, il est nécessaire d'aider à la réconciliation nationale entre les différents partis politiques et de relancer le processus électoral interrompu, sans oublier le développement économique et social. Si l'Union européenne a suspendu son aide, celle-ci est prête à redémarrer en parallèle avec le processus de réconciliation nationale. L'aide humanitaire, quant à elle, n'a jamais cessé et continue de se développer. Nous essayons de conduire au Mali une action aussi illustrative que possible de cette 'approche intégrée voulue par le Traité de Lisbonne.

De même, s'agissant de la Syrie, et même si l'on constate des nuances entre les vingt-sept capitales, nous poursuivons nos efforts diplomatiques pour mettre un terme aux violences et trouver une solution à cette crise. Sur ce dossier, le SEAE travaille actuellement, comme les Nations unies et la Ligue arabe, sur le « jour d'après », c'est-à-dire après le départ de Bachar el-Assad. Deux hypothèses doivent être prises en compte. La première est celle d'une transition se déroulant dans une relative stabilité, dans l'hypothèse où l'actuel émissaire de l'ONU, M. Lakhdar Brahimi, aurait réussi à mener à bien une initiative diplomatique permettant de mettre en place dès maintenant une transition politique. La seconde, qui serait la conséquence de l'échec de ces efforts diplomatiques, est celle de la disparition du régime actuel sans processus de transition préalable, ce qui pourrait mettre le pays dans une situation très instable. Ces deux hypothèses impliqueront évidemment des modes opératoires très différents. Dans le premier cas, on peut envisager l'installation d'une force de maintien de la paix sous l'égide des Nations unies, la promotion d'opérations de développement économique et de reconstruction ainsi que la mise en place d'un nouvel ordre institutionnel, débouchant, comme en Libye, sur un processus constitutionnel et électoral. Dans le second cas, il conviendra tout d'abord de trouver les moyens de ramener la stabilité, avec l'aide des Nations unies, dans un contexte qui sera beaucoup plus difficile.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion